Le brouillard épais rentrait jusque dans les maisons glacées, et ne dissipera que vers dix ou onze heures, si le soleil parvient à percer les lourds nuages gris qui restaient éternellement au-dessus de la région. Posté près de la fenêtre, Charlie observa le ciel, tout en ajustant son uniforme. On entendait les vagues s'écraser sur la plage, non loin, le vrombissement d'une moto qui démarrait, les rires d'un groupe de jeunes se rendant au lycée de la Réserve. Deux ou trois était inscrits à Hight School Spartans, le lycée de la ville, mais la quasi-totalité des jeunes de la Réserve préféraient étudier ici, entre eux, avant d'être tous dispersés dans les nombreuses facs du pays. Sue vint tout à coup derrière lui, l'enlaçant et posant sa tête contre son épaule. Il lui sourit doucement.
- Tu n'as pas faim ? Tu devrais manger quelque chose avant d'aller au travail.
- Si, je viens.
Ils s'installèrent à table, et Charlie remarqua avec tristesse que ni Seth ni Leah ne s'étaient joints à eux. Ils arriveront peut-être plus tard... Voilà un an qu'il s'était installé ici, sur la demande de Sue. Un an qu'il vivait à la Push, essayant de se reconstruire, avec le soutien de cette femme merveilleuse, le soutien de Billy, de ses amis du commissariat. Il avait beaucoup d'affection pour Seth et Leah, bien que les deux jeunes soient assez distants. Il ne pouvait pas leur en vouloir. Il n'était pas leur père.
Il quitta la maison peu de temps après et se mit en route vers le commissariat. Il passa devant son ancienne maison, et son cœur se serra, comme à chaque fois. Une nouvelle famille vivait ici, un couple et deux jeunes enfants, qui sortaient justement avec leur mère pour partir à l'école. Charlie serra les dents et accéléra. Un an. Cela faisait un an. Stop, il devait se reprendre, il devait refaire sa vie. Il se réfugia dans son bureau, se plongeant dans son travail, même si ses yeux le brûlaient. Même s'il ne souhaitait que s'effondrer et pleurer, hurler à ce monde infect qu'on lui rende sa fille. Il posa un regard douloureux sur le portrait de Bella, posé près de son ordinateur. Elle était assise à la table de la cuisine, épluchant des légumes, souriant à pleines dents à l'objectif. Le cadre en argent, orné d'un ruban noir, contrastait violemment avec cette image de bonheur. C'était un cadre de deuil, entourant un souvenir heureux. Juste un souvenir.
Il se mordit les lèvres jusqu'au sang, serrant les poings. Une autre photo représentait René, Phil et Allison, sous le soleil de Californie, à leur sortie de la maternité. Il regarda les deux photos, longuement. Ses fantômes personnels et intimes, qui l'accompagnaient à chaque pas depuis un an et un mois. Une larme aussi brûlante qu'une goutte de lave roula sur sa joue, et il se plongea dans ses dossiers avec l'énergie d'un homme qui n'a plus rien à perdre. Il ne déjeuna pas, continuant ainsi jusque dans l'après-midi. Puis il tomba sur une série de photos qu'on lui avait laissés.
Un vieux souvenir remonta, un meurtre non élucidé. Il frissonna, puis prit son téléphone. Au bout de quelques sonneries, une jeune fille décrocha.
- Miss Alisea ? Ici le shérif Swan. Pourriez-vous passer au comissariat ? Je pense avoir du nouveau, concernant votre grand-père.