Après le mari, le beau-père...

[Fait avec Carlisle.]

Bella fixait le téléphone depuis maintenant deux bonnes heures. Elle ne cessait de repousser le moment, trop nerveuse à l’idée de devoir s’expliquer avec son beau-père. Qu’il ait compris une telle chose… Et, pire encore, qu’elle-même ait compris les choses de travers, que cela ait engendré un énorme quiproquo, et qu’Edward et Carlisle en soient malades pour… rien au final. Elle repensait à la réaction d’Edward lorsqu’il avait réalisé ce que Bella avait compris, ce que lui avait compris, ce qui avait causé tout ce malaise. Et déglutit. Comment allait-elle réagir si Carlisle réagissait de la même manière ? Déjà, ne pas réagir en se vexant ou en se braquant. Carlisle était à des kilomètres d’elle, ce ne serait pas si compliqué que cela. Ensuite… Il n’oserait pas la vexer à ce point et se contiendrait, non ? C’était Carlisle. Il suffisait d’amener cela en douceur, et puis voilà.

Bella prit une profonde inspiration, assise dans leur chambre à Edward et elle, enfermée pour éviter d’être dérangée, et appuya sur le téléphone pour appeler son beau-père. Du calme. Allait-il seulement décrocher, d’ailleurs, en voyant que c’était elle ? S’il raccrochait, devait-elle insister ou laisser passer encore un jour ? Bella laissa sonner. Une fois. Deux fois. Trois fois. Elle allait raccrocher, mais on décrocha. Seulement, pas un mot ne fut prononcé. Inutile d’être de l’autre côté du fil pour savoir que Carlisle était bel et bien là, pour sentir à quel point il était vexé et blessé. Bon. Un peu de cran !

Bella – Carlisle ? Je suis désolée, pour ce que j'ai dit, j'avais mal compris. Je ne cherchais pas à vous blesser.

Carlisle – Mais qu'est-ce que tu n'avais pas compris ?

Bella déglutit à nouveau, sentant sa volonté diminuer à mesure que les secondes s’écoulaient. Allez, ne pas se décourager, le dire platement et directement, et s’excuser. Ce n’était pas siiii compliqué que cela.

Bella – Votre dernière phrase, quand j'ai répondu que c'était pour sauver les apparences. Je ne parlais pas du mariage entre Edward et moi, je ne le regrette pour rien au monde. Et je ne pensais pas que vous parliez de la famille, mais des humains...

Carlisle – Des humains ? Je te demande ce que tu penses de ta vie actuelle, des relations avec ta famille, et toi, tu penses aux humains ?

Hum. Vu comme ça, Carlisle n’avait pas tort. Bella resta silencieuse un moment, n’osant rien répondre tant son point de vue semblait stupide, à présent. Elle s’insultait mentalement de tous les mots possibles et imaginables, ne cessant de se répéter que, la prochaine fois, elle tournerait sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Faisant une grimace, consciente qu’elle ne pouvait pas ne pas répondre à Carlisle, Bella répondit avec une voix super gênée, de plus en plus basse :

Bella – Je... Oui ? Je ne voulais pas blesser qui que ce soit, je n'avais pas pensé à un autre point de vue !

Et là… Aucune réaction. Bella attendit. Encore. Et encore. Toujours. Elle faillit demander à Carlisle s’il était toujours là, mais cela était clairement inutile. Elle sentait qu’elle l’avait blessé et que ses paroles n’avaient rien changé du tout. Finalement, elle préférait le fou-rire d’Edward au silence blessé de Carlisle… Ce ne fut qu’au bout d’un moment qu’il marmonna que ce n’était pas grave, d’une voix aussi basse que celle de Bella. Ce qui lui déchira littéralement le cœur, lui nouant la gorge de telle sorte que rien ne pouvait arranger cela.

Bella – Je suis désolée, Carlisle... Vous êtes tout ce qu'il me reste, je tiens à tout le monde, vous tous. Je ne sais même pas ce que j'aurais fait sans vous, c'est... Je suis désolée.

Carlisle – Alors pourquoi as-tu réagi aussi vivement ?

Et voilà que le sujet revenait sur le tapis… Mais Bella n’avait pas envie d’en parler, pas envie d’expliquer. Comment l’expliquer, d’ailleurs ? Elle avait peur de blesser Carlisle plus que ce n’était déjà le cas, elle ne voulait pas en rajouter une couche alors qu’elle tentait d’arranger les choses. Répétant ce qu’elle lui avait déjà dit, Bella répondit :

Bella – Parce que je ne m'y attendais pas et qu'entendre ça de quelqu'un d'autre, vis-à-vis de vous, est... étrange.

Carlisle – Même après deux ans...

Raaaah mais help ! Ce n’était pas possible, il n’allait pas réussir à… Non mais, il n’y avait pas un mode d’emploi dans ce genre de discussions ? « Comment rattraper une bourde monumentale avec son beau-père ? » était un magnifique titre de livre. Un livre qu’elle utiliserait souvent, d’ailleurs. Se lançant en tournant autour du pot, par peur de blesser Carlisle, Bella dit :

Bella – Parce que personne ne m'avait présentée comme votre fille, jusqu'à présent. C'était toujours « belle-fille » et, même si je vous estime beaucoup, je n'ai pas envie de...

Bella fit une pause, incapable de poursuivre. Elle ne pouvait pas dire cela. C’était impossible. Pour changer de sujet et résumer ses pensées, comme pour s’expliquer sur la difficulté avec laquelle elle parlait, la jeune mère rajouta presque immédiatement après s’être interrompue, abandonnant :

Bella – Ecoutez, je ne suis pas douée pour exprimer ce que je ressens, tout le monde le sait. Mais je tiens à vous, j'ai juste besoin de plus de temps pour... m'habituer.

Carlisle – Mais pas envie de quoi ? Je ne te comprends pas... T'habituer à quoi ?

Ah non ! Là, il le faisait exprès ! Bella en aurait mis sa main à couper, Carlisle devinait tout et voulait se venger, c’était impossible autrement ! Elle mourait d’envie de raccrocher, d’abandonner, de rappeler plus tard maintenant qu’il savait la vérité. Mais elle ne pouvait pas. Consciente d’être coincée, Bella ne répondit rien pendant un long moment. Elle fit le tour de la pièce, se passant une main sur le visage comme si cela allait l’aider à parler. Elle se laissa à moitié tomber sur le lit et lâcha dans un murmure en prenant une photo qui représentait Charlie :

Bella – Charlie... Ce n'est pas contre vous. Désolée...

Carlisle – Pourquoi l'oublierais-tu ? Personne n'a oublié... Regarde les jumeaux, ils s'en souviennent, et ils ont quasiment mon âge.

Si c’était aussi simple que cela… Pour Bella, cela tenait plus qu’à un simple « oubli ». Edward lui avait déjà dit que les humains oubliaient, mais qu’eux gardaient les souvenirs malgré les siècles qui s’écoulaient. Soupirant, elle répondit :

Bella – J'ai l'impression que ce serait le trahir, Carlisle. Je ne dis pas que vous n'êtes pas comme un père, pour moi, loin de là. Mais... Charlie... Je lui ai déjà fait du mal en partant comme ça.

Carlisle – D'accord. Je dois y aller.

Rah, non, pas encore ! Dans la voix de Carlisle s’était fait entendre une immense culpabilité. Provoquée à cause de Bella, cette fois. Bon sang, elle ne s’en sortirait jamais ! Parlant précipitamment alors qu’elle sentait qu’il allait raccrocher, Bella dit :

Bella – Carlisle ! Attendez, s'il vous plait. Vous n'avez pas à vous en vouloir pour tout ça... Je suis la seule fautive. Et... Je vous demande seulement plus de temps.

Carlisle – Mais c'est moi qui ai fait déménager la famille. Nous aurions sans doute dû te laisser, le temps que tu passes ton bac, que tu aies un moyen de disparaître "en douceur".

Bella – Passer mon bac ? Carlisle, vous avez dit vous-même qu'on était bloqué à notre âge, la dernière année, on la repassera chaque année. Pour la douceur... Je... dois admettre que vous aviez raison, quand nous avons... « disparus ». Je n'aurais jamais pu vivre un mois sans surveillance et il y avait trop de risques. En plus, Charlie m'aurait recherchée... La disparition... brute est sans doute la meilleure, comme vous me l'avez répété pendant deux mois.

Il y eut alors un énorme silence. Bella entendit nettement Carlisle s’asseoir, apparemment choqué, et réalisa en même temps ce qu’elle venait de dire et d’admettre. Elle réalisait d’ailleurs que les autres n’allaient pas la lâcher sitôt qu’elle aurait raccroché…

Carlisle – Incroyable... T'entendre dire ça...

Et il en rajoutait une couche, en plus. Cette fois, Carlisle était choqué, c’était indubitable. Bella ne dit rien, cherchant un moyen pour se sortir du guêpier dans lequel elle s’était fourrée en parlant comme cela. Après un long moment, elle opta pour la technique « minimiser ce que j’ai dit » :

Bella – Ce n'est pas si... extraordinaire que ça.

Carlisle – Si, c'est plus qu'extraordinaire, c'est choquant. Surtout après ce que tu nous avais dit. Mais bon, je note, ça fera plaisir à Edward et Jasper.

Hein ? Pardon ?! Edward ? Jasper ? Mais non ! Non, non, non ! Surtout pas ! Si Carlisle le leur répétait mot pour mot, Bella était littéralement fichue ! Foutue, morte et enterrée, les autres n’arrêteraient pas de le lui répéter dès qu’elle douterait l’espace d’un instant ! Complètement paniquée, la jeune mère hurla à moitié à son beau-père, s’étant relevée d’un coup :

Bella – Non ! Non, non, non ! Je ferai ce que vous voulez, mais... Non, non, non ! Pas à eux...

Carlisle – Edward le lira dans mes pensées... Tu as peur d'eux à ce point ?

Peur ? Mais Bella n’avait pas peur d’eux ! Edward ne lui faisait pas peur ! Par contre, Jasper… Mais elle n’avait pas peur ! Néanmoins, lorsqu’elle répondit, sa voix se fit un peu plus petite malgré elle :

Bella – Non ! J'ai pas peur d'eux. Ils ne vont juste pas arrêter de me répéter ça en boucle... C'est tout.

Carlisle – En fait, tu crains Edward parce qu'il est surprotecteur, et Jasper à cause de son don ? Ou parce qu'il est intimidant ?

Danger. Danger. Danger. Il fallait absolument que Bella dévie le sujet, réussisse à convaincre Carlisle qu’elle n’avait pas peur de Jasper ou d’Edward. Sentant un vent de panique souffler, elle reprit dans une ultime défense :

Bella – Ni l'un ni l'autre. Je n'ai vraiment pas peur d'eux, je ne veux pas qu'ils me le répètent tout le temps, c'est tout. Je sais qu'Edward ne m'embêtera pas avec ça, mais Jasper...

Carlisle – Pas vraiment peur...

Bella arrêta de respirer, réalisant qu’elle venait de s’enfoncer plus qu’autre chose et qu’elle aurait mieux fait de raccrocher plutôt que de tenter une énième défense face à Carlisle. Elle reprit tout de même, ne voulant pas que son beau-père dise tout à Jasper ou Edward :

Bella – J’ai dit vraiment pas ! Je… Oubliez ce que j'ai dit. Je n'ai pas peur d'eux, sauf peut-être quand je fais une bêtise avec Edward, mais c'est tout.

Carlisle se mit alors à rire comme un malade, étrange contraste avec le début de la conversation. Consciente que rien de ce qu’elle ne dirait ne changerait quoi que ce soit, Bella bafouilla une excuse débile pour pouvoir raccrocher sans blesser son beau-père et coupa la communication. Décidément, dans les deux cas, aussi bien le père que le fils aura fini par rire à en mourir s’ils avaient été humains… Bella se laissa tomber sur le lit, ayant l’impression d’avoir fait une autre bourde monumentale. Même si celle-ci n’était pas du même ordre. Elle passa ses mains sur son visage et tâcha de prendre un air décontracté pour redescendre. Si Edward osait lui dire quoi que ce soit…