Retour à la maison après blessure

Edward – Vu que la voiture est inutilisable... Je vais te ramener chez toi en courant.

Bella maudissait Jacob en cet instant précis. Il l’obligeait à monter sur le dos d’Edward pour rentrer chez elle ! Et, qui dit « dos », dit « courir », qui dit « courir », dit « vitesse ». Et dieu sait à quel point elle détestait la vitesse, elle avait toujours peur de se prendre un arbre… Réaction exagérée ? Pas du tout ! Surtout lorsque l’on s’appelle Isabella Marie Swan, légendaire aimant à catastrophes. Mais soit, puisqu’elle n’avait pas le choix, elle obtempéra à contrecœur. Naturellement, Edward avait remarqué son manque d’enthousiasme et tentait de la rassurer mais… C’était peine perdue. Elle se contenta de faire une grimace et de répondre :

Bella – Puisqu’il le faut… Mais je peux pas m’accrocher à toi, cette fois.

Mais, malheureusement pour elle, Edward avait déjà trouvé une alternative à ce problème et, sans mot dire, prit Bella dans ses bras comme s’il s’était agi d’une enfant. Préférant  ne pas voir les paysages défiler sous ses yeux à la vitesse de l’éclair, la jeune blessée ferma les yeux et resserra ses poings – enfin, son poing… - sur la veste d’Edward. Elle sentit qu’il avançait vite, très vite, mais tâchait de ne pas y penser et de s’imaginer sur une plage à Phoenix avec Edward, le soleil se reflétant sur sa peau qui étincelait de mille éclats. Et personne d’autre, rien qu’eux deux. Cette « vision » semblait tellement réaliste que Bella sentait presque la chaleur du soleil contre sa peau, le sable fin sous ses pieds, le vent chaud et doux dans ses cheveux… L’odeur salée de la mer qui n’était pas loin. Elle resserra encore sa prise sur Edward, inconsciemment.

Mais voilà que la vitesse semblait avoir diminué, allant jusqu’à s’estomper même totalement. Edward la redéposa doucement à terre en lui déposant un baiser sur le front, une fois que Bella eut ouvert les yeux. Il se dirigeait déjà vers la maison Swan mais elle ne le suivit pas directement, prenant quelques secondes pour reprendre ses esprits et sentir le sol sous ses pieds. Une fois ses esprits repris, elle rejoignit Edward qui sonna avant de lui demander si elle avait ses clefs… Il voulait la préserver, sûrement. Attendant anxieusement que Charlie ouvre la porte, elle se plaça légèrement devant Edward, comme si elle allait pouvoir le protéger. Après peu de temps, d’ailleurs, Charlie apparut… Mais avec sa voiture. Il venait seulement de rentrer du commissariat et il dit, en voyant Bella dans cet état :

Charlie – Qu'est ce qui s'est passé ? Pourquoi ton bras est comme ça ? Il y est encore pour quelque chose ? Bella, tu me tueras avant la fin de l'année si tu continues comme ça…

Mais avant que Bella n’ait le temps de répondre, Edward la devança et répondit à la question de Charlie, entraînant une autre réponse de ce dernier :

Edward – Ce n'est pas ce que vous croyez, Charlie. En fait, Jacob a embrassé Bella sans son autorisation, et elle s'est cassé la main en essayant de le frapper.

Charlie – Mouais et toi tu n'as rien fait bien sûr… Il va falloir te faire donner des cours de boxe si tu te casses quelque chose aussi facilement ! Enfin belle réaction !

Ce que Bella détestait lorsqu’ils faisaient cela ! Elle avait l’impression d’être invisible, de n’être qu’un détail qui était un prétexte pour se battre. Surtout que Charlie venait d’en rajouter une couche, s’attaquant presque directement à Edward en lui disant qu’il aurait pu empêcher cela de se produire. Ah oui, et qu’aurait-il pu faire ? Deviner que Jacob allait embrasser sa petite amie ? Et comment aurait-ce pu être possible ? Bella se retint de pousser un soupir. Cependant, elle avait suivi les expressions du visage de son père et, bien qu’il semblait énervé et inquiet, elle y décela… de la fierté ? Pour toute autre personne, cela serait passé inaperçu mais, lorsque l’on côtoie le Chef Swan tous les jours… On remarque ces petits détails. Surtout lorsque ce dernier se trouve être notre père. Voyant qu’il semblait attendre confirmation de la part de Bella quant aux évènements relatés par Edward, la fille du shérif dit :

Bella – Edward dit vrai, Charlie. Jake m’a embrassée alors qu’on discutait… tranquillement. Je me suis défendue et il m’a conduite à l’hôpital. Mais, comme il a eu un imprévu, j’ai appelé Edward pour qu’il me ramène ici.

Bella pensait ne s’en être pas trop mal tirée, ce coup-ci. Elle jeta un regard à Edward, lui signifiant qu’il devait faire attention à ce qu’il allait dire. Mais, normalement, il la suivrait et Charlie serait satisfait de cette version. D’ailleurs, il laissa le couple tranquille, comme elle l’avait espéré. Il était reparti vers la cuisine et Bella en profita pour monter dans sa chambre, accompagnée d’Edward. Elle savait que Charlie n’aimait pas cela, mais il n’avait rien à leur dire, le couvre-feu n’était pas encore arrivé. Et puis, peut-être allait-il laisser passer un peu plus les choses vu qu’Edward avait « ramené sa fille chérie » à la maison. Peut-être ? Certes, Bella n’y croyait pas une seconde mais Charlie avait remarqué qu’elle était quelque peu perturbée, alors il la laisserait se remettre de ses émotions. Il savait qu’elle tenait beaucoup à Jacob et qu’une telle réaction allait la chambouler. Et c’était cela aussi, qu’elle appréciait chez Charlie : le respect de son intimité, de son besoin de solitude à certains moments.

Edward – Je ne vais pas tuer le chiot, je sais que tu le regretterais ensuite. Mais s'il recommence...

Bella était lovée dans les bras d’Edward, sa présence la calmait mais la colère et l’incompréhension étaient toujours présentes. Elle ne comprenait pas Jacob. Oui, elle avait déjà pensé à l’aimer, à « changer » lorsqu’Edward l’avait abandonnée… Mais elle savait que ce n’était que pour survivre, que c’était surtout pour être « heureuse » ou « satisfaite » et ne plus penser à Edward. Seulement… Les choses avaient changées, et Jacob le savait. Tout comme il savait que Bella aimait Edward et qu’elle ne le laisserait sans doute jamais partir. Rien que le fait de penser à l’épisode de son absence rouvrait le gouffre immense dans sa poitrine, même si elle le dissimulait à Edward depuis toujours. Elle savait qu’il s’en voulait, et qu’il s’en voudrait toujours. Alors… Pourquoi en rajouter ? Bella embrassa Edward avant de lui répondre :

Bella – Oh, pour le moment, je ne vais pas t’en empêcher. Mais je sais que tu as raison… Même si j’avoue que j’ai du mal à comprendre sa réaction.

Mais commencer ce sujet était délicat. Bella et Edward n’avaient jamais réellement parlé de son absence au calme, parfois en cours, oui. Mais… Il s’était excusé, il était beaucoup plus attentif envers elle et beaucoup plus prudent maintenant. Seulement, elle ne lui avait jamais avoué les visions, la véritable raison de son saut, ni ses escapades en moto avec Jacob. Donc, oui, elle voulait éviter ce sujet pour ne pas qu’ils retombent sur ce qu’il s’était passé à ce moment-là, pendant ces six mois sans nouvelle. Bien entendu, Bella avait envoyé une vingtaine, une trentaine, si pas plus encore, de mails à Alice pour lui dire ce qu’il se passait jour après jour. Mais cette dernière ne les avait sans doute jamais reçus et n’avait donc pas réagi à ce que la jeune humaine lui avait raconté. Par conséquent, si Alice n’en connaissait pas le contenu… La seule chose qu’elle connaissait, et qu’Edward savait déjà, était qu’elle avait sauté de la falaise. Mais vu qu’elle ignorait tout le reste, Edward l’ignorait aussi. Et, plus longtemps il l’ignorait, mieux elle se portait… En d’autres mots, elle allait essayer de dévier le sujet du mieux qu’elle le pouvait. Première tentative :

Bella – Mais, n’y pensons plus, ça nous énerve tous les deux. Après tout, je vais bien, j’ai juste la main dans le plâtre et, crois-moi, ce ne sera pas la dernière fois. Tu sais que je suis très maladroite…

Nul ! Changer de sujet pour une discussion aussi pourrie ?! Une fois stressée, Bella dit bien des bêtises et ne sait vraiment plus réfléchir, en fait. Elle adressa un sourire à Edward, histoire de montrer qu’elle ne voulait plus penser à une telle chose. Mais… Par précaution, peut-être devait-elle lancer un autre sujet ? Charlie, par exemple, avait été drôlement fier d’elle d’après ce qu’elle avait vu. Mais peut-être ses pensées disaient-elles toute autre chose, et sa fille aurait voulu le savoir ici. Parce qu’il l’avait engueulée… Mais était-ce vraiment une engueulade ? En réalité, elle avait pas mal de questions en tête en cet instant précis, mais elle avait peur d’alerter Edward si jamais elle les posait toutes les unes à la suite des autres. Cependant… Le sujet « Charlie » pouvait calmer les nerfs d’Edward. Bah, qui ne tente rien n’a rien ! Lui lançant un regard malicieux, elle dit :

Bella – Par contre… J’ai adoré la tête qu’a fait Charlie en voyant que tu n’y étais pour rien. Mais il était fier, non ? Moi qui pensais qu’il adorait Jake, je crois qu’il va un peu moins l’aimer maintenant. Un point pour toi !

Edward serra Bella dans ses bras, embrassant le sommet de son crâne. Il n'arrivait toujours pas à croire que le chiot avait osé l'embrasser. Il voulait se suicider ? Si jamais il avait le malheur de tenter ne serait-ce qu'un autre geste déplacé envers sa Bella, ou d'émettre une seule pensée perverse, il lui briserait la nuque sans aucun états d'âme ! Ce pauvre petit clébard, un esprit de gosse dans un corps d'adulte, qui se croyait tout permis ! Il ne comprenait vraiment pas comment Bella pouvait être amie avec lui, comme elle pouvait supporter son comportement puéril et enfantin alors qu'elle-même était si mature et réfléchie. Non, ça le dépassait.

Bella – Oh, pour le moment, je ne vais pas t’en empêcher. Mais je sais que tu as raison… Même si j’avoue que j’ai du mal à comprendre sa réaction.

Elle était en colère, mais oui, ils savaient tous les deux qu'une fois la rancune passée, ce qui se produisait très vite en général, elle pardonnerait à son « ami » et tout irait comme avant. De toutes les choses qui lui restaient obscures chez elle, c'était cela, son amitié avec Jacob, qui était un mystère. Quoi qu'il ne devrait pas s'en étonner autant, non ? Il savait pourquoi elle lui était si attachée... Lui avait été là, lors de son absence. Lui avait été là pour elle. Bella ne lui avait rien dit sur cette période ni sur ce qu'elle avait fait avec Jacob Black. C'était encore trop douloureux pour tous les deux. Un jour, peut-être, saurait-il, et qu'il pourrait mesurer l'ampleur de sa bêtise. Mais ce jour n'arrivait pas, et il voulait comprendre. Il désirait par-dessus comprendre pourquoi Bella était aussi liée au chiot ! Que s'était-il passé entre eux ? Qu'avait-il véritablement fait pour elle ? Etait-ce si important qu'elle soit incapable de se détacher de lui ?

Bella – Mais, n’y pensons plus, ça nous énerve tous les deux. Après tout, je vais bien, j’ai juste la main dans le plâtre et, crois-moi, ce ne sera pas la dernière fois. Tu sais que je suis très maladroite…

Il tressaillit et soupira. Ça oui, il le savait ! Et dire qu'elle parlait de ses multiples accidents comme s'il s'agissait d'une chose banale et sans intérêt ! Mais par quel miracle était-elle arrivée vivante à Forks ? La garder en vie était un travail à plein temps pour lui, et il n'osait imaginer ce qu'avait dû être son enfance. Combien de fois s'était-elle blessée ou avait-elle frôlée la mort ? Et surtout, comment pouvait-on avoir une malchance pareille ? Dès qu'un ennui survenait dans un rayon de dix kilomètres, il était forcément pour elle ! C'était incroyable, et il n'aurait jamais pensé qu'une telle personne existait. Tous les malheurs du monde semblaient vouloir s'abattre sur la tête de sa pauvre Bella, il en désespérait. Elle lui sourit soudain.

Bella – Par contre… J’ai adoré la tête qu’a fait Charlie en voyant que tu n’y étais pour rien. Mais il était fier, non ? Moi qui pensais qu’il adorait Jake, je crois qu’il va un peu moins l’aimer maintenant. Un point pour toi !

Il eut un maigre sourire, la gardant bien serrée contre lui, à moitié allongé sur le lit et elle appuyée contre son torse. Il contempla un bref instant le plafond, perdant son sourire pour prendre un air songeur. Comment faire pour améliorer ses relations avec Charlie ? Il secoua la tête, puis la baissa vers Bella, effleurant son visage du bout des doigts.

« - Ton père était fier de toi, oui ! Et inquiet, mais c'est normal. J'ai particulièrement aimé le moment où il a pensé à boucler Jacob pour attentat à la pudeur. »

Il lui fit un grand sourire, taquinant ses lèvres du bout des doigts. Puis il redevint sérieux. Etait-ce le bon moment pour en parler ? Il craignait par-dessus tout de la braquer ou de la blesser, cependant, il devait savoir. Il désirait comprendre ! Pour ne pas faire d'erreur, une nouvelle fois. Et pour savoir si, oui ou non, il s'était passé quelque chose entre Bella et Jacob. En parler le faisait atrocement souffrir, tout comme elle, très certainement. Mais il le fallait. Crever l'abcès afin qu'il ne se gangrène. Il chercha un moyen de tourne la question sans que cela ne les rende malade tous les deux, ce qui n'avait rien de facile.

« - Bella... commença-t-il d'un ton hésitant. »
Non. Non, il ne fallait pas débuter comme ça. Il allait l'inquiéter plus qu'autre chose ! Mais c'était si difficile et délicat de seulement penser à tout cela.

« - Bella, lors de notre... séparation... Qu'a vraiment fait Jacob pour toi ? Je veux dire... Que s'est-il passé entre vous... ? »

Sa voix chuta sur la fin, pour finir dans un murmure. Il attendit anxieusement la réponse de Bella, à la fois avide et terrifié.

Edward – Ton père était fier de toi, oui ! Et inquiet, mais c'est normal. J'ai particulièrement aimé le moment où il a pensé à boucler Jacob pour attentat à la pudeur.

Bingo, Charlie n’aimait plus autant Jacob et se déridait vis-à-vis d’Edward. Bon, d’accord, ce n’était pas gagné mais on pouvait dire qu’il y avait du progrès, non ? Certes, pour l’instant, Bella ne pouvait pas juger les futures relations que Charlie devait envisager avec Jake parce qu’elle était encore remontée contre lui… Mais il fallait avouer qu’elle n’oublierait sans doute jamais ce qu’il avait fait, ni ce qu’il lui avait dit. Si elle était transformée, il la considérerait comme étant son ennemie. Alors, leur amitié, tout ce qu’ils avaient traversé… Il l’oubliait ? Simplement pour une question de « sang » ? Simplement pour un choix ? Bella n’arrivait pas à comprendre que Jake, alias son meilleur ami, ait pu penser une telle chose et, pire encore, la prononcer devant Bella en la menaçant. Ses paroles lui faisaient encore mal actuellement et résonnaient dans ses oreilles telles des cymbales ou des tambours. Mais Edward n’avait pas entendu cette partie, Jake n’y avait sûrement pensé d’ailleurs. Seulement… Voilà qu’il touchait ses lèvres, lui jetant un regard d’en haut – vu sa position -, et Bella s’empressa d’afficher un sourire peu convaincant. Mais c’était tout de même un sourire ! Tentons de rattraper le coup…

Bella – Parfois, je te déteste franchement. J’aurais bien voulu entendre cette pensée, je comprends ton sourire de tout à l’heure, maintenant.

Mais voilà qu’il redevenait sérieux. Avait-il remarqué son faux-sourire ? Comptait-il lui demander davantage de détails sur ce qu’il s’était passé cet après-midi pour que Jacob en vienne à l’embrasser ? Bella avait bien son idée, oui, mais Edward n’était pas obligé de tout connaitre… Il semblait vouloir parler, mais quelque chose le retenait. Et elle ? Elle stressait, s’inquiétant de plus en plus même si elle ne le regardait plus. Elle sentait bien qu’il se passait quelque chose, mais ne dit rien. Peut-être se faisait-elle des idées ?

Edward – Bella…

Il hésitait. Pour une raison que Bella ignorait, Edward, pour la première fois depuis un long moment, ne trouvait pas ses mots. Sa voix était hésitante, même si le même timbre qui la faisait fondre se faisait entendre. Même si son corps n’était pas plus tendu, même si son visage n’était pas dur ou apeuré, il hésitait. Et cette hésitation ne faisait qu’accroître la peur de Bella… Mais du calme. Ce n’était peut-être rien. Voulant le pousser à parler pour mettre fin à cette attente trop longue, pour le rassurer aussi, elle se redressa un peu et leva la tête vers lui, lançant un regard encourageant. Mais voilà qu’il retrouvait ses mots, sa voix, même si celle-ci était toujours emprunte d’hésitations et de peur :

Edward – Bella, lors de notre... séparation... Qu'a vraiment fait Jacob pour toi ? Je veux dire... Que s'est-il passé entre vous... ?

Mais comment faisait-il ?! Même s’il ne lisait pas dans ses pensées, il menait la discussion pile à l’endroit que Bella voulait éviter ! Et comment détourner le sujet, à présent ? Elle ne pouvait plus faire marche arrière, elle savait qu’ils devaient en parler, crever l’abcès une bonne fois pour toutes. Mais entendre ces mots, entendre cette question, évoquer cette période… Tout était encore si douloureux. Bella se redressa complètement cette fois, s’aidant de sa main valide comme elle put, et s’installa en position indienne – jambes croisées – en étant toujours sur le lit à côté d’Edward. Elle ne lui tournait pas le dos, elle était de profil… Mais elle ne pouvait le regarder ni sentir sa peau, sa respiration, son odeur si elle devait absolument avouer ce qu’il s’était passé. Elle se mordit la lèvre, fixant délibérément ses mains qu’elle avait rejointes sur ses jambes, mais ne dit pas un mot. Elle ne savait comment expliquer cela… C’était à son tour, de ne pas trouver les mots, à présent. Allez, on se lance…

Bella – Je…

Comment expliquer cela sans passer pour une folle ? Comment dire à quel point elle s’était sentie mal durant six mois ? Comment expliquer qu’elle avait refait surface uniquement parce que Charlie l’avait menacée de la renvoyer à Phoenix et que l’idée de s’éloigner de Forks lui était insupportable ? Bella avait une vraie boule à l’estomac, elle avait la gorge serrée et cela s’entendait à sa voix. Sa voix, ordinairement audible sans trop de problème, n’était guère plus haute qu’un murmure dans ce simple « je » prononcé. Se raclant difficilement la gorge après cette pause obligatoire, Bella reprit, après une profonde inspiration mais sans oser lever les yeux vers Edward :

Bella – Il ne s’est rien passé entre Jacob et moi… Il est devenu mon meilleur ami et m’a simplement aidée à ne pas… A tenir le coup, à me sentir « vivante », au moins en apparence.

Tout en parlant, Bella tordait ses mains nerveusement, les agitait en « jouant » avec ses doigts. Elle avait un peu mal, oui, mais cette douleur l’aidait à oublier l’autre douleur qui refaisait surface pour l’instant… La douleur de ces nombreux mois de « séparation » qu’Edward et elle avaient mis sous silence… Jusqu’à présent. Mais Bella ne savait pas si elle devait préciser ce qu’elle venait de dire, elle ne savait pas ce qu’elle pouvait dire sans terroriser Edward. Comment expliquer la nature de ce « vivante » sans qu’il ne pense qu’il s’agissait d’amour ? Elle n’allait pas dire qu’elle le poussait à lui montrer comment conduire une modo, comment avoir une montée d’adrénaline et toutes ces « activités » découvertes en l’espace de quelques semaines. Si ? Peut-être… Par une périphrase…

Bella – Mais ce n’était pas de l’amour comme… Toi et moi. Pour résumer… Il prévoyait des « sorties » ou des « excursions » et ça me changeait les idées.

Elle était trop vague et elle le savait… Mais sans l’aide Edward, Bella n’allait jamais réussir à tout dire. Sans des questions, sans des demandes supplémentaires, elle se contenterait du minimum pour ne pas passer pour une folle. Elle regardait toujours fixement ses mains, sans oser lever les yeux vers Edward, se mordant encore les lèvres. Fichue manie, d’ailleurs ! Mais en cet instant précis, peu lui importaient ses tocs ou ses manies… Seule comptait cette douleur qu’elle voulait oublier pour toujours, mais sans passer par l’option « ignorer le sujet ». Alors, oui, ce sujet lui faisait mal et la mettait mal à l’aise… Mais d’un autre côté, Edward avait eu raison de l’aborder.

Il avait à peine fini de poser sa question que Bella pâli instantanément, ce qui eut le don de l'inquiéter encore plus et de lui faire se poser des dizaines et des dizaines de questions. Alors il s'était vraiment passé quelque chose ? Il savait qu'il n'aurait pas le droit de lui en vouloir. Il l'avait abandonné après tout. Elle se redressa entièrement, sans lui tourner le dos, mais sans le regarder vraiment non plus, triturant nerveusement ses mains. Avait-il eu tord de lui demander cela ? Pourtant, il désirait si ardemment savoir... même si cela les faisait souffrir tous les deux.

Bella – Je…

Sa voix était si faible, à peine plus élevée qu'un murmure. Il aurait voulu la serrer dans ses bras, lui dire de tout oublier, que ça n'avait aucune importance, mais ce serait lui mentir. Ils avaient besoin de parler de ça, tous les deux, une bonne fois pour toute. Elle prit une profonde inspiration, comme pour se donner du courage.

Bella – Il ne s’est rien passé entre Jacob et moi… Il est devenu mon meilleur ami et m’a simplement aidée à ne pas… A tenir le coup, à me sentir « vivante », au moins en apparence.

Se sentir vivante... Cette simple phrase lui fit l'effet d'un violent coup de poing dans l'estomac. Se sentir vivante. Cela en révélait sa,s doute bien plus qu'elle ne le croyait. Cela en révélait beaucoup sur son état, au cours de ces longs mois de séparation. Il se doutait bien qu'elle n'était, comme pas, pas en mesure de faire quoi que ce soit de bon. Ils s'étaient tous les enfoncés dans la déprime la plus noire, manquant de devenir complètement fous ! Et il se rendait compte, douloureusement, que si le clébard avait évité la folie à Bella, il avait une dette envers lui.

Bella – Mais ce n’était pas de l’amour comme… Toi et moi. Pour résumer… Il prévoyait des « sorties » ou des « excursions » et ça me changeait les idées.

Il fronça légèrement les sourcils, perplexe cette fois. Des « sorties ou des excursions » ? C'est à dire ? Bella lui avait toujours affirmé que lorsqu'ils étaient tous les deux, elle préférait qu'ils restent chez lui ou chez elle, simplement ensembles, à parler et s'embrasser. Elle avait toujours été mal à l'aise lorsqu'il l'emmenait au restaurant. Mais Jacob la faisait sortir ? Voyant qu'elle se tripotait les mains, il s'empara de sa main valide pour qu'elle ne torture pas l'autre, ce qui n'allait pas aider à sa guérison.

- Pardonne-moi, mais je ne comprends pas. Tu m'avais toujours dit que tu n'aimais pas trop sortir... Que faisiez-vous exactement ? Et qu'est-ce que ça t'apportait ? Je veux dire, en quoi ces sorties t'aidaient ?

Il commençait à s'imaginer les pires horreurs. Bella était maladroite, c'était un fait, et avait un don incroyables pour s'attirer les pires ennuis. Cela avait beau être du passé, il se demandait à combien d'accidents mortels elle avait réchappé durant cette période.

Edward – Pardonne-moi, mais je ne comprends pas. Tu m'avais toujours dit que tu n'aimais pas trop sortir... Que faisiez-vous exactement ? Et qu'est-ce que ça t'apportait ? Je veux dire, en quoi ces sorties t'aidaient ?

Diable, pourquoi Edward la connaissait-il aussi bien ?! C’était un vrai supplice, Bella avait même oublié qu’elle lui avait dit détester les sorties. Prétexter un changement de comportement ? Non… Il voudrait le tester dès à présent, et ce serait pire qu’un mensonge car il saurait qu’elle lui mentait. Donc, il la pousserait à bout jusqu’à ce qu’elle lui avoue. En gros, elle mentirait pour rien et le résultat serait le même, si ce n’est qu’il serait repoussé de quelques jours… Quelques semaines, tout au plus – car elle ne tiendrait pas davantage. Elle voulut encore « jouer avec ses doigts » mais Edward l’en empêchait en tenant sa main valide dans la sienne. Seulement… Cela ne l’aidait pas. Elle avait peur de ce qu’il allait dire, peur de sa réaction, peur de voir de l’inquiétude naître dans ses yeux. Ou, pire, de la culpabilité… Alors comment expliquer ces sorties sans mentir, et sans lui faire peur ? Comment expliquer les « hallucinations » qu’elle avait sans passer pour une folle ? A moins de pouvoir passer sous silence ce dernier détail ? Oui… Il valait mieux ne pas mentionner sa voix, ses « visions ». Mais parler des sorties, elle le pouvait. Ce n’était pas risqué après tout. Enfin, si on veut.

Bella – Eh bien… On est allé au cinéma avec des amis, on a fait des promenades, de la moto, je suis sortie avec Jess’ et on a fait quelques plongeons… Puis, j’ai aussi aidé Jake à réparer quelques trucs.

Bella, ou comment arranger la vérité pour la rendre moins dangereuse. Elle avait tout dit – y compris pour la moto, même si elle avait presque mâché cette mention-là – … oui. Mais elle avait juste arrangé les choses « à sa sauce », de manière à pouvoir se tirer du mauvais pas qu’elle venait de faire. Pour renforcer ses paroles, Bella avait même essayé de relever la tête vers Edward pour montrer qu’elle était moins mal à l’aise. Mais c’était une mauvaise stratégie, le regarder pour lui parler de ce sujet était bien trop douloureux car elle ressentait encore les sensations, le vide, la douleur au sein de sa poitrine. Et sa première « hallucination », lors du cinéma avec Jess’… Ce qu’elle avait béni cette voix, la première fois qu’elle l’avait entendue. Oui, cette voix avait ouvert l’énorme trou dans sa poitrine, mais cette douleur lui faisait du bien et lui montrait qu’elle n’oubliait pas Edward. Elle lui montrait que quelque chose, en elle, était toujours vivant. Mais, ce détail, elle ne voulait pas le lui dire. Bella savait qu’il ne se le pardonnerait jamais et… Pourquoi le faire souffrir davantage pour quelque chose qui est passé ? Pourquoi remuer le couteau dans la plaie à peine guérie alors qu’ils étaient ensemble ? Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, non ? Mais la jeune humaine n’avait répondu, actuellement, qu’à une question. Et elle savait qu’Edward n’allait pas la laisser s’en tirer comme cela, alors autant répondre aux autres. Seulement… Quelle raison ? Le besoin de sortir ? Alors qu’il faisait toujours horriblement laid à Forks ? A moins que…

Bella – Pour l’aide que ça  m’apportait… Au début, je refusais de croire que tu ne m’aimais plus… Et j’espérais que tu reviendrais…

Une douleur lancinante la prit à la poitrine, la poussant à ralentir le débit, à se taire momentanément. Et à baisser la tête à nouveau. Bella serra la main d’Edward inconsciemment, comme pour signifier la douleur de ce « au début » - qui représentait six mois, mais il n’était pas obligé de le savoir. Mais ce n’était pas le moment de se décourager, si elle voulait tourner la vérité « à sa sauce », il fallait continuer.

Bella – Puis… Je me suis dit que, finalement, tu avais dû retrouver l’amour. Que tu profitais bien de ne plus être avec quelqu’un d’aussi insignifiant, d’aussi faible que moi qui ne t’apportait que des problèmes. Alors j’ai décidé d’en profiter, moi aussi…

Bella * Et ça me permettait d’être plus proche de toi…

Nouvelle pause. Bella avait hésité à dire ou à penser cette dernière phrase, mais elle avait l’impression qu’elle risquait de se trahir si elle le faisait. Seulement… Si elle s’arrêtait à cette « partie », Edward allait-il la croire ? Elle ne mentait pas, tout ce qu’elle avait dit, elle le pensait et l’avait pensé. Mais elle ne s’était pas détachée de lui pour autant, elle avait « décidé d’en profiter » uniquement pour rester à Forks parce que Charlie l’avait menacé de la renvoyer à Phoenix. Non… Bella n’était pas rassurée, elle avait peur de laisser une porte ouverte à une quelconque question d’Edward. D’ailleurs, sa dernière phrase pouvait porter à confusion. Réalisant cela, elle leva précipitamment le regard vers lui en enchaînant :

Bella – Mais pas profiter comme toi ! Enfin… Pas comme je pensais que tu profitais ! On va dire que… Je ne voulais pas arrêter de vivre ou devoir rentrer parce que tu n’étais pas mes côtés, ou à Forks.

Bella * Mais tais-toi ! Ta phrase était parfaite, avant !

Spoiler:

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Cette discussion était horrible. Difficile. Impossible à continuer. Toutes les propositions, tous les adjectifs de cette famille ne suffiraient pas à décrire la qualité de la discussion qu’avaient Edward et Bella en cet instant précis. Elle se sentait vraiment mal, n’osant même pas regarder Edward dans les yeux ni même le toucher – bien qu’il ne lui ait pris sa main valide pour qu’elle ne « joue » plus avec sa main blessée. Discuter de cela, évoquer ce qu’ils avaient fait chacun pendant leur séparation, la ramenait presque en arrière. Elle avait l’impression de tout revivre, que peu de temps s’était écoulé et qu’elle sortait tout juste de sa longue « mort » qui s’était étalée sur quatre ou cinq mois – combien, d’ailleurs ? Elle l’ignorait. Pour l’instant, tout était exactement comme avant : les souvenirs, la douleur au fond de sa poitrine… Tout. Exception faite de la main d’Edward, froide et incroyablement douce, qui la tenait « délicatement ». Ce contact, Bella le bénissait. Il lui permettait de ne pas pleurer, de ne pas hurler, de ne pas trahir un quelconque sentiment « douloureux » bien que son cœur devait parler pour elle, de même que ses réactions humaines. Réactions qu’il s’amusa d’ailleurs à provoquer : elle sentit ses doigts tracer le pourtour de son visage, de ses lèvres, et ses joues se réchauffèrent instantanément. Bella savait qu’Edward adorait cela… Mais elle détestait ce maudit réflexe, elle rougissait beaucoup trop vite ! Cependant, il ne dit rien. Elle leva la tête, lui lançant un regard inquiet à son tour, et il se pencha pour l’embrasser – ce qui accentua encore les rougeurs de ses joues et propagea une vague de chaleur dans tout son corps, apaisant la douleur qu’elle ressentait.

Edward – Comment j'aurais pu "profiter" Bella... Tu es la seule qui compte pour moi ! Et tu n'es pas du tout insignifiante ! Ne pense plus jamais ça, car c'est totalement faux !

Bien que Bella le savait, à présent, entendre ces mots lui réchauffaient le cœur à un point inimaginable. Entendre ce qu’elle avait rêvé entendre pendant des mois, entendre des mots auxquels elle ne croyait plus depuis cette phrase fatidique… Edward l’ignorait peut-être, mais Bella se souvenait de chacun de ses mots prononcés à ce moment-là. Elle n’avait pas oublié la promesse qu’il lui avait faite, les distractions qu’il avait évoquées, le rêve qu’elle pensait vivre lorsqu’elle l’avait retrouvé entier et à temps. Elle faillit d’ailleurs lui rétorquer que c’était lui qui le lui avait dit mais… Il valait mieux l’éviter. Edward lui avait avoué que tout cela n’était que mensonge, qu’il n’en croyait pas un mot. Il s’était même « battu » pour que Bella daigne le croire, même après le voyage du retour. Alors comment aurait-elle pu avoir l’audace de lui dire que c’était lui qui lui avait dit cette phrase ? Comment expliquer qu’elle se raccrochait à ses paroles, qu’elle les avait décortiquées pendant des semaines en cherchant un quelconque sous-entendu ? Mais peut-être n’aurait-elle pas besoin de lui dire, vu qu’elle avait tout expliqué. N’est-ce pas ? Il allait accepter ses réponses, et ne pas la cuisiner davantage… Non ? En tout cas, ce qu’il fit juste après cette « phrase » le confirmait : il l’embrassa plus longuement que la fois précédente, comme s’il cherchait à lui prouver ce qu’il venait de lui dire. Bella avait donc bien fait de ne pas lui rappeler ses paroles, de ne pas lui dire que c’était lui-même qui lui avait dit qu’il aurait des distractions. Mais… Avant qu’elle ne réalise, il s’écarta de nouveau et planta son regard dans le sien. Des prunelles dorées dans lesquelles elle pouvait se perdre très facilement, en un rien de temps. Un regard si intense… Qui ne présageait rien de bon.

Edward – Par contre, tu ne m'as pas vraiment répondu. Pour l'aide que ça t'apportait. En quoi, Bella, cela t'aidait de risquer ta vie sur une moto ou en plongeant dans l'océan d'une falaise ? Dis-le-moi, s'il te plaît. Je ne me moquerais pas et je ne te jugerais pas. Mais je voudrais comprendre ce qui te poussait à risquer ta vie comme ça. Il y a forcément quelque chose...

Raté… Bella avait échoué sa diversion. Edward la connaissait, il ne se laissait plus berner par des tactiques aussi simplettes et elle le savait. Elle aurait dû prévoir un plan B, voire un plan C pour ne pas en venir à devoir répondre à cette question directement. Retournant la phrase encore et encore dans sa tête, retournant la question que venait de lui poser Edward sous tous les angles, elle cherchait une échappatoire possible. Une quelconque porte de sortie, un sous-entendu qu’elle pouvait relever et dont elle pouvait se servir. Lui servir la même excuse ? Un « ça me changeait les idées » ? Elle venait de le lui dire, il avait remballé son excuse et son motif et avait jugé cette raison insuffisante. Et puis… Après réflexion, Bella elle-même trouvait sa justification bancale. On ne risque pas sa vie juste pour se changer les idées, il y a les films ou les devoirs pour cela. Ou les amis, ou d’autres activités que des choses aussi dangereuses que cela pour une maladroite comme elle. Par conséquent, qu’elle le veuille ou non… Edward l’avait coincée. Il ne restait aucune autre possibilité de réponse, elle ne pouvait plus tourner autour du pot trois heures comme elle venait de le faire. Il n’avait pas foncé tête baissée dans les perches qu’elle lui avait tendues, comme elle l’espérait. Mais alors, comment expliquer une chose aussi démentielle ? Comment dire qu’elle risquait sa vie uniquement pour l’entendre ? Comment expliquer ce qu’elle voyait, ce qu’elle entendait ? Il fallait qu’elle justifie ses actions… Et plus vite elle aurait tout déballé, plus vite cette discussion serait terminée – de son point de vue, mais elle voulait savoir ce que lui avait fait. Cependant… Par où commencer ? Elle n’allait pas dire qu’elle avait des visions en se mettant en danger, comme cela ? A moins de débuter parle cinéma avec Jessica… C’était une solution. Certes, Bella savait qu’il l’engueulerait, mais il le découvrirait tôt ou tard – maudit lycée ! Elle baissa la tête vers sa main et serra un peu plus celle d’Edward, comme pour se donner du courage. Reportant ensuite son regard vers lui – pour l’instant –, elle se lança après une grande inspiration :

Bella – Très bien… Heu… Je suppose que tu n’as pas oublié la fois où tu m’as sauvée des types louches, lorsque je ne savais pas encore « qui » tu étais.

Petite pause pour vérifier, bien que Bella savait qu’Edward n’avait certainement pas oublié cet épisode – une des premières fois où elle le voyait. Mais ce n’était pas uniquement pour cela… Elle ne pouvait supporter son regard, le maintenir, alors qu’elle allait entrer dans la partie « inconnue » de l’histoire. Trouvant soudainement un intérêt incroyable à sa main, elle continua en gardant ses yeux dessus – lançant tout de même des regards furtifs vers Edward de temps en temps :

Bella – Eh bien… Quand je suis allée au cinéma avec Jess’, je… J’ai cru les reconnaitre dans un groupe de motards qu’on a croisés à la sortie du cinéma. Et je ne sais pas vraiment pourquoi, je me suis dirigée vers eux. Et c’est là que… Enfin…

Elle ne pouvait pas… C’était trop dur. Au fur et à mesure qu’elle relatait les évènements, Bella les revivait, les voyait se dérouler sous ses yeux. Mais elle n’avait pas le choix, il fallait qu’elle continue, maintenant qu’elle était lancée. Seulement, les regards furtifs ne vinrent plus, elle était entièrement concentrée sur sa main et sur celle d’Edward. Prenant une énième inspiration et son courage à deux mains, voulant terminer cette « partie du récit » le plus vite possible, Bella reprit – d’une voix plus petite, cependant :

Bella – Tu es apparu…

Voilà. Le plus gros était lâché, mais ce n’était pas assez pour qu’il puisse comprendre. Bella se mordit la lèvre et se maudit intérieurement avant d’apporter des précisions et de lancer des regards timides vers Edward au fur et à mesure qu’elle racontait cette étape de leur… Séparation.

Bella – J’ai d’abord cru que j’hallucinais. Mais plus je m’approchais d’eux, plus je te voyais clairement. Tu me menaçais, tu ne voulais pas que j’aille les trouver parce que c’était dangereux. Puis tu as disparu quand je suis arrivée. Ensuite, l’un d’eux m’a proposé de faire une balade à moto…

Cette fois, impossible de soutenir son regard. Bella savait qu’elle risquait les foudres d’Edward et qu’il allait faire le lien en moins de dix secondes, mais elle continua à parler, ne voulant pas laisser planer un quelconque silence. Surtout pas maintenant. Les yeux à nouveau rivés vers leurs mains, elle continua :

Bella – J’ai accepté… Et plus il allait vite, plus ta présence était forte, tu es d’ailleurs « revenu ». Et j’ai compris… Dès que je me mettais en danger, j’entendais ta voix, je te voyais. Et je… Le reste, je suppose que tu devines…

Tout était dit. Plus  de retour en arrière possible, mais il lui était impossible de relever le regard vers Edward…

Spoiler:

Bella ne lui répondit pas tout de suite, jouant encore plus avec sa main valide. Et, honnêtement, il crut pendant un moment qu'elle n'allait pas répondre. de tout ce qu'il lui avait demandé, cette question était celle qui lui tenait le plus à coeur, ce qu'il désirait par-dessus tout savoir. Il attendit, retenant son souffle sans même le savoir. Après, ce serait terminé. Il ne la forcerait pas à parler davantage si elle ne souhaitait pas. Il ne l'obligerait plus à revivre ces moments si douloureux de leur séparation, à replonger dans chacun de ses souvenirs.

Bella – Très bien… Heu… Je suppose que tu n’as pas oublié la fois où tu m’as sauvée des types louches, lorsque je ne savais pas encore « qui » tu étais.

Il eut une grimace éloquente. Comment aurait-il pu oublier ce moment ? Il se souvenait parfaitement d'avoir pris sa voiture sans même réfléchir pour la suivre de loin. Ne pouvant entrer dans son esprit, il avait suivi les pensées d'Angela et Jessica, assez distraitement car il pensait à Bella. Il lui avait fallu un moment pour se rendre compte qu'elle n'était plus avec ses amies. Il s'était précipité à la librairie qui flottait dans l'esprit d'Angela, sans rien trouver. Il l'avait cherché, longtemps, scannant tous les esprits qu'il croisait, jusqu'à voir le visage de Bella dans les pensées répugnantes d'un type et ses copains... Comment s'était-il retenu de tous les tuer...

Bella – Eh bien… Quand je suis allée au cinéma avec Jess’, je… J’ai cru les reconnaître dans un groupe de motards qu’on a croisés à la sortie du cinéma. Et je ne sais pas vraiment pourquoi, je me suis dirigée vers eux. Et c’est là que… Enfin...

Pardon ?! Elle avait cru les reconnaître et s'était dirigée vers eux ?! Si ça, ce n'était pas une tentative de suicide, alors qu'est-ce que c'était ! Il se força à ne rien dire, à ne pas l'interrompre. C'était du passé, elle était là, près de lui, bien vivante et en en entier. Enfin, pas tout à fait, à cause de son abruti d'ami loup-garou immature, mais elle était là. Elle ne lui jetait plus de brefs coups d'oeils, mais lui restait fixé sur elle, blême et raide.

Bella – Tu es apparu…

Ah... Ah ? Il cligna des yeux, surpris. Il était apparu ? Soit il devenait complètement fou, soit il ne se souvenait même pas l'avoir vu ce jour-là ! A moins que ce ne soit elle qui ait eu une vision.

Bella – J’ai d’abord cru que j’hallucinais. Mais plus je m’approchais d’eux, plus je te voyais clairement. Tu me menaçais, tu ne voulais pas que j’aille les trouver parce que c’était dangereux. Puis tu as disparu quand je suis arrivée. Ensuite, l’un d’eux m’a proposé de faire une balade à moto…

Une vision ? Une hallucination ? La culpabilité le rongea à une puissance inimaginable lorsqu'il prit enfin conscience de son véritable état, de comment il l'avait laissé. Il tressaillit, pâlissant comme il ne l'aurait pas cru possible pour un vampire. C'était de sa faute. entièrement de sa faute.

Bella – J’ai accepté… Et plus il allait vite, plus ta présence était forte, tu es d’ailleurs « revenu ». Et j’ai compris… Dès que je me mettais en danger, j’entendais ta voix, je te voyais. Et je… Le reste, je suppose que tu devines…

Oh oui. Il ne le devinait que trop bien. Et cela lui montrait toute l'étendue de sa folie, de son geste idiot. Il l'avait abandonné, la laissant dans un état sans doute pire que le sien, tel qu'il n'aurait pu l'imaginer sans ces révélations. Il la prit dans ses bras en tremblant, sans parler pour le moment. Comment pourrait-il jamais se pardonner ça, c'était impossible, même s'il vivait des millénaires. Il embrassa le sommet de la tête de Bella, appuyée contre lui. Aucun mot ne serait suffisant, assez fort, pour lui dire à quel point il était désolé. A quel point il l'aimait. A quel point il s'en voulait. Il la garda blottie contre lui, les yeux fermés.

- Pardon, murmura-t-il.

Non, c'était ridicule, et surtout ça ne suffisait pas ! Comment un aussi petit et simple mot pourrait tout arranger ?! Il pouvait trouver mieux que ça ! Sauf que son esprit tournait à vide. Il ne savait pas quoi dire ou ajouter, incapable de s'expliquer, de lui faire comprendre ce qu'il ressentait. Et c'était lamentable. Elle-même avait bien eu le courage de tout lui avouer, alors il pouvait bien faire de même ! Oui, il le pouvait. Il suffisait de le vouloir. Un peu de courage, et hop. Hop, on a dit. Il se contrôla pour faire cesser les tremblements puis souffla d'une voix faible :

- Je n'ai pas de mots pour te dire à quel point je m'en veux de t'avoir laissé. Je ne sais même pas si j'ai le droit d'espérer que tu me pardonnes un jour. Mais je veux que tu saches que plus jamais je ne serais capable de te laisser à nouveau.

Il se tut, ne trouvant plus ses mots. Il se contenta de la bercer contre lui avec amour, les yeux fermés.

Spoiler:

Edward – Pardon.

Ce mot… Ce murmure… Bella l’avait espéré pendant des mois. Elle l’avait attendu, elle l’avait rêvé lorsqu’elle ne voyait plus le bout de cette dépression et lorsque les paroles d’Edward lui semblaient être un véritable mensonge. Au tout début, alors qu’elle pensait qu’Edward lui avait fait une mauvaise blague, elle espérait ce « pardon » plus que tout au monde – après, bien entendu, le retour d’Edward. Mais à présent, il lui rappelait tellement de choses que l’entendre lui était douloureux. Bella savait qu’Edward avait souffert, lui aussi, et elle le voyait avec ce qu’elle entendait à cet instant précis. Ce mot le prouvait, ainsi que l’étreinte et les tremblements qu’elle sentait de sa part. Il était visiblement mal à l’aise et s’en voulait. Seulement, sans qu’elle ne sache pourquoi, sans qu’elle n’en connaisse l’origine… Peut-être était-ce ce contact, cette étreinte, ce mot. La fatigue aussi, sans doute. Quoi qu’il en soit, Bella n’arrivait plus à se contenir et une larme perla au coin de ses yeux, puis une autre, dévalant ses joues malgré ses tentatives de les réprimer. Mais elle ne leva pas la tête, resserrant simplement l’étreinte pour tenter de se calmer et pour éviter qu’Edward ne remarque qu’elle avait « craqué ». Avait-elle déjà pleuré devant lui, d’ailleurs ? Pas dans ses souvenirs mais… Sait-on jamais.

Edward – Je n'ai pas de mots pour te dire à quel point je m'en veux de t'avoir laissée. Je ne sais même pas si j'ai le droit d'espérer que tu me pardonnes un jour. Mais je veux que tu saches que plus jamais je ne serais capable de te laisser à nouveau.

Et il la berça… Avait-il entendu qu’elle pleurait malgré son silence ? Était-ce pour cela qu’il avait rajouté ces quelques paroles ? Bella le croyait. Elle savait qu’il ne l’abandonnerait plus à présent, qu’il était conscient de l’erreur qu’il avait faite en pensant que la quitter était la meilleure solution pour elle. Mais qu’il pense qu’elle ne lui pardonnerait pas… Non. Il n’avait pas le droit de penser cela ! Elle se doutait de sa culpabilité, lui s’en était sorti plutôt… Bien, d’après ce qu’elle avait pu remarquer. Elle ignorait d’ailleurs ce qu’il avait fait pendant ces quelques mois, s’il s’en était tiré mieux qu’elle ou non. Bella souhaitait le savoir mais… Pas tout de suite. Elle devait d’abord se calmer, profitant de cette étreinte. D’ailleurs, elle ne voulait pas qu’il s’en veuille, quitte à se faire griller et à ce qu’il remarque qu’elle pleurait. Le rassurer, lui montrer qu’elle le croyait et qu’elle avait confiance en lui était plus important. Relevant la tête alors qu’il la berçait toujours, elle l’embrassa – un baiser quelque peu mouillé à cause de ses larmes – et lui répondit :

Bella – Edward, tu…

Comment lui dire ? Comment lui prouver qu’elle ne lui en voulait plus pour cela ? Il était là, en face d’elle. Bella était dans les bras d’Edward, sentant ses lèvres et son souffle « factice » contre sa peau, sa « respiration » tout aussi factice. Elle passa sa main valide dans les cheveux d’Edward, profitant de cette présence et tachant de se calmer par la même occasion. Collant son front contre le sien, elle prit une profonde inspiration, cherchant ses mots, puis reprit :

Bella – Je ne t’en veux pas… Tu es là. Et n’importe qui aurait sans doute mieux réagi que moi, j’attire les problèmes, je te rappelle. Et puis, je dois être complètement dérangée pour que t’entendre quand je me mets en danger, et pour provoquer une vision comme celle que j’ai eue lors de la chute.

Oups. Non, rappeler cet épisode était une très mauvaise idée !  Surtout qu’elle n’avait pas précisé que la vision n’avait eu lieu que lors du plongeon ! Mais d’un autre côté, Bella avait lâché cela sur le ton de la plaisanterie, tentant de détendre l’atmosphère pour distraire Edward et lui prouver qu’elle ne lui en voulait pas, qu’il était pardonné et… Qu’elle était fautive, elle aussi. Après tout, qui irait se jeter du haut d’une falaise seulement pour avoir une hallucination ?  Et qui irait, par la suite, assurer à sa meilleure amie qu’il ne s’agit pas d’une tentative de suicide ? Alice l’avait crue, c’était le principal. Et Edward… L’avait crue, jusqu’ici. Mais après ce qu’elle venait de dire, peut-être allait-il réagir. Autant attaquer de suite alors, lancer un autre sujet, comme il le lui avait si gentiment suggéré après sa première question. Le regardant alors dans les yeux, elle dit :

Bella – Mais… Et toi ? Qu’as-tu trouvé pour t’occuper pendant ces mois de… Séparation ?

Le mot était toujours délicat à prononcer, mais il le fallait bien si Bella voulait changer de sujet et de point de vue.

Il arrivait à contenir ses tremblement en gardant Bella dans ses bras, tout contre lui, dans une étreinte pleine d'amour et d'affection. ni l'un ni l'autre ne parlaient pour le moment, mais il entendit son souffle devenir plus saccadé. Il lui fallut un petit instant pour comprendre qu'elle pleurait. Oh, bon sang, jamais, au grand jamais, elle n'avait pleuré devant lui. Ce constat décupla sa culpabilité et il chercha un mouchoir autour de lui, ou un truc pour sécher les larmes de Bella. Elle se redressa un peu et l'embrassa.

Bella – Edward, tu…

Elle n'acheva pas sa phrase tout de suite, dégageant sa main valide pour la passer dans ses cheveux et collant son visage contre le sien. Il fut de nouveau enveloppé de la si merveilleuse odeur de sang, qui réveillait si bien ses plus noirs instincts, mais qui le contentait aussi,. Une odeur qui le torturait et l'apaisait à la fois. Une odeur qui l'enivrait et le bouleversait. Il planta son regard dans le sien, désolé de lui avoir arraché des larmes.

Bella – Je ne t’en veux pas… Tu es là. Et n’importe qui aurait sans doute mieux réagi que moi, j’attire les problèmes, je te rappelle. Et puis, je dois être complètement dérangée pour que t’entendre quand je me mets en danger, et pour provoquer une vision comme celle que j’ai eue lors de la chute.

Il tressaillit, coupant malgré lui sa respiration. Un instant... N'avait-elle pas précisé à Alice qu'il ne s'agissait pas d'une tentative de suicide ? Là, elle lui disait que la vision avait eu lieu lors de la chute. Il retint une grimace et resserra inconsciemment sa prise sur elle. Il y avait encore des choses qu'elle ne lui avait pas dit apparemment. Mais devait-il relancer le sujet ? Lui faire revivre tout ça encore une fois alors qu'elle avait déjà beaucoup souffert à tout lui raconter ? Il n'en avait pas le droit. Elle avait déjà assez souffert par sa faute, au point d'en avoir de telles hallucinations. Autant laisser couler. Il était vraiment très mal placé pour lui reprocher quoi que ce soit qui plus est.

Bella – Mais… Et toi ? Qu’as-tu trouvé pour t’occuper pendant ces mois de… Séparation ?

Il ne répondit pas tout de suite, prenant d'abord le temps de sécher ses larmes du bout des doigts puisqu'il n'avait pas pu mettre la main sur un mouchoir. Puis il l'embrassa délicatement et la recala contre lui. son regard se fit pensif.

Edward - Moi... Lorsque je t'ai... quitté... dans la forêt, j'ai d'abord suivi ma famille. Mais je suis reparti seul de mon côté au bout de quelques jours à peine... J'essayais de me persuader que je t'avais quittée pour ton bien, que c'était la meilleure chose à faire... Pour que tu puisses avoir une vie normale, heureuse et... Humaine. Ce point de vue ne faisait pas vraiment l'unanimité. Jasper me disait qu'il était le seul qui aurait dû partir, Alice qu'elle l'aurait accompagné et que je n'aurais pas dû te laisser comme le pire des crétins... Emmett te considère comme sa petite soeur, alors il en était aussi malade... Carlisle et Esmée comprenaient mes raisons mais ils étaient tristes eux aussi. Rosalie était... Persuadée que c'était mieux pour toi de pouvoir grandir, vieillir, "progresser".

Il entendait par là la capacité de porter et donner la vie, chose que Rosalie jalousait par-dessus tout chez Bella. Capacité qu'elle lui enviait terriblement et qui la rendait presque folle de chagrin. Massant distraitement Bella, il poursuivit.

Edward - Une fois seul, ça a été... Très dur... Je me répétais sans cesse, jour et nuit, que je devais te laisser poursuivre ta vie et ne plus y interférer. M'empêcher jour et nuit de courir à Forks et de te demander pardon à genoux... Je ne pensais qu'à toi, espérant qu'il ne t'arrivait rien de mal... Je n'appelais même plus ma famille, ou de rares fois. Peut-être deux ou trois fois... Pour "m'occuper", j'ai chassé... Enfin, pas chassé, traqué plus tôt. Traqué Victoria.

Il s'interrompit en entendant le coeur de Bella s'emballer et lui murmura des mots apaisants.

Edward - Je voulais la détruire, m'assurer qu'elle ne t'approche plus jamais... Et on ne peut pas dire que j'ai été doué. J'ai perdu sa trace en Amérique du sud... Autrement, je n'ai pas eu d'autres occupations, à moins que tu ne considères que rester assis sur une chaise jour et nuit sans bouger soit une occupation... Mon coeur ne bat plus depuis longtemps... Mais j'avais l'impression qu'on me l'avait arraché...

Sa voix se brisa sur la dernière phrase et il fut incapable de rajouter quoi que ce soit. Il soupira puis embrassa Bella sur les cheveux, la serrant tendrement contre lui.

Edward – Moi... Lorsque je t'ai... quitté... dans la forêt, j'ai d'abord suivi ma famille. Mais je suis reparti seul de mon côté au bout de quelques jours à peine... J'essayais de me persuader que je t'avais quittée pour ton bien, que c'était la meilleure chose à faire... Pour que tu puisses avoir une vie normale, heureuse et... Humaine. Ce point de vue ne faisait pas vraiment l'unanimité. Jasper me disait qu'il était le seul qui aurait dû partir, Alice qu'elle l'aurait accompagné et que je n'aurais pas dû te laisser comme le pire des crétins... Emmett te considère comme sa petite sœur, alors il en était aussi malade... Carlisle et Esmée comprenaient mes raisons mais ils étaient tristes eux aussi. Rosalie était... Persuadée que c'était mieux pour toi de pouvoir grandir, vieillir, "progresser".

Entendant cela, Bella se sentait encore plus coupable de ce qu’elle avait infligé aux Cullen. Si elle n’avait pas été là, ils n’auraient jamais dû déménager et ne se seraient pas disputés de la sorte parce qu’Edward voulait partir pour « son bien ». Mais une chose qui échappait à Bella était : pourquoi n’avaient-ils rien fait ? Pourquoi avaient-ils laissé Edward agir comme cela s’ils savaient qu’elle n’allait pas supporter la distance ? Après tout, Alice voyait l’avenir… Elle devait le deviner, non ? Ce n’était pas comme si leur protégée n’avait pas prévu un tel plan des semaines à l’avance, comme si elle n’y avait pas songé avant cette chute. Bon… D’accord, elle tenait le coup grâce à… A quoi, en fin de compte ? L’espoir de voir Edward de nouveau ? Elle n’en savait rien, mais, quoi qu’il en soit, elle avait survécu jusqu’ici. Lui, par contre, ne s’en était pas tiré aussi bien qu’elle le pensait. Il n’avait pas cherché à sauver les apparences et à faire croire que tout allait bien, contrairement à Bella. Certes… Charlie l’avait menacée et c’était uniquement « grâce » à cela qu’elle s’était réveillée. Mais tout de même, ce coup-ci, elle gagnait un point. Seulement, il n’avait pas terminé, mieux valait-il ne pas l’interrompre maintenant.

Edward – Une fois seul, ça a été... Très dur... Je me répétais sans cesse, jour et nuit, que je devais te laisser poursuivre ta vie et ne plus y interférer. M'empêcher jour et nuit de courir à Forks et de te demander pardon à genoux... Je ne pensais qu'à toi, espérant qu'il ne t'arrivait rien de mal... Je n'appelais même plus ma famille, ou de rares fois. Peut-être deux ou trois fois... Pour "m'occuper", j'ai chassé... Enfin, pas chassé, traqué plus tôt. Traqué Victoria.

Mais… Pourquoi ? Pourquoi n’était-il pas revenu ? Pourquoi n’avait-il pas appelé plus tôt, pourquoi ne s’était-il pas interrogé sur le véritable état de Bella ? Elle savait qu’il était têtu, qu’il tenait ses promesses… Mais cette promesse-là, elle aurait vraiment voulu qu’il la rompe. De plus, ne s’était-il pas douté une seule seconde de l’état moral de Bella ? Il la connaissait, il ne pouvait nier l’évidence… Quel était donc l’élément qui l’avait empêché de revenir et de lui dire que tout cela n’était qu’un mensonge ? Pourquoi n’était-il pas revenu, ne serait-ce qu’une fois, pour vérifier si tout se passait bien ? Une minute… STOP. Pause. Edward avait bien dit qu’il avait traqué… Victoria ? Il avait pourchassé Victoria ? Mais pourquoi ? Victoria… Cette furie, cette vampire qui en voulait à la vie de Bella, par pure vengeance. Non… Non, ne pas s’inquiéter, ne pas s’affoler. Mais, Victoria, quand même ! Lorsqu’elle repensait à son regard furieux, aux éclairs dans ses yeux qui montraient son désir de vengeance… Bella en eut des frissons et fut beaucoup moins rassurée, en un seul instant. Rien qu’à la prononciation de ce prénom. Mais du calme… Edward avait sûrement entendu les battements plus fréquents du cœur de la blessée et dit, ce qui la rassura :

Edward – Je voulais la détruire, m'assurer qu'elle ne t'approche plus jamais... Et on ne peut pas dire que j'ai été doué. J'ai perdu sa trace en Amérique du sud... Autrement, je n'ai pas eu d'autres occupations, à moins que tu ne considères que rester assis sur une chaise jour et nuit sans bouger soit une occupation... Mon cœur ne bat plus depuis longtemps... Mais j'avais l'impression qu'on me l'avait arraché...

Son cœur arraché… Une sensation que Bella connaissait si bien. Ce trou béant dans sa poitrine qui ne s’était pas refermé pendant plus de six mois et qu’elle se « plaisait » à sentir parce qu’il lui permettait de ne pas oublier Edward. C’était, en vérité, la seule chose qui la retenait à la vie même si… Dit comme cela, c’est un peu malsain et déprimant. Mais comment dire les choses autrement ? Ces mots décrivaient parfaitement bien l’état dans lequel avait été plongée Bella. Elle provoquait littéralement ce trou, pour se sentir « mieux » pendant au moins quelques minutes et pour être sûre d’être toujours vivante. Curieux paradoxe, d’ailleurs, lorsque l’on sait qu’elle a fait le grand saut. Mais soit. A présent, tout cela était derrière eux et ils étaient ensemble. Ils n’allaient pas refaire la même erreur, Edward savait à quoi s’attendre et Bella…  Tenterait sûrement quelque chose plus tôt pour le faire revenir, quitte à ne pas tenir une promesse. Mais bref, élaborer de tels plans n’était pas une chose à favoriser pour l’instant, surtout dans les bras d’Edward. Et puis, le simple fait de penser à cette éventualité lui faisait littéralement mal… Ce qui la poussa à se crisper quelque peu alors qu’elle était dans ses bras. Se calmer. Inspirer, expirer. Bella resta silencieuse un moment, ils restèrent silencieux un moment à vrai dire, sans rien dire, profitant du calme apparent. Néanmoins, après quelques minutes, elle dit, sans pour autant relever la tête :

Bella – N’empêche… J’ai gagné.

Relevant enfin la tête pour le regarder dans les yeux, amusée devant le regard interrogatif d’Edward mais sans perdre son « sérieux » –… Du moins, jusqu’à ce qu’elle réponde –, elle ajouta :

Bella – Eh bien oui… Moi, j’ai joué le jeu, j’ai dû continuer à « vivre » ou à faire semblant. Mais, apparemment, on s’en est pas super bien tiré tous les deux… La seule différence, c’est que, moi, tout le monde a cru que ça allait bien. Au bout d’un moment, du moins.

Pas besoin d’apporter de précisions, rester vague comme cela était parfait aux yeux de Bella. Et puis, elle faisait tout pour ne pas rester « sérieuse » en apportant cette information même si elle « lâchait » des choses au fur et à mesure de la discussion. Elle se doutait qu’il n’allait rien dire… Autant en profiter un peu, non ? Concluant sur ce qu’elle venait de dire, elle reprit – d’une phrase simple et d’un regard malicieux :

Bella – Donc, j’ai gagné.

Voilà. Il avait tout avoué, sans rien cacher, à Bella. Ce n'était sans doute pas grand-chose, mais il n'avait eu que des activités très restreintes lors de son départ, de sa fuite, elle pouvait appeler ça comme elle voulait. La traque de Victoria, chasser parfois lorsque la soif se faisait trop terrible, et attendre. Attendre quoi, il n'en savait trop rien. Mais il avait passé du temps à attendre, c'était sûr, sans bouger ni parler. Mort, en quelque sorte, comme il ne l'avait jamais paru. Le temps glissait sur lui sans l'atteindre, le temps qui était devenu une notion si abstraite lors de ces quelques mois. Tout comme Bella, il avait du mal à revenir dessus. Les sentiments ne disparaissaient pas après la transformation, bien au contraire. Ils étaient sans doute même encore plus présents et intenses. Il suffisait de regarder le comportement des nouveaux-nés, si facilement importés par leurs émotions.

Bella – N'empêche... J'ai gagné.

Il fronça très légèrement les sourcils alors qu'elle relevait la tête pour le regarder dans les yeux. Elle avait gagné ? Gagné ? Il se répéta plusieurs phrases, cherchant à en saisir le sens. Qu'avait-elle bien pu gagner ? Pour le coup, il ne comprenait pas. Et même pas du tout.

Bella – Eh bien oui... Moi, j'ai joué le jeu, j'ai dû continuer à « vivre » ou à faire semblant. Mais, apparemment, on s'en est pas super bien tirés tous les deux... La seule différence, c'est que, moi, tout le monde a cru que ça allait bien. Au bout d'un moment du moins.

Pour être tout à fait honnête, il ne saisissait toujours pas. Bella conclut en répétant qu'elle avait gagné. Il se pinça les lèvres, perplexe. Pour lui, ce n'était certainement pas un jeu, et encore moins un concours. Mais il devait admettre qu'elle au moins avait essayé de ne pas se laisser aller, à l'inverse de lui. Il n'ignorait pas la peine qu'il avait infligé à ses parents, à ses frères et sœurs, et s'en voulait toujours terriblement pour ça.

Préférant ne pas relever, il se recala contre la tête de lit en rajustant Bella. L n'avait plus envie de revenir sur tout ça, d'y repenser, de revivre chacun de ces moments. Ils s'étaient enfin parlés, ils avaient crevés l'abcès, et ils étaient à nouveau réunis, dans cette même chambre où il avait cru ne plus jamais revenir pour la contempler dormir. Il se contenta donc de la serrer contre lui, comme soulagé qu'elle soit bien là, saine et sauve, et avec lui. Il posa sa joue contre ses cheveux et ferma les yeux dans un léger soupir, trop bas pour qu'elle puisse l'entendre. Cet instant n'appartenait qu'à eux deux. Tout allait bien.

Spoiler: