Mamaaaan !!

Tout partait en vrille. Trois membres de la famille étaient restés au Népal, tante Rose était partie vivre ailleurs, et tonton Emmett l'avait suivi. Elle se retrouvait avec ses parents et sa grand-mère, dans une maison prévue pour une très grande famille, et s'ennuyait à mourir. Pas de camarades de jeux, il n'y avait que des vieux parmi leurs voisins, pas de trucs intéressants à la télé, pas de courses à faire, pas d'amis, rien. Avachie sur le canapé, elle zappait, cherchant quelque chose à regarder, puis finit par éteindre la télé avec un énorme soupir.

Au quotidien, les choses allaient mieux. Elle buvait parfois du sang animal, mangeait de la nourriture humaine, et avait parfois des flashs, des souvenirs qui revenaient, très souvent dans ses rêves. Elle en parlait ensuite à son père qui lui disait s'il s'agissait de la réalité ou non. Avouons cependant qu'elle avait décroché lorsqu'il lui avait expliqué l'histoire de Jacob, humain qui pouvait se transformer en loup et qui voulait la protéger à tout prix... Oui, bon. Pas tout en même temps non plus.

Se relevant, elle grimpa les étages puis frappa vigoureusement à la bibliothèque, surprenant sa mère en pleine lecture d'un livre que papa lui avait offert. Elle courut jusqu'à elle et sauta sur ses genoux, s'y installant comme un petit chat puis passa ses bras autour de son cou. Elle adoptait souvent cette position, la plupart du temps à l'improviste, comme si elle voulait se protéger, ou retrouver un cocon maternel. Elle faisait aussi ça lorsqu'elle venait de pleurer, et au lieu d'en parler, elle filait dans les bras de l'un de ses deux parents. Elle se blottit donc soigneusement contre sa mère, nichant son nez dans son cou et respirant son odeur. Puis elle redressa la tête et débita à toute vitesse, prenant à peine le temps de respirer :

- Maman, je m'ennuie ! Les autres reviennent quand ? Pourquoi Rose est partie ? Elle ne nous aime plus ? Pourquoi papy est pas là ? Qu'est-ce qu'il fait ? Il va revenir quand ? On retournera au Népal ? Il y a d'autres enfants dans le village ? Je pourrais les voir ? Qu'est-ce que vous faites pour vous occuper ? Pourquoi on chasse toujours la nuit ? Tonton Emmett va revenir avec nous, lui aussi ? Quand est-ce que je vais avoir un petit frère ?

Rosalie était partie. Emmett aussi. Les choses étaient plus calmes, depuis, et en même temps plus agitées. Il n’y avait plus qu’Edward, Bella, Renesmée et Esmée dans cette grande maison… Une maison bien trop vide pour eux quatre. Par chance, Emmett passait tous les jours à la Villa pour ne pas manquer à leur fille, mais ce n’était plus la même chose. Entre Carlisle, Alice et Jasper à la guerre, et ça… Les choses étaient difficiles à vivre. Enfin, elle savait que ce n’était que temporaire, qu’ils n’allaient pas y rester éternellement, qu’ils allaient sûrement revenir, mais ce n’était pas la même chose.

Seulement, il fallait s’habituer à la nouvelle ville, à la nouvelle maison, aux nouveaux endroits, aux nouvelles forêts. Beith. Il y avait pas mal de coins de verdure dans le coin, assez pour chasser ensemble. Ils avaient appris à Renesmée à chasser pour qu’elle ne prenne pas goût au sang humain, pour qu’elle ne s’en veuille pas plus tard en apprenant ce qu’elle avait fait. Bella savait que les souvenirs de sa fille revenaient par flashs, elle leur demandait souvent si c’était vrai ou si tel ou tel flash était un rêve. C’était rassurant, au moins… Mais Bella avait peur du moment où elle se souviendrait de ses amis au Népal et de ce qu’elle avait, par conséquent, perdu en déménageant. Enfin, pas de panique, ce n’était pas le moment !

Bella ouvrit le livre que lui avait offert Edward pour le lire une énième fois, passant ses doigts sur la couverture usée tant elle l’avait déjà lu. Lorsque l’on n’a plus besoin de dormir, il faut bien combler les moments calmes, surtout maintenant. Elle n’avait pas compris pourquoi il lui avait offert ce livre, elle était calme et n’avait pas hurlé ou pété un câble depuis longtemps. Elle laissait même passer beaucoup plus de choses, même si il faut bien avouer que Bella était un peu plus surprotectrice envers sa fille, maintenant. D’ailleurs, en parlant de sa fille… La voilà qui arrivait en courant, sautant sur ses genoux et lui laissant à peine le temps de s’y préparer. Ouhlà ! Que se passait-il ? Un cauchemar ? Renesmée avait pleuré ? Il y avait un problème ? Sa fille se blottit contre elle, nichant son visage dans son cou. Bella avait un mauvais pressentiment, d’un coup. Elle redressa alors la tête et posa une dizaine de questions sans lui laisser le temps de répondre de suite :

Renesmée – Maman, je m'ennuie ! Les autres reviennent quand ? Pourquoi Rose est partie ? Elle ne nous aime plus ? Pourquoi papy est pas là ? Qu'est-ce qu'il fait ? Il va revenir quand ? On retournera au Népal ? Il y a d'autres enfants dans le village ? Je pourrais les voir ? Qu'est-ce que vous faites pour vous occuper ? Pourquoi on chasse toujours la nuit ? Tonton Emmett va revenir avec nous, lui aussi ? Quand est-ce que je vais avoir un petit frère ?

… Quoi ? Pardon ? Heu… Hein ? Bon, du calme, prendre question par question. Bella avait fait de gros yeux à Renesmée, étant littéralement choquée et ne sachant pas comment réagir à tout cela. Elle ne pouvait pas répondre à tout, c’était impossible ! Elle tâcha de prendre un air décontracté juste après, reprenant ses esprits par la même occasion. Embrassant sa fille sur le front, Bella lui dit en la regardant dans les yeux :

Bella – Calme-toi, comment veux-tu que je réponde à tout ça si tu me poses mille questions à la fois ?!

Bella sourit sur la fin de sa phrase, ébouriffant les cheveux de Renesmée tout en l’installant plus confortablement sur ses genoux. Bon, par où commencer ? Elle ne pouvait pas tout dire, de toute manière. Autant partir des questions « simples »… C’était toujours mieux que rien, non ? Elle regarda à nouveau sa fille et lui répondit, calmement :

Bella – Je ne sais pas quand les autres vont revenir, ils aident d’autres personnes sécuriser le Népal. Mais ils ne vont pas rester là-bas éternellement, ne t’inquiètes pas. Je ne sais pas encore si on retournera au Népal, mais ne t’inquiètes pas pour tout ça.

A vrai dire, Bella ignorait totalement ce point de la question. D’un point de vue pratique, l’Ecosse était mieux que le Népal et elle préférait dix fois plus ce pays. En plus, Renesmée pouvait sortir sans risquer de se faire piquer ou mordre par des sangsues, elle pouvait voir d’autres personnes et elle en avait besoin. Alors, non, ils ne retourneraient probablement pas au Népal. Mais Bella avait appris à ne pas faire de projet, dans cette vie, elle avait appris à ne pas prévoir plus de deux mois à l’avance. C’était risqué, déprimant parfois… Mais bref. Ne pas penser à cela. Les autres questions. Heu… C’était quoi, déjà ? Ah oui, les enfants.

Bella – Quant aux autres enfants, bien sûr qu’il y en a ! Il y en a même pas mal et tu pourras les voir. Nous, heu… On lit et on parle, on heu… On s’occupe. On joue, on étudie d’autres choses, on visite le pays… Mais pour l’instant, on s’occupe de toi. Ne te préoccupe pas de ça, on a de quoi s’occuper. Et on chasse la nuit pour ne pas révéler notre présence aux humains, c’est la première règle à respecter pour nous.

Bon, ils ne faisaient pas que cela, mais leur fille n’avait pas à le savoir. Heureusement que Bella ne pouvait plus rougir, cela l’aurait trahie en dix secondes et elle aurait dû s’expliquer sur la suite. Enfin, note que non, Renesmée n’avait pas à tout savoir, les parents avaient aussi leurs secrets, donc zut ! De plus, cela faisait un long moment qu’ils n’avaient pas eu une soirée tranquille, à deux, ou trois, tout simplement. Sans problème extérieur, sans menace, sans rien… Juste une soirée, comme ça. A croire que cela revenait à demander la Lune. Restait la question concernant Emmett et Rosalie… Hum. Plus délicat, déjà. Bon… Bella poussa un soupir, puis répondit après un moment :

Bella – Pour ton oncle et ta tante… C’est difficile à dire. Emmett ne te laissera pas tomber, tu le sais. Il continue à venir et viendra sans doute encore pendant de longues années. Rose, par contre… Je l’ignore. Mais elle n’est pas loin, tu sais, elle travaille à l’orphelinat donc tu peux la voir quand tu le veux, il suffit de nous le dire ou d’en parler à Emmett. Je suppose que ça ne la dérangera pas. Mais elle t’aime, tu sais, c’est juste que rester ici… Elle s’ennuyait. Elle a toujours voulu avoir des enfants et… Eh bien… En étant ce que nous sommes, nous ne pouvons pas. Elle a donc trouvé un moyen pour… pouvoir avoir des enfants, si on veut. Tu comprends ?

Bella – Calme-toi, comment veux-tu que je réponde à tout ça si tu me poses mille questions à la fois ?!

Elle l'avait embrassé sur le front, puis ébouriffé les cheveux. Mais elle était calme ! La preuve, elle avait d'abord sauté sur les genoux de sa mère avant de lui poser ses questions, elle qui faisait l'inverse d'ordinaire. Et puis, et puis, elle avait bien le droit de savoir ! Elle était jeune, elle voulait découvrir et explorer le monde, et pas rester enfermée dans une maison toute la journée, comme maintenant. Elle voulait un peu d'action, en fait. Et comprendre ! Ici, elle s'ennuyait, se sentant couvée comme un œuf très fragile. Mais elle n'était pas en sucre non plus !

Bella – Je ne sais pas quand les autres vont revenir, ils aident d’autres personnes sécuriser le Népal. Mais ils ne vont pas rester là-bas éternellement, ne t’inquiètes pas. Je ne sais pas encore si on retournera au Népal, mais ne t’inquiètes pas pour tout ça.

Pourquoi ils retourneraient pas là-bas ? C'était à cause de cette histoire de gros loups qui voulaient se battre contre les humains ? Elle n'avait pas trop compris cette partie-là de l'histoire, entre les loups gentils, celui qui voulait la protéger, et les autres qui étaient des monstres. Au final, un loup était bon ou mauvais ? Et il se transformait en humain s'il le pouvait ? Comme Jacob, quoi. Lui, il était très gentil, d'après papa. Bon, d'accord. Et les autres ? Il fallait forcément les éliminer ? Elle fronça le nez, perplexe. Ce serait plus simple si personne ne faisait la guerre, selon elle. Mais les grands n'arrivaient pas à penser à cette solution, c'était désespérant.

Bella – Quant aux autres enfants, bien sûr qu’il y en a ! Il y en a même pas mal et tu pourras les voir. Nous, heu… On lit et on parle, on heu… On s’occupe. On joue, on étudie d’autres choses, on visite le pays… Mais pour l’instant, on s’occupe de toi. Ne te préoccupe pas de ça, on a de quoi s’occuper. Et on chasse la nuit pour ne pas révéler notre présence aux humains, c’est la première règle à respecter pour nous.

Elle ne répondit pas. Ne pas se révéler aux humains, ça, c'était normal, et important. Elle n'aimerait pas que les autres enfants la rejettent ou elle trouvent bizarre parce qu'elle aimait bien boire du sang. Bon, ce n'était pas trop normal, mais... Mais... Est-ce qu'elle était bien normale, au fait ? Elle était la moitié d'une race, la moitié d'une autre, donc pas grand-chose. Deux moitiés qui essayent de former un tout nouveau. Bizarre. Sa race à elle avait un nom ? Car hybride, c'était un peu... Malsain, comme mot. Comme si on la mettait dans une case à part, par impossibilité de la définir précisément.

Bella – Pour ton oncle et ta tante… C’est difficile à dire. Emmett ne te laissera pas tomber, tu le sais. Il continue à venir et viendra sans doute encore pendant de longues années. Rose, par contre… Je l’ignore. Mais elle n’est pas loin, tu sais, elle travaille à l’orphelinat donc tu peux la voir quand tu le veux, il suffit de nous le dire ou d’en parler à Emmett. Je suppose que ça ne la dérangera pas. Mais elle t’aime, tu sais, c’est juste que rester ici… Elle s’ennuyait. Elle a toujours voulu avoir des enfants et… Eh bien… En étant ce que nous sommes, nous ne pouvons pas. Elle a donc trouvé un moyen pour… pouvoir avoir des enfants, si on veut. Tu comprends ?

Elle hocha doucement la tête. Les vampires ne pouvaient pas avoir d'enfants, alors... Donc elle n'aura jamais de petit frère. Ses yeux s'humidifièrent, et elle le cacha en baissant la tête et en fourrant son nez dans les vêtements de sa mère. Ce n'était pas juste. Pourquoi elle devait rester toute seule ? Pourquoi elle ne pouvait pas avoir de frères et sœurs, elle aussi ? Un cousin ou une cousine ? C'était injuste ! Elle ne voulait plus rester ainsi... Sa mère la serra dans ses bras, tout à coup, et l'embrassa dans les cheveux, mais Nessie ne voulait pas relever la tête.

Bella – Ça ne veut pas dire que tu seras seule éternellement... Seulement, pour l'instant, vu tous les problèmes dehors, on préfère n'avoir que toi pour être disponibles à 100%.

Eux, ils préféraient peut-être, mais pas elle... Cette situation était pénible. Elle voulait parler de tout ça avec quelqu'un qui pourra la comprendre, qui saura que cette différence devenait lourde. Elle n'était pas humaine, elle n'était pas vampire, alors elle était quoi ? Une moitié de, et rien de plus ? Elle sauta sans crier gare des genoux de sa mère et s'enfuit de la pièce. Elle en avait assez. Elle tomba peu après sur son père, assis dans le salon, et lui sauta quasiment dessus, se plantant devant lui et tirant sur sa manche.

– Papa ! Pourquoi t'as pu faire un enfant à maman et maintenant tu peux plus ?

Edward s'agenouilla devant la bibliothèque, passant un doigt sur tous les livres qui étaient rangés, lentement, cherchant celui que Carlisle lui avait donné il y a déjà de cela quelques années. Un livre sur l'amnésie, les conséquences de chocs crâniens et de traumatismes divers. Bien évidemment, son père avait déjà examiné plusieurs fois Renesmée, mais peut-être les livres donneraient-ils quelques astuces pour aider une personne amnésique à retrouver la mémoire. Il trouva le bouquin en question et l'emporta avec lui. Encore peu familier de la maison, il eut du mal à se détendre assez pour se plonger dans sa lecture, une fois dans le salon.

Divers experts avaient été interrogés pour faire ce livre. Ils parlaient d'écoute, de scènes jouées et d'autres choses pour la personne à qui l'on devait rendre la mémoire. Rien qui ne pouvait vraiment les aider. Certes, Nessie commençait à aller mieux, des souvenirs lui revenaient parfois, mais c'était si faible, si ténu, si flou encore. Il craignait que cela ne la déséquilibre ou qu'elle perde confiance. Et craignait par-dessus tout le moment où elle se souviendra de son enlèvement, la peur qui s'en ensuivra. Ses mains se crispèrent sur le livre. Son enlèvement... S'il avait vu les types qui avaient osé faire ça, il les aurait tué sur-place, et tant pis pour son serment de ne pas faire de mal aux humains !

Une petite photo, qui avait dû servir de marque-page à Carlisle, tomba du livre. Edward la ramassa, et eut un doux sourire. C'était ses deux parents, le jour de leur mariage. La photo était en noir et blanc, assez vieille et défraîchi, mais le sourire des jeunes mariés valait tout l'or du monde. Il la déposa sur la table, à côté du livre. Il ne regrettait pas cette époque, bien qu'il avait été heureux d'avoir une nouvelle vie, une vie de famille, avec Carlisle et Esmée. mais comment être mélancolique alors qu'aujourd'hui, il était marié à son tour, et qu'il avait eu une merveilleuse petite fille avec l'amour de sa vie ? D'ailleurs, en parlant de petite fille, en voilà une qui vint quasiment se jeter sur lui, tirant sur sa manche avec énergie. Elle avait les larmes aux yeux, ce qui l'alarma aussitôt.

Nessie – Papa ! Pourquoi t'as pu faire un enfant à maman et maintenant tu peux plus ?

Il lut le pourquoi de sa question dans son esprit avant même qu'elle ne la pose. Roh, son petit chou... Il l'attira près de lui, sur le canapé, et passa son bras autour d'elle, la serrant contre lui. Il lui expliqua patiemment qu'étant donné leur nature, leurs femmes ne pouvaient plus concevoir ni porter la vie. Leurs corps était figé, hélas, et les empêchaient de mettre un enfant au monde comme les humaines, qui elles pouvaient évoluer.

Edward – Tu n'es pas juste "une moitié" de quelque chose, Nessie. Tu possèdes le meilleur des deux races ! Plus grande, tu pourras courir aussi vite que nous. Bon, pas aussi longtemps, je te l'accorde, mais tout de même. Et toi, tu ne seras pas obligée de te cacher.

Il plongea son regard dans le sien et lui sourit.

Edward – Le soleil ne te trahira pas. Ta vie sera différente de la nôtre, car tu ne dois aps te cacher. Tu vas grandir, et t'insérer pleinement dans cette société dont nous sommes privés. Tu peux devenir celle que tu veux, ma chérie.

Il la serra tendrement dans ses bras, essayant de la réconforter, de lui montrer qu'ils seront toujours là pour l'aimer et la soutenir.