Bras de fer et concours !

– Dans les dents, mon vieux, mouah ah ah ! Au suivant !

Son adversaire suivant s'assit à la table avec lui pour un autre bras de fer. En selle, mon gars, il allait l'éclater lui aussi ! C'était un jour de "fête" au fort. Ils venaient de remporter une victoire éclatante contre Drachma ! Ces idiots les avaient encore attaqué, pensant pouvoir défier impunément l'imprenable fort de Briggs et sa reine. Ils en avaient payé le prix fort ! Ils avaient été écrasés, purement et simplement, comme ils le méritaient. Ces lâches ne passeront jamais par Briggs, la forteresse résistera jusqu'à la nuit des temps. Personne ne pouvait les vaincre ! Ils s'accrochaient à la gorge de leurs ennemis tels des ours des montagnes jusqu'à la victoire, c'était écrit. il força pour gagner au bras de fer, soufflant et prenant de longues inspirations. Il jouait avec son bras valide pour que ce soit équitable, ne voulant pas utiliser son automail. Il finit par vaincre son adversaire, avec un large sourire de victoire. Il fallait dire aussi que le commandant était le plus grand, ici, et aussi le plus costaud, si on exceptait leur reine.

Un des soldats chantait avec un autre, bouteille en main, tout le monde était en liesse. L'ambiance au sein du fort était très rarement à la fête, ils étaient toujours en état d'alerte permanent, en cas de problème, car jamais ils ne devaient se laisser aller. Le QG Nord ne défendait rien du tout, ils étaient mal placés et trop éloignés des véritables sources de danger. C'était Briggs qui assurait véritablement la défense de la région. Il se lança dans un nouveau duel, s'amusant beaucoup, sans doute bien plus que Miles qui restait calme, comme à son habitude. Allez, il pouvait très bien se lâcher un peu ! C'était la première véritable fête au fort depuis presque sept ans, après tout. Tout le monde n'était pas là, bien sûr, le fort gardait ses défenses impénétrables et son niveau d'alerte au maximum, mais c'était assez pour s'amuser.

– On fait un concours pour savoir qui tient le mieux l'alcool, ici ? lança-t-il à la cantonade. Générale ?

Il sourit de plus belle lorsqu'elle s'assit en face de lui, alors qu'on leur apportait des verres et des bouteilles, d'un alcool très pur et surtout très fort qu'on distillait dans le Nord, dans un village non loin de Briggs. Il remplit leurs verres d'un geste souple, levant le sien pour la saluer. A votre santé ! l le vida en même temps qu'elle, sentant le liquide assez âcre mais très réchauffant couler dans sa gorge. Rah, voilà qui était bon ! On leur resservit un second verre, qu'il avala tout aussi vite. Ce truc était décidément très bon, il faudra qu'il envoie une petite carte de remerciements à la fabrique. Un troisième verre suivit. Puis un quatrième. Un cinquième. La générale avait elle aussi enlevé sa veste, tout comme il l'avait fait un peu plus tôt. Sixième verre. Hum, très bon, ce petit goût de raisin.

– Allez Miles... Hoc ! Ressers-nous !

Il leva son verre pour le porter à ses lèvres, ayant bien chaud et se sentant surtout très gai. Santé ! Il le vida en moins de trois secondes, avec un petit hoquet. Ces verres étaient assez grand, en plus, ce qui rendait le jeu encore plus difficile. Il avait les joues assez rouge et le regard brillant. Sa supérieure semblait avoir encore plus chaud que lui, elle aussi avait les joues écarlates. Hic. Il commençait à voir double, c'était normal ? Hoc ! Il reprit un huitième verre, sous les encouragements des hommes qui étaient autour de la table à rire et crier, prenant des paris sur qui allait s'effondrer en premier. Buccanneer commençait à se sentir un peu mal, le monde bougeait un peu trop.

– Ma... bafouilla-t-il en tanguant. Ma Reine... A la... vôtre...

Il sourit largement puis s'effondra sur la table dans un très grand boum, sous les applaudissements. Ah... santé !

Les manœuvres auraient très bien pu être retardées, voir annulées, mais leur victoire avait vaincu tous les doutes que certains idiots de Central pouvaient encore avoir sur la force de Briggs. Les corps des hommes de Drachma étaient entassés dans la neige, qui rougissait de leur sang. Qu'avaient-ils cru, en les attaquant de cette façon ? Voilà des années qu'ils s'acharnaient, défiant les forces de Briggs et s'y brisant toujours les dents, sans cesse. Il ne se passait jamais longtemps avant qu'ils ne recommencent. Olivier raccrocha, après avoir confirmé à la division de l'est que les manœuvres étaient maintenues et auront lieu à l'heure prévue. Cela aurait été plus simple si elles avaient eu lieu dans le nord, afin qu'ils puissent surveiller Drachma en même temps, mais le calendrier était ainsi, c'était au tour de l'Est d'accueillir les mouvements de l'armée. Grumman devait sûrement s'en réjouir, il avait tant horreur du froid qu'il trouvait toujours une excuse pour ne pas se rendre au Nord. Pourquoi ne cédait-il pas sa place pour partir en retraite ? Il était trop âgé pour se battre efficacement, il ferait mieux de quitter la ligne de front pour un bureau à Central.

Elle revint dans le réfectoire, où la plupart de ses hommes fêtaient la victoire contre Drachma, rejoignant Miles qui observait le tout sans intervenir. Qu'ils se détendent un peu, ils partaient dans peu de temps pour East City. Les voitures et les camions étaient chargés, partant déjà à l'heure où ils parlaient. Elle et le reste de ses hommes allaient suivre en train, arrivant à temps pour le début des manœuvres. Elle était très fière d'eux tous, de cette victoire, fière de tous ces hommes et femmes qu'elle passait beaucoup de temps à entraîner. Qui pouvait sérieusement les menacer aujourd'hui ? Ils pouvaient se détendre un peu avant de partir, Drachma avait retenu la leçon pour la journée. La neige et le blizzard allaient recouvrir et enterrer les corps de leurs hommes. Ils seront dévorés par les loups des montagnes, assez gros et forts pour combattre un ours.

– On fait un concours pour savoir qui tient le mieux l'alcool, ici ? lança-t-il à la cantonade. Générale ?

Pourquoi pas ? Elle s'assit en face de lui avec un sourire mauvais. Qu'on leur apporte à boire ! Elle lança un regard de défi à son subordonné, attrapant son verre, le vidant cul sec. L'alcool qu'ils avaient ici était assez fort et montait vite à la tête, réchauffant aussi sûrement qu'une bonne séance d'exercice. C'était parti ! Elle avait une assez bonne résistance à l'alcool, malgré ce qu'on pourrait croire en voyant sa carrure. Le deuxième verre suivit très vite, puis un troisième. Ses hommes s'étaient réunis autour d'eux, encourageant l'un ou l'autre. Il n'y avait vraiment qu'avec eux, à Briggs, qu'elle arrivait à se détendre et à sourire. Comment regretter cet "exil" dans les montagnes du Nord ?  Les autres divisions pensaient qu'être affectés ici était une punition mais il avaient tord. A Briggs, seule la loi du plus fort comptait. L'entraide était totale, chacun de ses hommes était d'une loyauté sans faille.

Les verres s'enchaînèrent et elle finit par jeter sa veste d'uniforme sur la chaise près d'elle. Elle avait de plus en plus chaud, ses joues se colorant de rouge. Il faisait très froid, au fort, mais ce genre de petit jeu réchauffait efficacement. Elle porta son verre à ses lèvres pour le vider d'un trait, fermant les yeux. Allez, ses hommes la regardaient, elle ne pouvait pas perdre ! Elle remonta ses manches au niveau des coudes, faisant signe qu'on les resserve. Ils avaient encore le temps de s'amuser un peu, leur train ne partait quand dans deux heures. Elle essuya une goutte à ses lèvres, reprenant son souffle. Ce petit alcool n'était vraiment pas mauvais mais très fort, il vous tournait la tête. Elle ne s'musait as souvent comme ça, les fêtes étaient très rares au fort, pour ne pas dire inexistantes. Mais avoir écrasé ainsi l'armée de Drachma et fait boire à la terre leur sang l'avait mise de bonne humeur.

– Allez Miles... Hoc ! Ressers-nous !

Le septième verre lui brûla la gorge, en même temps que lui arracher un petit rire. Allez, on continue ! Elle vida le huitième en une minute, les joues très rouges. Son subordonné commençait à tanguer, lui aussi. Leurs collègues les encourageaient toujours, pariant, riant et s'amusant comme des enfants. Loin, bien loin, très loin de l'attitude fermée et froide qu'ils allaient afficher une fois arrivés à East City, elle s'en doutait bien. Buccanner leva tout à coup son verre vide, tanguant et penchant d'un côté puis de l'autre. Ah, ça y est, il était fini ?

– Ma... bafouilla-t-il en tanguant. Ma Reine... A la... vôtre...

Il s'effondra sur la table, toujours conscient mais achevé. Les soldats se mirent à applaudir alors qu'elle reposait son verre. gagné ! Elle se frotta le village pour retrouver ses idées, morte de chaud, remettant quand même sa veste sur ses épaules, puis fit signe à Miles de s'approcher d'un geste du doigt. Elle lui donna les ingrédients pour faire une de ses recettes anti-gueule de bois, pour elle et Buccaneer. Ils devaient se préparer pour partir dans l'Est, après tout. Il fila préparer ce qu'il fallait, pendant qu'elle rejetait ses cheveux derrière son épaule.

– Que tous ceux qui doivent partir se préparent, maintenant, lança-t-elle d'une voix fort en se levant. Nous partons dans une heure.

Miles revint très vite avec sa préparation. Elle le remercia, buvant lentement pendant qu'il aidait son subordonné à faire de même. Voilà qui était fait.

– Est-ce que tout est prêt pour les manœuvres, Miles ? Aucun incident à signaler ?

Il n’avait rien contre les fêtes, d’autant plus qu’elles étaient très rares à Briggs, mais deux ou trois heures avant un départ en train pour la région de l’Est ? Enfin, si cela les amusait, pourquoi pas. Il avait peu de soucis au sujet de l’état du commandant et de la générale. Ils tenaient bien l’alcool, tous les deux, et après un voyage en train, il n’y paraîtra plus. Leur générale ne se lâchait vraiment qu’avec eux, entre les murs de la forteresse, nulle part ailleurs. Ce fort était aussi bien une place forte qu’un refuge, pour beaucoup d’entre eux. Presque tous ceux qui étaient ici avaient un passé qu’on n’ébruitait généralement pas en public, ou une chose qui pouvait être très mal vue à Amestris. Des voies de fait, des délits, des origines peu recommandées, un comportement inapproprié dans un autre cadre, des faits qui pouvaient vous valoir la cour martiale et il ne savait quoi encore. Le QG Nord abritait des soldats « normaux » mais le fort de Briggs cachait en son sein des hommes et femmes qui n’auraient pas leur place ailleurs dans Amestris.

Tous ici connaissaient les secrets des uns et des autres, ce qui renforçait l’entraide et la solidarité entre tous. La Générale Armstrong n’acceptait pas n’importe qui dans sa forteresse et tous ceux qui vivaient au fort lui étaient d’une loyauté sans faille. C’était finalement en cela que leur armée était si différente… Pour leurs parcours atypiques, leurs secrets, leur unité. Miles lui-même serait sans doute mort depuis trois ans s’il avait fait parti d’une autre division. A Briggs, le racisme et la discrimination n’avaient pas leur place. La seule règle en vigueur était la loi du plus fort. Si vous êtes faible, vous mourrez, si vous êtes fort, vous vivez, un point c’est tout. C’est une loi qui s’appliquait impitoyablement à chacun d’entre eux, peu importe la race, la religion, le grade ou le sexe. Le Nord était aussi la seule division dirigé par une femme. Une femme qu’on surnommait l’imprenable mur du Nord. Pour eux, elle était leur Reine.

Commandant – Allez Miles... Hoc ! Ressers-nous !

Il s’exécuta avec un maigre sourire. Autour d’eux, leurs hommes les encourageaient en criant et en riant. L’atmosphère était détendue, surtout après une bataille qui avait été terrible. Pour le camp d’en face. Attaquer ainsi, à pieds, avec seulement quatre chars, quand vous aviez en face une muraille de pierre gigantesque et des dizaines de canon, ce n’est pas forcément très malin. Le commandant Buccaneer commençait à tanguer sérieusement. Il n’en pouvait plus ? De toute façon, il allait falloir se préparer, maintenant, leur délégation devait prendre le train pour se rendre dans l’Est. Les quelques soldats chargés d’aider aux préparatifs étaient déjà partis. Ces manœuvres devraient bien se passer, ils avaient toujours eu de bons rapports avec l’armée de l’Est et travaillaient souvent en collaboration avec eux. Une fois fait, ils reviendront dans le Nord et le quotidien reprendra. Surveiller Drachma, garder les frontières, chasser les clandestins, etc. Miles, comme beaucoup ici, se souciaient peu de ce quia gitait le reste du pays, sauf si cela venait les toucher directement. Drachma était leur principal souci, ils étaient la frontière directe avec eux. Les montagnes étaient une barrière naturelle efficace, Briggs avait été construit au seul point faible des défenses. Un point faible qui était devenu un atout pour le pays tout entier.

Commandant – Ma... bafouilla-t-il en tanguant. Ma Reine... A la... vôtre...

Il s’effondra sur la table presque aussitôt ces mots prononcés, un sourire heureux sur le visage. Voilà qui était fait ! Il s’approcha quand la générale lui fit signe et elle lui dicta les ingrédients pour préparer un remède anti-gueule de bois. Il s’en occupe aussitôt, revenant dans une petite salle de pause qui servait entre deux tours de garde et pour préparer le café absolument immonde qu’ils buvaient ici. Il se chargea des boissons assez vite, conscient qu’ils ne devaient plus tarder, à présent. Lorsqu’il revint, il donna le verre à sa supérieure hiérarchique puis aida Buccaneer à se redresser pour qu’il puisse boire lui aussi. Allez, un peu de volonté ! Ça lui fera du bien, même s’il allait de toute façon se remettre très vite. Les soldats s’étaient dispersés, retournant à leur poste ou s’occupant des derniers préparatifs du voyage. Miles préférait quand les manœuvres avaient lieu dans le Nord, pas pour éviter le voyage, mais parce que les conditions climatiques obligeaient les soldats à plus d’énergie et à plus de mouvements. Quel meilleur entraînement que de se repérer au milieu d’un blizzard monstrueux ? Enfin soit, c’était le tour de l’Est.

Générale – Est-ce que tout est prêt pour les manœuvres, Miles ? Aucun incident à signaler ?

Miles – J’ai entendu dire que l’armée est en alerte à cause d’un assassin et d’une ancienne alchimiste d’état, mais c’est le problème de l’armée de Central. Rien à signaler dans l’Est, tout va pour le mieux. Le général Grumman nous a assuré que tout était prêt.

Ceci dit, il avait plutôt intérêt, comme les manœuvres se déroulaient dans sa région. Il restait debout près de sa chef le temps qu’elle boive le remède, notant qu’elle se reprenait déjà, tout comme le commandant qui s’essuyait la bouche. Tout devrait bien se passer, oui. La seule chose qui agaçait Miles lors des sorties de ce genre était l’attitude des autres divisions, qui se comportaient bizarrement avec celle du Nord, comme s’ils avaient peur ou étaient nerveux, ce qui était tout à fait ridicule.

Miles – La voiture nous attend pour se rendre à la gare, madame, il va être temps de partir.