Charlie [one-shoot]

Le verre vacilla sur le bord du plan de travail, tomba, et s'écrasa au sol, s'éparpillant en mille morceaux. Charlie sursauta, et se coupa légèrement sur son couteau à viande. Il ne jeta par un regard à la blessure, le regard dans le vague. Il n'était pas du genre à faire des métaphores idiotes, mais ce verre brisé représentait bien sa vie selon lui. Il laissa tomber le couteau dans l'évier et passa sa main devant ses yeux. Ses yeux perpétuellement rouge et gonflés. Son corps qui tremblait en permanence.

Laissant tomber le repas qu'il préparait, il retourna s'asseoir dans le salon et ne bougea plus. Il n'avait plus envie de rien, le poids du deuil étant trop lourd à porter. Il avait perdu beaucoup de poids, ne mangeant quasiment plus rien, et ses lourdes cernes mauves prouvaient la mauvaise qualité de son sommeil. Chacune de ses nuits étaient hantée par le souvenir de sa fille. Disparue, sans laisser aucun trace. Il l'avait cherché, il s'était acharné, jusqu'au jour où il avait appris sa mort.

Sa Bella. Sa petite fille. Morte. Comment y croire ? Il s'y était refusé de toute son âme jusqu'à découvrir les preuves irréfutables. Jusqu'à ce que plus rien ne puisse le faire douter. Il s'était enfui de commissariat, enfermé chez lui, et s'était effondré sur le plancher de sa maison, écrasé par le poids de la solitude. a seule idée à cet instant était que le monde pouvait bien tourner sans lui, désormais. Qu'on lui foute la paix. Qu'on le laisse partir... Il était entré dans une sorte de délire, voyant des mirages et des illusions lui rappelant Bella. Fou ? Peut-être. Sûrement.

Il n'avait compris que plus tard que c'était Sue qui s'était occupée de lui durant les deux mois où il s'était complètement coupé du monde extérieur. Elle l'avait veillé, nourri, rassuré lorsqu'il s'éveillait la nuit en pleurant. Inconsciemment, Charlie s'était attaché à cette femme. Elle l'avait aidé à reprendre le cours de sa vie, comme un enfant que l'on tenait par la main pour l'aider à faire ses premiers pas.

Puis un autre deuil était venu s'ajouter. Renée cette fois, disparue depuis des mois en Italie avec leur bébé. Disparue pour de bon. L'apathie guettait le vieux flic qu'il était. C'était trop pour lui. Il n'avait pas les nerfs pour supporter le décès de sa fille et celui de son ex-femme. Et en cet instant, il ne savait plus que faire, à quoi se raccrocher, pour éviter de glisser dans la folie pure, ou mourir à son tour.

Un bruit à la porte. Il ne releva pas la tête, prostré. Une main douce à la peau mate se glissant dans la sienne. Il releva la tête. Sue. Elle lui souriait doucement, de l'un de ces sourires qu'on offre aux enfants qui ont fait un cauchemar. Elle lui demanda s'il avait mangé. Il répondit d'un non étranglé. A quoi bon se nourrir ? Dormir ? Vivre ?

Sue - Moi non plus et il est encore tôt. Viens, je t'emmène déjeuner à la maison. Leah et Seth ont réquisitionnés la cuisine toute la matinée pour préparer un gâteau.

Charlie - Je... Je n'ai pas faim...

Sue - Sil te plaît ? insista-t-elle doucement en s'asseyant près de lui.

Elle l'attira contre elle, et il l'enlaça délicatement. Elle était l'une des rares à qui il adressait encore la parole, car elle savait ce qu'il ressentait. Elle avait perdu son mari, et comprenait la souffrance du deuil. Il se bercèrent mutuellement pendant de longues minutes, puis Sue l'embrassa sur le sommet du crâne.

Sue - J'aimerais que tu viennes vivre chez moi, Charlie, dit-elle dans un murmure.

Charlie - Tu....

Sue - Ecoute-moi, rester ici ne te vaut rien. Non seulement tu es seul, mais il ne te reste que tes souvenirs. Ce n'est pas bon de ressasser le passé comme ça.

Charlie - Quand on n'a plus que ça, on est content de pouvoir ressasser quelque chose.

Sue - Viens avec moi, s'il te plaît. La maison est grande. Les enfants t'aiment bien. Tu as des amis à la Réserve. Et je suis là.

Il la serra un peu plus fort contre lui, soudain perdu. Déménager ? Mais.... Il habitait ici depuis les tous premiers jours. Il regarda autour de lui. Vit les photos de Bella, dont une datant de son emménagement à Forks. Cette maison était véritablement hantée par tous les souvenirs. Il eut un hoquet, mi-effrayé, mi-désespéré, puis suivit Sue.

On les aida pour le déménagement. Charlie récupéra toutes les photos qu'il avait de Bella, sauf une, très récente, et les rangea dans une boîte en bois qu'il ferma et orna d'un ruban noir. Il enterra le tout, accompagné de Sue. La seule photo qu'il conserva, il la mit dans un cadre d'argent qu'il posa sur sa table de nuit. Une photo de sa fille, souriante, heureuse, les joues roses et ses yeux chocolats brillants de joie de vivre.