Une "petite" surprise

Une fête ! Une fête, une fête, une fête ! Sulpicia ignorait pourquoi elle avait eu cette idée, mais elle l’avait eue. Par chance, et pour éviter qu’il ne découvre tout, la jeune femme s’était enfermée toute la journée et s’était occupée des jumeaux pour leur changer les idées, pour une fois qu’Aro les laissait tranquille. Bon, d’accord, il faut aussi avouer que Sulpicia avait grandement insisté auprès de son mari… Mais au moins, cela avait fonctionné ! A présent, elle était dans une des plus grandes salles du château de Volterra, avec des guirlandes dorées partout, des plats préparés, des verres de sang, un peu de tout, pour tous les goûts en somme. Normalement, cette fête était exclusivement réservée aux Volturi, à tout le château, mais elle préférait être prévoyante. Il y avait de la musique prévue, que ce soit de son époque ou de l’époque actuelle, passant par tous les courants qui s’étaient succédé. Comme cela, pas de jaloux !

La salle était illuminée de mille lumières, des couleurs partout, de la bonne humeur. Tout allait être parfait ! Restait encore à tout mettre en place, que ce soit les « plats » (façon de parler, bien entendu), la musique, les décorations… En somme, il n’y avait que les guirlandes qui étaient placées, et Aro et ses frères étaient sortis mais risquaient de rentrer d’un moment à l’autre. Elle avait fait tout son possible pour ne rien dire aux autres, exception faite pour Renée et Athenodora parce qu’elle avait besoin d’aide. Naturellement, elle leur avait bien spécifié de ne surtout pas toucher la main d’Aro, ce qui avait été chose aisée pour elles étant donné qu’il ne les touchait qu’à titre exceptionnel. En revanche, la tâche s’était révélée plus ardue pour elle… Toute cette agitation n’avait pas été simple à dissimuler, encore moins l’impatience, mais les jumeaux lui avaient été d’une grande aide. Il ne restait que quelques heures, et ses efforts auraient portés leur fruit. Malheureusement, le temps qui lui était imparti s’amenuisait de minute en minute, elle n’avait pas pu préparer les choses plus de vingt-quatre heures à l’avance pour ne pas trop éveiller les soupçons d’Aro. Sulpicia savait que s’il la touchait, sa surprise tombait à l’eau.

Pourquoi une surprise ? Pour le détendre, voyons ! Avec tout ce qu’il s’était passé, avec les derniers évènements, le retour d’Alec, des jumeaux par la même occasion, les disputes… Sulpicia voulait l’aider à penser à autre chose, même si elle savait qu’Aro et les surprises, cela faisait deux en général. Enfin, quoi que, il pouvait être touché, non ? Bah, peu importe, dans le pire des cas, les autres seront contents et cela détendra tout le monde ! C’était aussi l’objectif de Sulpicia, même si la déception de son mari l’attristerait profondément. Elle voulait simplement lui faire plaisir, rien de plus. Caïus détesterait cela, mais peu importe, elle ne l’aimait pas. Oui, bon, d’accord, cette fête lui permettait aussi de faire râler Caïus, mais personne ne pouvait lui en vouloir, pas après ce que cet « homme » avait fait aux jumeaux. Et puis, les nombreuses menaces à son encontre, elle devait les oublier ? Certainement pas !


Athenodora – Sulpicia ? C’est bon, je pense qu’on a fini !

Sulpicia – C’est vrai ? Oh, magnifique ! J’espère que cela va lui plaire…

Athenodora – Mais oui, ne t’inquiètes pas.

Sulpicia fit un maigre sourire à Athenodora, peu convaincue de l’effet positif de cette fête sur Aro. Mais soit. De toute manière, les invités étaient là, la salle était pleine, il ne restait plus qu’à attendre Aro. Elle était habillée d’une robe noire et or, simple mais luxueuse, ses cheveux tombant sur son dos à moitié dévoilé par sa robe. Il fallait, maintenant, amener Aro jusqu’à la salle sans le toucher et sans se faire griller avant qu’il n’arrive. Tout était silencieux, plus personne ne faisait un seul bruit, seule une étrange odeur flottait dans l’air. Les invités, les vampires étaient tous immobiles pour ne faire aucun bruit, ce qui allait sûrement alerter les trois frères d’ailleurs. Sulpicia avait fait exprès de laisser planer une odeur bizarre dans le château, odeur qui conduirait jusqu’ici, tout en y mêlant également son parfum pour pousser Aro à se déplacer jusqu’à cette salle. Suspicieux comme il était, ainsi que ses frères… Cela ne pouvait que fonctionner, non ? Un bruit se fit entendre, dans le château. Ils étaient là. Sulpicia porta son index à ses lèvres, faisant signe à tout le monde de ne plus bouger, pas même respirer, rien du tout. Aro arrivait, avec ses frères. Elle reconnaissait sa démarche entre mille.

Ils étaient là ! Tous les trois ! Sulpicia aurait pu sauter de joie, mais s’était retenue de justesse. Comme elle l’avait prévu, Caïus afficha une mine exaspérée, comme si cette fête était la plus mauvaise idée du siècle, quelque chose d’inutile et une perte de temps. Ou, en tout cas, c’était comme cela que la jeune femme interpréta ce visage bizarre déformé par sa grimace habituelle, quoi qu’un peu nuancée selon les circonstances. A force de le voir énervé, Sulpicia s’était amusée à analyser ses grimaces, juste pour le plaisir de l’énerver davantage et aussi pour pouvoir prévoir s’il allait hurler ou pester contre quelqu’un. En bref, faire le Caïus énervé ou le Caïus très énervé. Ici… Oui, bon, elle l’ignorait et portait plutôt son attention sur son mari pour savoir ce qu’il pensait de tout cela. Il semblait partagé… Donc, pas de colère en vue ? Elle voulait simplement le détendre ! Rien de plus !

Aro – En quel honneur, ce bazar ?

« Bazar » ? Sulpicia tiqua sur ce mot, mais ne se démonta pas pour autant. Elle n’avait eu aucune mauvaise intention, elle avait simplement voulu qu’il se détende ! Ce n’était pourtant pas sorcier à comprendre, si ? Lui prenant les mains, à la fois pour lui répondre et pour lui montrer qu’elle ne lui mentait pas, Sulpicia lui répondit avec un sourire tendre :

Sulpicia – Tout ce « bazar », c’est pour te détendre, pour détendre tout le monde. Ecoute… Je sais que tu détestes les fêtes surprises, mais regarde un peu l’ambiance du château ! Si tes gardes ne sont pas heureux, s’ils pensent sans cesse à tout ce qu’il s’est passé, Aro, ils exécuteront mal les missions que tu leur confies.

Si Sulpicia trichait ? Peut-être un peu, mais ce n’était que la pure vérité. Aro ne pouvait pas nier l’évidence, si ses « sujets » n’étaient pas concentrés, ils n’allaient pas l’écouter, ils seraient de plus en plus tentés par la rebellion et elle ne voulait pas revivre de tels mois de colère, elle ne voulait plus subir tout cela. Alors, peut-être cette fête allait-elle énerver Aro, mais c’était pour le bien de tous, y compris le sien. Il pouvait comprendre que la mauvaise humeur à laquelle il l’avait accoutumée commençait à devenir éreintante, non ? Certes, elle ne lui en avait jamais vraiment parlé, mais elle n’avait pas voulu le blesser, surtout lui. Lui proposer une fête ? Pfiouf, il aurait refusé purement et simplement. Reprenant, Sulpicia dit :

Sulpicia – Avec tout ce qu’il s’est passé, même toi, tu commençais à devenir aigri. J’ai voulu faire ça pour te changer les idées… Je sais que tu détestes cela, mais fais au moins un effort. S’il te plaît ? Rien que pour une soirée ? Pour oublier Caïus, les jumeaux, tous les soucis et souder un peu plus le clan ? Tu sais que, sans un minimum de solidarité, tout risque de s’effondrer…

Tout le monde était là, le clan entier, en tenue de soirée. Ce qui lui arrachait, avouons-le, une myriade de pensées exaspérées. Était-ce vraiment le moment de faire la fête ? Sous quel motif ? Quel intérêt ? En quoi cela allait-il faire progresser le clan ? Il attendait, impatient, que sa femme daigne lui expliquer cette mascarade grotesque.

Sulpicia – Tout ce « bazar », c’est pour te détendre, pour détendre tout le monde. Ecoute… Je sais que tu détestes les fêtes surprises, mais regarde un peu l’ambiance du château ! Si tes gardes ne sont pas heureux, s’ils pensent sans cesse à tout ce qu’il s’est passé, Aro, ils exécuteront mal les missions que tu leur confies.

Décidément, sa femme le connaissait très mal, et elle connaissait encore plus mal la garde. Ceux qui sortaient en mission étaient les plus dévoués et les plus fidèles au clan. Les meilleurs ! Car il n'était pas question de nuire à leur image de marque en envoyant des carpettes faire appliquer la loi. Alors "détendre tout le monde" ? Ils n'étaient pas ici pour faire la fête, mais pour être efficace ! La loi n'attendait pas, et il ne voyait pas pourquoi son épouse tenait tant à célébrer il ne savait quoi.

Sulpicia – Avec tout ce qu’il s’est passé, même toi, tu commençais à devenir aigri. J’ai voulu faire ça pour te changer les idées… Je sais que tu détestes cela, mais fais au moins un effort. S’il te plaît ? Rien que pour une soirée ? Pour oublier Caïus, les jumeaux, tous les soucis et souder un peu plus le clan ? Tu sais que, sans un minimum de solidarité, tout risque de s’effondrer…

Très mal, oui... Il poussa un énorme soupir, alors que son petit frère semblait exaspéré par le "oublier Caïus". C'était mesquin, mais de bonne guerre. Il regarda tout le monde, lentement, puis Sulpicia, pesant le pour et le contre. Il n'avait aucune envie de participer à cette fête débile et injustifiée alors que tant d'autres affaires l'appelaient ailleurs. C'était juste une immense perte de temps. Il secoua la tête, fatigué d'avance, et prodigieusement agacé. Il y avait tellement de sujets que son épouse ne pouvait comprendre, et cela la poussait à commettre des erreurs comme celle-ci.

- Très bien, faites la fête si ça vous chante, mais sans moi, j'ai autre chose à faire. Comme beaucoup ici, d'ailleurs...

La menace était à peine voilée, et de nombreux gardes se trouvèrent soudainement une occupation urgente ou une tâche à accomplir. Il eut un faible sourire, puis repartit avec ses frères. Il détestait qu'on organise ce genre de trucs idiots dans son dos.