Rattrapé par la vie humaine

Les rares moments où Orlin n'était pas en entrainement ou entrain de vider des humains, il les passait dans sa chambre à regarder la ville perdu dans ces pensées. Il réfléchissait. Il réfléchissait même beaucoup. Il analysait le monde des vampires, ce qu'on lui en avait dit. Il se demanda ce que pouvaient bien faire tous ces autres vampires dehors, au loin derrière l'horizon. Comment vivait-il. Était-il aussi cloitrer dans un château comme lui ? Il attendait avec impatience le jour où il pourrait sortir, respirer l'air de l’extérieur à nouveau et redécouvrir le monde ! Les quelques affaires qu'Orlin avait sur lui le jour de sa transformation étaient posée sur une petite table en bois dans un coin. Il aperçut alors son téléphone portable. Il ne l'avait plus utilisé depuis 3 semaines, depuis le jour ou il avait rencontré cette petite fille à un croisement de rue. Il se demanda, alors ce que pouvaient bien penser les gens qu'il connaissait. Il pensa d'abord à son père. Il lui en voulait beaucoup. Il le tenait pour responsable de ce qui était arriver à sa mère :
Il aurait du l’empêcher de ce suicider. Il aurait pu l'en empêcher. Et sans qu'ils se rendent compte il se mit à penser à haute-voix:

Orlin, en colère
Au lieu de sa, il l'a laissé mourir et il n'a fait que peindre des tableaux qui ne valent pas un rond !

Et comme si de rien n'était, il replongea dans ses pensées. Son père et lui ne se parlait quasiment plus du tout, même si Orlin ne donnait plus de nouvelles pendants des mois, il ne bougerait pas de devant sa toile.

Il voulait oublier cette famille qui l'avait laissé tomber il y a 10 ans. Il raccrocha son esprit à la seule personne à qui il tenait vraiment : son meilleur ami Charles-Edward. Il était la seule personne qui réussissait à le calmer quand il était énervé, à lui remonté le moral quand il avait le bluzz et c'était réciproque. Ils adoraient être ensemble même si c'était par l'intermédiaire d'un téléphone. Charles-Edward était probablement la seule personne qui pouvait donné à Orlin l'équivalent d'une dose de bliss. Il se connaissait par cœur, l'un pouvait deviner quand l'autre mentait, il ne pouvait rien se cacher, il se considérait comme frère. Si l'un d'eux venait à disparaitre, l'autre remuerait ciel et terre pour le retrouver.
Ça, ça risque de poser sous peu un gros problème. Si je ne donne pas de nouvelle il risque de se rendre à Volterra et je n'ose imaginer ce qu'Aro ou Caïus lui ferais subir s'il apprenait la vérité. Mais si je l'appelle, ça reviendrait au même. Il recommença de nouveau à penser à voix-haute:

Orlin
Ah zut ! Que faire !

Alors, voilà où il en était. Il était loin de tout. Privé de tous contacts avec les humains, de famille, de la seule personne capable de le soulager de la douleur de la brûlure de la trahison et du trou béant laissé dans son âme par le suicide de sa mère. En trois semaines qu'il était en Italie, sa vie avait complètement basculé, on l'avait coupé de toutes les attaches qui l’empêchaient de sombrer dans la déprime, dans la folie.

Soudain une sonnerie le sorti de son état somnolant. Il s'agissait de la sonnerie de son téléphone portable. Il se dirigea vers l'appareil, la peur au ventre, il souhaitait que personne ne l'ait entendu. Il regarda le numéro appelant.


Que fallait-il qu'il fasse ? Devait-il prendre le risque de répondre et les exposer tous les deux à la fureur de la famille royale, ou alors devait-il le laisser dans l'ignorance, l'oublier, le laissé tomber ? Une chose était sûre néanmoins, Orlin refusait catégoriquement de mettre la vie de son meilleur ami en danger. Il déclina l'appel puis sorti la carte SIM et la broya.

Orlin
Désolé mon vieux, je fais ça pour ta sécurité et la mienne...

Marcus était un peu perturbé par tout ce qui se passait en ce moment. Caïus et Aro avaient de ces idées... Assis dans un fauteuil depuis des heures, il laissait son esprit dériver, sans chercher à contrôler ses pensées. Il n'avait envie de rien, amplement satisfait de rester simplement assis sans bouger, le regard perdu vers l'horizon. Une apathie qui lui convenait, dont il ne se souciait même plus avec le temps. La tristesse qui rongeait son âme l'emportait dans de très longues périodes d'immobilité et d'inaction. Tous les efforts de ses frères n'y avaient jamais rien changé. Il était là, sans être là. Il continuait à "vivre", se laissant glisser sans aucune résistance dans le cours du temps. Il attendait. Il attendait le jour de sa libération. Le jour de sa mort.

Aro connaissait ce désir, bien entendu, et avait craint un moment que son frère ne tente de se suicider. Crainte inutile. Marcus n'abandonnera jamais ses frères ou le clan, même s'il souhaitait mourir. Il arrivera bien un jour où un vampire parviendra à l'atteindre et le tuer. Béni soit ce jour lorsqu'il daignera se présenter à lui. Il se leva, sans même y songer. Il marchait parfois ainsi, lentement, dans les couloirs du château, comme un vieux fantôme. Voilà. Le fantôme de Volterra et du clan, voilà ce qu'il était. Si loin de la vivacité de ses deux frères, de l'emportement de Caïus, de l'enthousiasme d'Aro. Il s'ennuyait. Cherchant inconsciemment une distraction, il entendit tout à coup une sonnerie de téléphone, le bruit d'un morceau de plastique que l'on broyait, puis une voix.

Orlin : - Désolé mon vieux, je fais ça pour ta sécurité et la mienne...

Il poussa une porte, restant debout dans l'encadrement. Il regarda, d'un air las et morne, le nouveau-né du clan, le petit Orlin, un téléphone portable à la main et un petit tas de poussière à ses pieds. Marcus lui jeta un regard blasé, complètement apathique. Il s'intéressait tout de même un peu plus aux gardes que ses frères, même s'ils n'étaient pas particulièrement talentueux ou puissants. Il recherchait sans cesse quelque chose qui puisse le distraire de son ennui perpétuel.

Marcus : - Pour la sécurité de qui ? demanda-t-il d'une voix grave et profonde. Qui t'a appelé et de quoi parlais-tu ?

Tout à coup Orlin entendit que l'on ouvrit la porte de sa chambre. Il se pétrifia. On l'avait entendu. La peur lui était monté au ventre d'un seul coup ! Il se retourna. Il vit Marcus dans l'encadrement de la porte. Il était complètement pris de court. Quel idiot il était, il aurait dû broyer son téléphone dès les premiers jours après sa transformation ! Sans qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit :

Marcus
Pour la sécurité de qui ? demanda-t-il d'une voix grave et profonde. Qui t'a appelé et de quoi parlais-tu ?

Il fallait qu'il réponde et vite ! Il se doutait que ce genre de situation n'était pas à l'avantage des nouveaux-nés, il s'estima même chanceux de ne pas être tombé sur Caïus. Il reprit un instant ses esprits et analysa à la vitesse de l'éclair la situation et le personnage. Visiblement il n'avait aucun moyen de s'enfuir sans avoir toute la garde sur le dos, c'était donc la pire des solutions. Il fallait donc qu'il réponde à Marcus, mais que pouvait-il bien se risquer à lui dire ? Les seules fois où il le voyait c'était lors des repas collectifs. A chaque fois il l'avait l'air endormie. Soit il était réellement comme ça, soit il cachait bien son jeu. Il ne l'avait jamais vu s’énerver et avait l'air de ne pas prêter attention à ces deux frères quand ils étaient dans la salle des trônes. Il était tenté de tout lui dire, ça le soulagerait de se confier à quelqu'un, mais pas à un des trois rois ! Mais il était tellement paniqué et pris de cours qu'il ne pourrait pas mentir sans que ça se voit.
Bon allez, c'est quitte ou double

Orlin
Je...En fait...

Il tremblait tellement il était effrayé de la réaction que pourrait avoir Marcus en sachant ce qu'il allait dire. Il se calma un peu et d'une traite il déballa son sac. Il raconta, l'épisode du suicide de sa mère, la réaction de son père, sa relation avec Charles-Edward et finit par avouer que c'était lui qui venait de l'appeler et que pour le protéger lui, il ne répondit pas et fit en sorte qu'il ne puisse plus le joindre. Il lui avoua également que Charles-Edward était le seul humain à qui il ne pourrait jamais nuire, même si sa vie en dépendait.

Quand il eut fini, Orlin releva les yeux, fixa Marcus et attendit sa réaction, comme un condamné attends son jugement.

Le gosse avait l'air totalement paniqué, ce qui fit hausser un sourcil à Marcus d'un demi-millimètre, l'équivalent chez lui d'un cri de stupéfaction. Il ne pensait pas être si effrayant... A moins que le petit ne cache quelque chose de grave, ce qui expliquerait son état de panique. Il plissa légèrement les yeux. Orlin avait l'air de réfléchir à toute vitesse, et à essayer de mettre de l'ordre dans ses pensées. Marcus espérait qu'il n'allait pas faire l'une des crises de panique ou de nerfs si typiques chez les vampires aussi jeunes. Il n'avait pas envie de frapper ou de faire frapper quelqu'un, sans compter qu'Aro serait mécontent qu'on lui abîme son nouveau joujou.

Orlin : - Je...En fait...

Il tremblait violemment, visiblement terrorisé. Cela eut moins le mérite d'amuser un peu le vieux Volturi. Les nouveaux-nés étaient si facilement impressionnables ! Et il avait parfois des réactions un peu étranges. Lui-même ne se souvenait pas du tout de la période où il était un jeune vampire, âgé de moins de cent ou deux cents ans. Les millénaires qui s'étaient écoulés avaient effacés tant de choses de sa mémoire ! Seuls quelques souvenirs marquants restaient. Dont un particulièrement douloureux, le jour où Aro lui avait annoncé que Didyme, sa très chère âme, était décédée dans un accident. Marcus n'avait jamais connu son frère aussi doux et désolé qu'à cet instant. Ce souvenir était terriblement brûlant dans sa mémoire, remplissant la place laissé par tout ce qui avait disparu. D'une certaine façon, les nouveaux-nés étaient une brise bien fraîche, lui rappelant ses premiers pas.

Orlin se décida tout à coup et lui déballa d'une seule traite tout ce qu'il cachait. Un peu surpris, Marcus l'écouta parler, sans l'interrompre une seule fois. Le gamin lui parla de sa mère et de son décès, puis de son père, comment il avait vécu après cela avec lui, quelle avait été sa vie. Il lui parla de son meilleur ami, un certain Charles-Edward, l'humain qui venait de tenter de le contacter, en précisant que ce serait désormais impossible. Parler de tout cela fit apparemment du bien au petit car il osa enfin relever les yeux. Étrange qu'il se soit confié aussi rapidement à lui, alors que qu'il ne lui avait jamais adressé la parole. Marcus resta silencieux un petit moment.

Marcus : - Et c'est tout ? Tu paniques pour ça ? Je ne vais pas te tuer parce qu'un de tes anciens amis à essayé de te joindre... Tu n'es pas le seul, ici, à être tourmenté par ton passé humain. D'autres ici en souffrent encore. Et c'est d'autant plus vrai pour les nouveaux-nés. Avec le temps, tu oublieras...

Son regard se fit songeur, se perdant une fois de plus dans les méandres de la tristesse et de la mélancolie.

Marcus : - Le temps aide à oublier tant de choses, petit... Les millénaires passent et nous restons là à défier la mort. Laisse faire le temps. Tu finiras par oublier.

Marcus resta silencieux un moment ce qui eut pour effet de nouer encore plus l'estomac d'Orlin. Cependant, il n'avait pas l'air surpris, à vrai dire il n'avait même pas l'air en colère. Enfin il se décida à parler :

Marcus
- Et c'est tout ? Tu paniques pour ça ? Je ne vais pas te tuer parce qu'un de tes anciens amis à essayé de te joindre... Tu n'es pas le seul, ici, à être tourmenté par ton passé humain. D'autres ici en souffrent encore. Et c'est d'autant plus vrai pour les nouveaux-nés. Avec le temps, tu oublieras...

*OUF !*

Le nœud à l'estomac d'Orlin se dénoua d'un seul coup ! C'était la phrase parfaite pour le mettre à l'aise !

Marcus
Le temps aide à oublier tant de choses, petit... Les millénaires passent et nous restons là à défier la mort. Laisse faire le temps. Tu finiras par oublier.

Ainsi il allait l'oublier, il devait laisser faire le temps, il l'oubliera peu à peu, son image s'effaçant un peu plus de son esprit jour après jour, très lentement, telle la pluie érodant les grands colosses de pierre et qui ne laisse, après des millénaires d'ouvrage, qu'un gros tas difforme et méconnaissable. Voilà, il s'était donc engagé sur une pente qui allait l'entrainer au fond d'un abime, le temps lui prenant petit à petit les quelques personnes qu'il aimait. Il soupira, en essayant de ne pas songer à ce qui arrivera inéluctablement dans quelques décennies. Mais il ne put s'empêcher de repenser à son meilleur ami, il le connaissait par cœur, il était comme lui. Après tout, qui se ressemble s'assemble. Il se mit donc à réfléchir un instant:
*Si la personne que je considère comme mon propre frère disparaissait dans une ville inconnue, et que les autorités n'arrivaient pas à le retrouver, qu'est-ce que je ferais ?*
Il se tritura les méninges un instant avant de se rendre à l'évidence :
*J'irais sur place et j'irais la chercher*

Orlin
Malheureusement, il est probable que le temps n'ait pas le temps de faire son office, il viendra ici, j'en suis presque persuadé

Orlin, se tourna vers la fenêtre, saisis la rambarde et la serra de toute ses forces.
*Si jamais il venait à Volterra, il risque d'arriver jusque ici. Et s'il venait jusque ici...*
Orlin ne pourrait pas supporter de le savoir mort de la main d'un vampire. Encore moins s'il s'agissait d'un Volturi. Mais s'il était condamner à mourir...Il refusa d'y penser, serrant de toutes ses forces la rambarde de la fenêtre qui se plia sous sa poigne. Mais peut-être qu'il ne viendrait pas, peut-être qu'il allait se contenter de rester dans le Connecticut à attendre de ses nouvelles, nouvelles qui n'arriveraient jamais.

Orlin avait eu l'air soulagé en entendant ce qu'il lui avait dit. Marcus eut un léger temps d'arrêt. Soulagé ? Soulagé de savoir que son ami humain allait disparaître de sa mémoire ? Soulagé de savoir qu'il finira par oublier ? Décidément, il ne comprenait pas les étranges réactions des nouveaux-nés. Il y avait deux sortes de réaction face à cette situation. Ceux qui laissaient leurs souvenirs disparaître sans chercher à les retenir, et ceux qui s'y accrochaient. Dans ce dernier cas, il s'agissait souvent de vampires qui avaient connu une vie de misère ou une fin très violente, et en gardaient les traces. Mais la vie était cruelle, aussi bien pour les vampires que pour les humains. La seule différence était que ces derniers avaient la chance de pouvoir mourir si facilement.

Orlin : - Malheureusement, il est probable que le temps n'ait pas le temps de faire son office, il viendra ici, j'en suis presque persuadé.

Le gosse lui tourna le dos, regardant par la fenêtre. Il avait tout de même l'air un peu ébranlé, ce qui prouvait qu'il avait au moins un coeur. Il finit par briser la rambarde de la fenêtre. Marcus retint un soupir.

Marcus - Si ton ami vient jusqu'ici, il mourra. Les humains n'ont pas le droit de connaître notre existence. Si l'un d'eux apprend la vérité, il est tué, et les vampires impliqués dans cette découverte sont exécutés. Pense à ça avant de faire quoi que ce soit. En tant que garde, tu es tenu de faire respecter cette loi, pas de l'enfreindre.

Il dévisagea un moment le nouveau-né puis sortit de la pièce et referma la porte. Ses dernières phrases avaient autant valeur de sentence que d'avertissement. Aro n'aura aucune hésitation à tuer le petit nouveau s'il faisait une connerie impliquant son ami humain. Le secret, encore et toujours. Orlin ferait mieux d'oublier son ami, et surtout, de ne rien tenter si jamais il venait effectivement à Volterra. En tout, s'il ne souhaitait pas mourir avec lui.


[HJ : On clôture là, ou tu reps une dernière fois, Orlin ?]