Apprentissage au végétarisme

Alec lui serrait la main, un peu plus fort que nécessaire. Elle-même tentait, vainement, de démêler la situation. Tanya avait changé d'attitude beaucoup trop brusquement pour que ce soit naturel. Et cette question... Bizarre... Bref, ça ne tournait pas rond. Et puis, enfin, c'était gênant. Ils ne parlaient jamais d'eux à qui que ce soit, quel intérêt ?


Jane tourna la tête vers elle, la bouche a demie-entrouverte, puis ferma les yeux une minute. Pourquoi voulait-elle savoir cela... ? Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi elle s'intéresserait soudainement à "des gens de son espèce" comme elle l'avait si bien dit ! Tout comme Tanya, sa soeur avait changé trop vite, trop brusquement. A moins que ce ne soit ce que leur ait dit Eléazar qui ait changé la donne ? Elle n'avait pas cru qu'il serait écouté, au vu des rancoeurs existantes entre les Denali et le clan Italien. Elle hésita à demander à Kate pourquoi elle leur posait cette question, puis se ravisa. Elle devait arrêter de voir quelque chose de louche ou de mauvais derrière chaque parole ou acte, inutile d'être complètement paranoïaque. Même s'il y avait peu de personnes à qui elle faisait vraiment confiance aujourd'hui : Alec, Démétri, Marcus... Eléazar... Et... Aro, elle ne savait plus, trop partagée pour le moment.

Elle fit une petite moue, hésitant toujours à répondre. Un bref regard à Alec lui fit comprendre qu'il n'avait nullement l'intention de répondre à sa place. Il attendait comme les autres, un sourire en coin. Bon sang, elle s'y était déjà collée pour la question de Tanya, non ? Il pouvait répondre pour celle-ci. Sauf qu'il n'en avait apparemment pas l'intention.

- Lâcheur, marmonna-t-elle.

Elle fit de nouveau face à Kate, mettant ses interrogations de côté pour l'instant. elle resta néanmoins sur ses gardes, parfaitement incapable de se détendre. C'était vraiment gênant de devoir parler de ça, et elle détestait étaler sa vie. Enfin, elle pouvait bien faire un effort, au vu de la situation.

- Bon... On restait souvent seuls tous les deux. On lit beaucoup, et on on étudiait la plupart des langues parlées en Europe et dans certaines régions du monde, où l'on se rendait souvent. Donc l'Italien, l'Anglais, le Français, l'Allemand... On s'entraînait avec Démétri et Félix lors des périodes plus calmes. De temps en temps, Marcus passait du temps avec nous, pour...

Elle s'interrompit un instant, n'arrivant pas à croire qu'elle allait avouer ça. Elle soupira puis reprit :

- Il nous racontait des histoires... Vu son âge, il en connait pas mal. Il nous a raconté la naissance du clan, une fois, et comment il avait rencontré Aro et Caïus. Parfois, il joue aussi à des jeux avec nous, mais c'est assez rare.

Si elle avait pu rougir, elle n'en serait certainement pas privée. Oui, finalement, à bien y penser, elle appréciait beaucoup Marcus. Lorsqu'il daignait s'éveiller au monde extérieur évidemment. Mais il avait toujours été aimable avec eux, l'image même du papi gâteau.

- Bref... Autrement, on s'occupe à des trucs un peu plus... Privés, on va dire. Alec, est-ce que tu veux parler de tes...

Elle le regarda dans les yeux, cherchant à savoir si elle pouvait parler de ça aussi ou s'il préférait le garder secret. Ils n'étaient pas obligés de parler de tout non plus, après tout ! Elle en avait dévoilé une minuscule partie, mais c'était déjà trop selon elle.

Il sourcilla, puis fixa Kate, s'attendant presque à ce qu'elle éclate de rire puis leur lance une autre pique. Sauf qu'elle était apparemment sérieuse. Bon... D'où lui venait cet intérêt soudain pour eux ? Ça n'avait strictement rien de naturel, et il se demandait ce que ça cachait. Il réfléchit à toute vitesse, un peu crispé. Ni lui ni Jane n'avaient l'habitude de parler d'eux, et cette question était vraiment... directe ! Il avait déjà sentie que Kate n'aimait pas tourner autour du pot ou perdre son temps. Et visiblement, leur séjour ici allait débuter par un interrogatoire. Formidable. Surtout qu'il ne comprenait pas l'intérêt. Ils étaient ici pour essayer de changer de mode de vie, alors en quoi ce qu'ils faisaient à Volterra avait-il de l'importance ? Si elles voulaient un aperçu de qu'était la vie là-bas, il leur suffisait de demander à Eléazar. Jane échangea un regard avec lui, l'air de lui demander de répondre. Il eut un mince sourire. Pas question qu'il se jette à l'eau ! Il avait horreur de raconter sa vie et craignait de trop en dire. Il appréhendait également les questions qui allaient forcément suivre.


Il sourit de plus belle. Oui, peut-être, mais pour ce coup-ci... Il sentait sa jumelle terriblement crispée comme si elle craignait une attaque. Cependant, comment lui demander d'être détendue dans une situation pareille ? Ni lui ni elle n'avaient prévus cela, sans compter qu'ils n'étaient pas franchement rassurés.



Eh, elle n'allait pas raconter ça ! Il ferma les yeux, alors qu'elle hésitait un bref instant. Non, non, pitié chère soeur, ne le dit pas.


Elle l'avait dit ! Il expira doucement et rouvrit les yeux. Ça, c'était fait. Un vampire pouvait-il mourir de honte ? "Il nous racontait des histoires", bon, c'était vrai, mais ça rendait l'image de deux gamins dont il fallait s'occuper. Ces moments avec Marcus étaient agréables, d'accord, mais comment des vampires étrangers pourrait-il le comprendre ? Comprendre ce besoin qu'ils l'avaient, l'un comme l'autre, de relâcher de temps en temps la pression ?


Il sursauta puis blêmit. Ah non. Non, non, non ! Hors de question ! Il secoua la tête, paniqué. Il ne parlerait pas de ses dessins, même sous la torture. Et surtout pas du sujet de ce qu'il dessinait. Beaucoup trop personnel. De plus, si on savait cela, il passerait pour un faible. Aro le lui avait déjà fait remarquer, et il avait raison. Néanmoins, il avait continué, se cachant juste à chaque fois. Jane avait vu ce qu'il avait produit, sans jamais essayer elle-même. Mais il les lui montrait rarement. Elle ne pouvait pleurer mais il n'avait pas envie de lui faire de la peine, pas plus que de la troubler. Entre eux deux, elle était celle qui appréciait le plus la vie à Volterra.

Lui regrettait.

Il croisa le regard de sa soeur et lui fit un sourire désolé. S'ouvrir aux autres, d'accord. Essayer de parler et de faire confiance aux Denali, pourquoi pas. Mais il y avait plusieurs points qu'il voulait garder pour eux, et celui-là précisément pour lui. Jane n'aimait pas se souvenir alors que lui ne faisait que ça. Il prit une brusque et inutile inspiration.

- Jane, écoute, plus tard, d'accord ? Ou pas... De toute façon, j'ai tout laissé à Volterra.

Il se retourna vers Kate et les autres, luttant pour refluer la panique et retrouver son calme. Eléazar semblait s'amuser ? Il cligna des yeux, perdu.

- Pourquoi nous demander ça ?

L'ancien garde réfléchissait toujours en entrant dans le salon. Il ne pouvait pas plus demander aux sœurs d'être aimables avec les jumeaux qu'aux enfants de faire confiance à leur famille du jour au lendemain. Cependant, il apprécierait vraiment que chacun mettent les rancœurs de côté pour avancer. Mais peut-être était-ce trop demandé à sa famille. Il se les avait peut-être toutes mises à dos en les entraînant dans cette histoire, c'était possible... Et même très probable. Le cœur serré, il se demanda s'il ne vaudrait pas mieux qu'il parte avec les enfants et se débrouille avec eux. Carmen viendrait, il s'en doutait bien, mais l lui laisserait le choix. Après tout, il était vrai qu'il n'avait pas à imposer cette situation à sa famille. Et pourtant, il restait persuadé que c'était possible. Lui avait réussi, non ? Alors pourquoi pas eux ? Ce n'était que des gosses, bon sang, ils avaient le droit de découvrir autre chose, d'avoir une vie plus « saine » si l'on peut dire. Il était sans doute celui, entre eux tous, qui les connaissait le mieux, même si ça n'allait pas très loin. Il enlaça Carmen, le regard dans le vide.

Tanya réalimentait brutalement le feu, les sourcils froncés, ayant l'air elle aussi de réfléchir. Oui, peut-être que quitter le chalet avec les enfants était une bonne idée. Il rendait Tanya et Kate dingues à cause de ça. Il s'apprêtait à finalement leur en parler lorsque Tanya se redressa puis appela les enfants à venir dans le salon. Sa voix se voulait détendue, mais on sentait nettement la tension sous-jacente. Il était un peu surpris mais néanmoins content qu'elle essaye de leur parler normalement.

Tanya – " Est-ce que vous aimez lire ? "

D'accord... Il... Ne s'attendait pas vraiment à ça... Il échangea un regard perplexe avec Carmen, alors que Jane répondit d'une voix hésitante. Ça aussi, c'était étrange. A moins qu'elle ne soit simplement déstabilisée, ce qui pouvait se comprendre. En tout cas, ce n'était peut-être pas aussi mal partis qu'il l'avait cru ! Il ne voulait pas crier victoire trop vite mais se prenait à espérer. Rendre les jumeaux plus « ouverts » aux autres n'allait rien avoir de facile, c'était certain.

Kate - « Que faisiez-vous lorsque vous aviez du temps libre, si je puis me permettre ? »

Incapable de s'en empêcher, il ouvrit grand la bouche, fixant sa sœur avec stupeur. Elle... Et bien ! Ce qu'il avait dit dans le parc avait-il eu un impact ? Et même plus qu'il n'avait espéré, apparemment. Après tout, il leur avait simplement demandé de cesser les piques, pas de faire l'effort d'être aimable. Quoi que sa question était vraiment directe, comme toujours. Kate n'avait pas l'habitude de mâcher ses mots. Elle était toujours très franche en toutes circonstances, ce qui était plus ou moins bien selon les cas. Il jeta un œil aux ados. Ni l'un ni l'autre n'avaient l'air très enclin à répondre. Jane finit par marmonner un « Lâcheur » à son frère puis se lança.

Jane -  « Bon... On restait souvent seuls tous les deux. On lit beaucoup, et on étudiait la plupart des langues parlées en Europe et dans certaines régions du monde, où l'on se rendait souvent. »

Il eut un mince sourire. L'Amérique du Sud et l'Europe du Nord, voilà les endroits où elle faisait référence. Ces régions étaient particulièrement agitées, depuis des siècles et des siècles. C'était d'ailleurs dans ces coins-là qu'étaient nées plusieurs crises particulièrement graves. Jane commença à parler de Marcus puis s'interrompit net. Il haussa légèrement un sourcil. Quoi, Marcus ? Alec eut tout l'air apeuré et sembla supplier silencieusement sa sœur du regard.

Jane - « Il nous racontait des histoires... Vu son âge, il en connaît pas mal. Il nous a raconté la naissance du clan, une fois, et comment il avait rencontré Aro et Caïus. Parfois, il joue aussi à des jeux avec nous, mais c'est assez rare. »

Eléazar hésitait entre le rire et l'ébahissement. Incroyable ! Il ignorait complètement qu'il arrivait à Marcus de se réveiller, surtout pour endosser le rôle du papa, ou papi, poule. Il s'imagina les jumeaux en pyjama, chacun dans dans leur lit, avec Marcus entre eux deux, assis sur une chaise à leur lire une histoire. L'image lui arracha un gloussement nerveux et il plaqua une main sur sa bouche, voulant éviter de vexer les enfants. Qui aurait cru ça ? Il était ébahi de voir que Jane l'avait avoué, aussi simplement.

Jane - « Bref... Autrement, on s'occupe à des trucs un peu plus... Privés, on va dire. Alec, est-ce que tu veux parler de tes... »

Eléazar plissa les yeux lorsqu'Alec blêmit puis secoua nerveusement la tête. Sujet sensible ? De ses quoi ? Intrigué, il se creusa la tête, cherchant à savoir ce qui pouvait bien être si secret et si inavouable pour mettre le garçon dans un tel état. Étrangement, Jane avait l'air gênée et peinée. Ce n'était pas quelque chose de simple, visiblement, et sans doute lourd à porter pour les deux enfants. Alec prit tout à coup une grande inspiration, bien que cela lui fut complètement inutile. Eléazar devina sa réponse avant même qu'il n'ouvre la bouche. C'était non.

Alec - « Jane, écoute, plus tard, d'accord ? Ou pas... De toute façon, j'ai tout laissé à Volterra. »

Qu'avait-il laissé ? De quoi s'agissait-il ? Eléazar se leva, retenant un soupir. Il savait bien que ces deux-là n'avaient même pas dû raconter la moitié de ce qu'ils faisaient, mais c'était déjà un très bon début. Jane aussi commençait à plus parler, même si c'était laborieux. Alec avait l'air nerveux et paniqué, mais il tenta de retrouver son calme. C'était assez drôle de le voir ainsi, lui qui avait toujours su garder le contrôle de ses émotions.

Alec - « Pourquoi nous demander ça ? »

Il sourit doucement. Il était très content que ses sœurs aient changés d'attitude et que les gamins se décident à jouer le jeu. On allait y arriver, si ça continuait comme ça ! Enfin, il valait mieux ne pas crier victoire trop vite. Les deux gamins étaient sur leurs gardes et très méfiants, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Il s'avança, jetant un coup d’œil à ses sœurs pour les remercier.

« - C'est tout simplement pour qu'on puisse mieux se connaître... Il faut que vous appreniez à vous ouvrir aux autres, vous savez. »

Kate - « Que faisiez-vous lorsque vous aviez du temps libre, si je puis me permettre ? »

Tanya jeta un coup d'oeil à sa petite soeur. elle s'y prenait beaucoup mieux pour paraître aimable, ou du moins courtoise. Cependant, sa question était aussi directe, et même plus. Les jumeaux semblaient abasourdis, et elle contint son agacement. Ils avaient des raisons, d'accord, mais bon... Elle étudia leur expression, persuadée qu'ils allaient refuser de répondre. Eléazar avait l'air tout à fait choqué, bien qu'il se reprit très vite. La tête de Jane était comique. On aurait dit qu'elle venait de tomber dans un piège terrifiant et était incapable de s'en sortir. Bizarrement, son frère n'avait pas l'air de vouloir l'aider, il se contentait d'attendre, un léger sourire aux lèvres. Elle aurait plutôt cru qu'il allait voler à son secours, ou qu'ils envoient balader Kate.

Jane - Bon... On restait souvent seuls tous les deux. On lit beaucoup, et on on étudiait la plupart des langues parlées en Europe et dans certaines régions du monde, où l'on se rendait souvent. Donc l'Italien, l'Anglais, le Français, l'Allemand... On s'entraînait avec Démétri et Félix lors des périodes plus calmes. De temps en temps, Marcus passait du temps avec nous, pour...

Pour ? Elle haussa un sourcil, curieuse malgré tout. Pour quoi ? Que faisait donc faire Marcus là-dedans ? Alec ferma tout à coup les yeux, ce qui l'intrigua encore plus. Que cachait donc ces "chers enfants" ? Elle eut la réponse lorsque Jane conclut sa phrase. Et faillit bien en tomber sur les fesses. Avant de retenir de justesse un éclat de rire. Marcus ! Leur racontant des histoires ! Elle bloqua sa respiration afin de retinir tout gloussement intempestif. Inutile de tenter le diable. Eléazar lui-même craqua et laissa échapper un gloussement, avant de mettre sa main sur sa bouche. Elle ferma les yeux un bref instant pour se concentrer, mais les images illustrant ces aveux et envahissant son cerveau ne l'aidaient pas du tout. Marcus avec un gros livre, au coin du feu, avec les deux ados... Elle rouvrit les yeux, mettant comme Eléazar une main sur sa bouche pour cacher son sourire moqueur. Du calme. Du calme...

Jane - Bref... Autrement, on s'occupe à des trucs un peu plus... Privés, on va dire. Alec, est-ce que tu veux parler de tes..

Le ton de sa voix la dérouta suffisemment pour qu'elle puisse retrouver son sérieux. Le frère avait tout à coup l'air un peu paniqué. A moins qu'il n'ait peur... Il blêmit brusquement, ce qui était impressionnant au vu du teint déjà très pâle de sa peau. Allons bon, que lui arrivait-il ? Elle était fatiguée que les jumeaux s'expriment quasiment toujours par énigmes lorsqu'ils parlaient entre eux, ou parfois à Eléazar. Serait-ce si dur de parler clairement ? Ou au moins leur expliquer. Elle ne les comprenait pas, et s'arrachait les cheveux à l'idée qu'il fallait pourtant le faire si elle voulait aider Eléazar, et pas briser ses efforts, comme il le lui avait dit dans le parc National. Alec répondit d'un ... peiné (?) à sa jumelle. Là, c'était officiel, elle était incapable d'entrer dans le mode de pensées de ces deux-là, c'était beaucoup trop obscur pour elle. Elle poussa un profond soupir, se promettant tout de même d'essayer. Il le fallait ! C'était l'avenir d'Eléazar et de Carmen qui étaient en jeu. Sans compter que s'ils réussissaient, ce serait un beau pied de nez adressé au chef arriviste des Italiens, idée qui la mit en joie.

Alec - « Pourquoi nous demander ça ? »

Eléazar s'avança, leur jetant un coup d'oeil au passage avec un léger hochement de tête. Il avait l'air un peu plus heureux qu'avant... Peut-être parce que les deux gosses avaient faits l'effort de parler un petit peu ?

Eléazar « - C'est tout simplement pour qu'on puisse mieux se connaître... Il faut que vous appreniez à vous ouvrir aux autres, vous savez. »

Elle ne put s'empêcher d'hocher la tête. Exactement ! S'ils parlaient d'eux-mêmes, ça lui évitera de se coller une migraine en essayant de déchiffrer leurs expressions ou le peu de phrases qu'ils daignaient lâcher spontanément. Tiens, au fait, elle ne savait pas que les vampires pouvaient avoir la migraine, c'était une découverte... A moins que seuls les vampires végétariens étaient assez "humains" pour avoir mal à la tête et pas les autres... Il faudra qu'elle en parle à Carlisle, à l'occasion. Elle soupira, se demandant si c'était vraiment possible. Tout à coup, une explosion se fit entendre au loin, suivie presque aussitôt d'un très grand bruit, comme si une montagne venait de s'écrouler ! Tout le monde se pétrifia. Il se passa quelques minutes avant qu'une odeur ne vienne les envelopper. Une odeur... Lourde, envoûtante...

Du sang...

Elle rouvrit brusquement les yeux. Non. Non, non, non ! En un bond, elle fut derrière Jane, lui serra la taille par un bras, puis plaqua son autre main sur son nez. Elle cria à Eléazar de s'occuper d'Alec, la même chose et vite. Elle sentiait la garde Volturi se tendre dans ses bras, et un grognement sortit. Tanya resserra sa prise et se pencha, près de l'oreille de Jane.

- Tu vas m'écouter. Retiens ta respiration tout de suite ! Ferme les yeux, bloque ton souffle, et écoute-moi. Ferme les yeux... Voilà. Ecoute-moi.

Elle pressa Eléazar du regard pour qu'il l'imite. Elle savait qu'il se contrôlait bien, mais s'il devait comme eux souffrir le martyr ! Elle-même avait la gorge en feu, et luttait comme une dingue pour ne pas succomber. Elle serrait avec force Jane contre elle, lui maintenant une main sur le nez. Elle revint sur ses soeurs et Carmen, et leur sortit un peu sèchement :

- Même chose ! Bloquez votre souffle immédiatement ! Vite !

S'assurant à peine d'être obéie, elle souleva carrément Jane dans ses bras, intimant à Eléazar de faire de même, puis leur jeta de sortir et de courir. Loin. Et vite. Elle fit passer ses soeurs devant elle puis s'élança. L'air pur des montagnes mit un moment avant de chasser l'odeur envahissante et entêtante. Ils coururent tous néanmoins, Tanya surveillant sans cesse que personne ne craque. Elle répétait aux jumeaux de ne pas ouvrir les yeux. Jane tremblait, elle le sentait... L'urgence était telle qu'elle n'était même plus gênée de l'avoir dans les bras. Elle continua à pousser toute sa famille en avant, veillant à ce que personne ne veuille retourner en arrière. Ils finirent par quitter l'Alaska et bien s'engager dans la région suivante avant qu'elle ne stoppe. Ils faudraient qu'ils chassent tous d'urgence... Elle reposa Jane à terre, la tenant toujours par les épaules.

- Vous allez bien, tous ?

On avançait. Très doucement, mais on avançait. Restons optimistes. Tanya hocha la tête, les yeux curieusements brillants. elle aussi, sans aucun doute, avait dû trouver comique les aveux de Jane au sujet de Marcus. En même temps... Il retint un sourire, ne voulant pas vexer ses protégés; en revanche, il était curieux de savoir ce qu'Alec cachait. Il ne pouvait le forcer à parler, de toute manière. Chacun ses secrets, et il était déjà bien qu'ils parlent. Il planifiait déjà la suite du programme. Il repartirait chasser avec eux dès le lendemain, il le fallait. Leurs yeux oscillaient entre le noir et le rouge. Puis leur trouver un endroit à eux dans le chalet, qu'ils aient un peu d'intimité. Eléazar pensait transformer le petit salon de leurs appartements, à lui et Carmen, en chambre. De façon aussi à les garder à l'oeil.

Il entendit tout à coup un bruit plus qu'inquiétant, lourd et sonore, et sentit nettement la terre trembler; il sursauta et se pétrifia. Plus personne ne bougeait, interloqués, se demandant ce qui se passait. Il se passa au moins plusieurs minutes avant qu'une odeur ne se glisse jusqu'à eux. une odeur que chacun ici ne connaissait que trop bien. Sa gorge se mit à le brûler férocement et il se raidit. Tanya réagit au quart de tour. En une seconde, elle fut derrière Jane, l'emprisonnant dans ses bras et lui mettant une main sur le nez. Elle lui cria de s'occuper d'Alec. Il fonça à son tour derrière le garçon, lui bloquant les bras et tâchant de lui couper l'odorat. Il sentit le garçon se tendre contre lui, dans un mouvement qui ressemblait presque à un spasme. Tanya se pencha, murmurant à l'oreille de Jane :

Tanya - Tu vas m'écouter. Retiens ta respiration tout de suite ! Ferme les yeux, bloque ton souffle, et écoute-moi. Ferme les yeux... Voilà. Ecoute-moi.

Il l'imita, resserant sa prise sur Alec. Il ignorait ce qui s'était passé exactement mais ce devait être grave. Il avait la gorge en feu, et ne savait pas ce qui le retenait. Une soif terrible... Il jeta un coup d'oeil inquiet à sa femme, Irina et Kate. Toutes trois avaient les yeux noirs, tout comme eux. Tanya regarda à son tour ses soeurs.

Tanya - Même chose ! Bloquez votre souffle immédiatement ! Vite !

Son ton était très sec, mais ce n'était pas le moment de faire dans la dentelle. Il fallait filer d'ici et vite ! L'odeur était absolument partout, imprégnant chaque centimètres carrés du chalet. Il retenait son souffle, sachant que s'il se relâchait, il ne pourrait plus se contrôler. Tanya leur cria de sortir et de courir. Elle souleva tout à coup Jane dans ses bras, lui ordonnant de l'imiter. il eut un temps d'arrêt, stupéfait, puis crocheta Alec par la taille pour le soulever et le caler contre lui. C'était sans doute mieux ainsi, en effet, plus facile que de traîner les jumeaux. Tanya fit passer tout le monde avant elle et ils se mirent à courir, dans la direction à celle d'où venait l'odeur. Alec s'accrochait à son cou, les yeux fermés, la respiration coupée. Eléazar avait peur que Carmen, Kate ou Irina ne craque et ne retourne en arrière, mais aucune ne le fit, le Ciel soit loué. Il ne sut combien de temps ils filèrent ainsi dans ces paysages enneigés et montagneux, mais longtemps. Assez longtemps pour retrouver un air tout à fait pur. Ils s'arrêtèrent dans une petite combe, près d'un torrent au milieu d'une forêt. La nuit était totale à présent. Tanya reposa Jane à terre mais lui tenant toujours les épaules. Lui-même remit Alec sur ses pieds.

Tanya - Vous allez bien, tous ?

Il hocha lentement la tête. Voilà bien des moments où votre véritable nature vous revenaient en pleine face, et ça faisait très mal. Il observa les membres de sa famille, leurs expressions. Tout le monde était sonné, ce qui était facilement compréhensible. En tout cas, la situation était brillante ! Chassés de chez eux, nulle part où aller, avec les deux gosses en sevrage. Brillant. Vraiment brillant. Quoi de mieux, en effet, pour bien débuter ces deux ans ? A croire qu'on s'était ligués pour le faire échouer. Il poussa un profond soupir.

- On devrait retourner chasser, on en a tous besoin. Ensuite... Et bien, on n'aura plus qu'à attendre quelque part, le temps que l'odeur disparaisse du chalet.

Il récupéra Jane et garda les enfants bien près de lui durant leur chasse. Tanya avait bien réagie, en tout cas. Maîtriser d'abord les jumeaux puis tous les pousser à filer, c'était exactement ce qu'il fallait faire ! Il se demandait ce qui avait bien pu se passer... Vu le bruit et l'endroit, c'était peut-être un crash d'avion. Ce qui expliquerait aussi l'odeur si lourde. Il eut une pensée pour les victimes et grimaça.

Il se demandait où aller à présent. L'idée l'effleura d'aller demander asile aux Cullen, mais ce n'était pas une bonne idée. Leurs cousins de Whasington risquaient de tiquer en voyant les jumeaux avec eux. Et puis, aller les embêter alors que Bella était toujours humaine... Non, vraiment pas. Après la chasse, ils se remirent en route, sans trop savoir où aller. Tanya prit la tête du groupe, et ils suivirent. Les jumeaux restaient près de lui, évoluant à ses côtés. il aimait bien s'occuper "d'enfants" comme eux, même si l'un comme l'autre avaient largement dépassés la barre des trois cents ans.