Le fruit damné d'un arbre maudit ...

Tout s'accélérait, tout avançait ... A croire que ce qui se produisait depuis l'accident de Forks n'était qu'une série de mauvais coups ... A croire que la vie n'aimait pas les membres de la famille de Mont. Tout s'accélérait, tout avançait ... A croire que l'éternité ne voulait pas non plus accordé le bonheur à cette fille issu de la haine, de la violence des mots. Cette enfant, fruit damné d'un arbre pourrit jusqu'à la racine. Cette enfant, fruit pourrit d'un arbre damné depuis toujours ... Tout s'accélérait, tout avançait si vite ... A croire que même le temps faisait payer le prix du sang de Marie-Emmanuelle.

Cette vie qui s'ouvrait devant Marie-Emmanuelle n'était que le fruit d'une mauvaise estimation, que le fruit d'un mauvais pari d'une personne. Pouvait-on vraiment sortir de la damnation une personne qui y avait été condamné dès sa naissance ... Pouvait-on vraiment arracher aux ténèbres de l'enfer, une enfant qui y avait sa place réservée depuis que le sang de ses ancêtres avait trahi la France ...

Tout ce qui s'était déroulé depuis la naissance puis la renaissance de Marie-Emmanuelle Denali n'avait été que prémices de ce qui se déroulait à ce moment donné. Cette fugue improvisée était devenue le talon d'Achille de cette enfant aimée de sa mère d'adoption, détesté de sa mère-biologique et haïe des dieux de ce monde.

L'enchevêtrement des évènements avait amené l'enfant à devoir maintenant commettre l'impardonnable. Marie n'avait maintenant plus le choix, son aïeul avait décidé de l'emmener dans la demeure familiale. Mya avait décidé de faire mourir les membres de sa propre famille par la dernière descendante, par la dernière graine pouvait transmettre le patrimoine de la famille royale française. Marie-Emmanuelle allait commettre le meurtre le plus horrible que les sociétés avaient pu connaitre. Le parricide qui allait avoir lieu allait continuer de briser mentalement l'enfant vampire.

Cette dernière, qui n'avait déjà plus gout à la vie, allait agrandir la sentence de son âme déjà condamné à la damnation éternelle. Marie-Emmanuelle allait devenir un montre aux yeux du monde, aux yeux de ses pairs, aux yeux de sa famille d'adoption, à ses propres yeux.

Cette enfant avait donc prit la direction de la demeure familiale. Ce lieu, qui l'avait vu grandir sous la haine familiale, allait la voir planter ce pieu mortel qu'était le meurtre de ses parents dans son coeur. Marie avait beau haïr les deux personnes qui lui avaient donné la vie. Les paroles qu'avait prononcées Mya étaient comme la cigüe qui venait achever Socrate, comme le poison qui venait tuer l'innocent.

Il ne fallut pas longtemps, après le départ des deux immortelles de la demeure de Mya, pour apercevoir devant eux le lieu du crime. Le lieu du délit. Marie combattait mentalement pour ne pas sombrer dans les plus grandes noirceurs de son âme. Mais cela était peine perdue ...

Tout s'accélérait, tout avançait ... A croire que le temps ne voulait pas laisser l'enfant se préparer. A croire que la vie voulait achever cette erreur de la nature qu'était la naissance de Marie-Emmanuelle. Tout s'accélérait, tout avançait à une telle vitesse, que le monde lui-même devait avoir juré de prêter main forte à Mya pour exécuter la condamnation de la famille de Mont ... Aucun récompense n'attendait dans l'au-delà les personnes qui avaient osé perpétrer le meurtre d'un membre de leur famille. Aucune récompense n'attendait l'être coupable du parricide, cet homicide ultime. Marie-Emmanuelle avait beau avoir toutes les raisons du monde. Elle n'arrivait toujours pas à accepter ce que sa tortionnaire exigeait d'elle. Qu'allait-il se passer ensuite ? Comment réagirait les Dénali ? Comment réagirait Tanya ? Allait-elle encore accepté cette enfant, ce fruit pourri d'un arbre damné ?

Les deux hémovores approchaient à pas lent de la porte d'entrée de la scène du crime. Toute l'enfance de Marie-Emmanuelle repassait devant elle. L'enfant ne tenait plus sur ses jambes, toute volonté était en train de la quitter ... Elle n'était pas prête pour ce qui allait se passer. Mais la vie ne lui laissait pas le choix. Elle allait devoir commettre un acte que l'on ne pouvait nommer à voix haute. Ce fruit maudit d'un arbre pourri allait tomber au sol, privé de l'apport du peu de nutriment qui lui permettait de vivre, de survivre.

Tout s'accélérait, tout avançait ... A croire que la nature ne voulait pas non plus égayé ce jour maudit. A croire que même ce jour maudit avait le désir d'arracher le coeur de Marie-Emmanuelle. Ce joyaux d'innocence, qui s'était arrêté quelques semaines auparavant, était lui-même complice du parricide. Tout s'accélérait, tout avançait la vie de l'enfant était sur le point de se finir. La vie de l'adulte n'allait jamais commencé ... A croire que c'était l'éternité même qui plantait le poignard dans le coeur de l'enfant-vampire.

La porte de la maison s'ouvrit. Une femme, ressemblant étrangement à la futur meurtrière, était dans l'embrasure de la porte ... Un simple mot sorti de la bouche de Marie-Emmanuelle.

Marie-Em : « Mère ... »

Et le temps s'arrêta. Cette fois la vie avait décidé de ralentir. Cette fois il importait que chaque seconde devienne une heure, un an, un siècle ... Ces moments allaient devenir la faiblesse de la jeune immortelle. Même Œdipe avait voulu payer le crime qu'il avait commit et avait fini par accepter la douceur de la mort ... Punition ultime pour crime ultime ... Mais la vie n'avait pas décidé ainsi. L'immortalité serait trop courte pour faire payer à Marie sa naissance ... L'éternité serait trop courte ... Le temps allait devoir s'arrêter.

Cette femme rappelait à la fille adoptive de Tanya toutes les noirceurs de sa vie ... Cette femme était un peu Satan venant tenté le pauvre Job. La vue de sa génitrice plongeait l'immortel dans les profondeurs du désespoir. C'était comme si Marie-Emmanuelle se situait dans le fond d'un puits où le temps n'avait plus prise. Il était temps de laisser tomber à terre ce fruit pourrit. La moisissure qui habitait cette prunelle d'innocence devenait de plus en plus nauséabonde.

Le temps n'accélérait plus, la vie n'avançait plus ... A croire que les dieux de ce monde avaient choisi de faire trainer en longueur le châtiment qui incombait à l'enfant-vampire. Le temps n'accélérait plus, la vie n'avançait plus ... A croire qu'on venait de mettre sur pause le magnétoscope de la vie de Marie-Emmanuelle. Et que l'on attendait que l'enfant tombe encore plus profond dans le cercle vicieux de la dépression.

Ce fruit pourri d'un arbre maudit ne devait donc pas avoir le droit de goûter au bonheur. Ce fruit damné d'un arbre pourrit jusqu'à la racine méritait simplement le feu de la damnation éternelle. Il était donc maintenant temps que Marie accepte son châtiment. Elle serait celle qui mettrait fin au cycle mortifère de la ligné des rois de France. Il était maintenant temps de laisser le temps reprendre son cours normal. Il était maintenant temps de rejoindre les abîmes du monde. Après tout, qui conservait l'ivraie ? Qui conserverait l'impure dans ce monde ?

Tanya allait devoir accepter de se séparer de ce fruit maudit qu'était l'enfant qu'elle avait adopté. La garder serait une folie. Personne ne devrait perdre sa vie pour sauver celle d'un enfant qui n'a jamais mérité de vivre de son vivant ... Marie-Emmanuelle Denali était un fardeau de trop dans ce monde. Elle était comme le caillou au fond de la chaussure que l'on enlève à tout prix afin d'éviter de souffrir le martyr ... Le temps apportait la condamnation de l'enfant sur un plateau, comme pour exhiber à la vue de tous, les bas-fonds de l'âme humaine, comme pour exhiber à à la vue de tous, l'hémorragie que subissait le fruit damné d'un arbre maudit ...

Est-ce qu'un vampire pouvait mourir d'inquiétude ?

Cette question tournait en boucle dans l'esprit de Tanya depuis une bonne heure déjà. Pouvait-elle succomber à une attaque à force de s'inquiéter ? C'était très peu probable... Voir impossible. Mais les faits étaient là ! Pire que la culpabilité d'avoir laissé Emma se faire piéger, elle était littéralement dévorée par la peur de la perdre. Elle ne pouvait s'imaginer la nouvelle-née morte pour de bon, cela la rendait complètement folle ! Et dire que tout se serait bien passé si sa fille n'avait pas décidé de fuguer... L'énervement prit un instant la place de la tristesse. Elle AVAIT FUGUÉE !! FUGUÉE ! MAIS FUGUÉE QUOI !! Elle n'en revenait toujours pas. Pourquoi ne lui avait-elle PARLÉE, plutôt ? C'était si difficile que ça de se confier ?! Au moins à elle ? Elle ne lui faisait pas assez confiance ?!

Elle tournait en rond, énervant Eléazar, les jumeaux, Kate, et même Carmen. Comment faire, comment faire, comment faire, comment faire... Elle usait ses chaussures à force d'effectuer des allers et retours, surveillant inlassablement le manoir où vivait la famille humaine de Marie-Emmanuelle, les De Mont. Elle poussa un profond soupir et recommença ses allées et venus, sans ralentir une seule seconde. Eléazar finit par siffler d'un air exaspéré, et elle se força à rester tranquille un instant. Un instant qui dû durer en tout et pour tout trente secondes, puis elle recommença à s'agiter.

En plus de mille ans d'existence, elle n'avait absolument jamais éprouvé le désir maternel, l'envie de voir un enfant lui témoigner de l'amour, l'envie d'un être plus jeune à aimer et protéger. Elle avait découvert tout cela assez brutalement, et d'une manière très intense. Un besoin étrange et fascinant. Mais elle avait fugué... Elle soupira à nouveau, puis sursauta tout à coup.

Tanya - Ça y est ! cria-t-elle.

Sans même attendre les autres, elle s'élança, Eléazar courant tout près d'elle. Mya était là, Marie-Emmanuelle à côté d'elle, et une femme humaine se tenait à l’embrasure de la porte. Eléazar se plaça devant Mya, dans une posture défensive, et Tanya tira brusquement Marie-Emmanuelle, sans se préoccuper de l'humaine qui devait être sa mère biologique, puis la serra dans ses bras à l'en étouffer, tremblante, la plaquant contre son coeur. Kate et Eléazar tenaient Mya en respect pour le moment, et Jane semblait éprouver une furieuse envie de massacrer la nomade sur-place.

Tanya - C'est bon, ma chérie, murmura-t-elle pour Emma. C'est bon, je suis là, tu n'as plus rien à craindre.

Elle lui hurlerait dessus pour sa fugue plus tard. Elle lui frotta doucement le dos pour la réconforter et soupira légèrement.

Le temps venait de s’arrêter, Marie avait sa mère en face d’elle. Les pires moments de son enfance parcouraient l’esprit de la gamine. A croire que le temps voulait lui rappeler la douleur que fut sa vie, à croire que le temps voulait laisser le temps à Tanya de débarquer pour admirer le parricide de sa nouvelle enfant. Ce fut d’ailleurs ce qui se produit. La Denali arriva en courant, serra sa fille dans ses bras, comme pour l’entourer d’une chaleur humaine, d’un peu d’amour.

Cet acte de sa nouvelle mère rappela à la nouvelle née tout ce qui lui avait manqué au cours de son enfance. Une immense douleur s’empara de l’âme de l’enfant. Une douleur couplée à une haine encore plus immense de sa famille.

Le temps reprit une accélération soudaine, à croire que la vie ne l’aimait plus, à croire que le destin voulait que Marie achève ce qu’elle avait commencé en se rendant en France. La petite, toujours soumise à une douleur encore plus importante, à une haine encore plus puissante. L’enfant perdait de plus en plus le contrôle de sa vie, de son corps. L’enfant ne savait plus à quoi se raccrocher.

Sans réfléchir, Marie-Emmanuelle se dégagea de l’étreinte de sa mère et sauta au cou de sa génitrice. L’enfant porta ses crocs sur le corps de l’être qui lui avait donné la vie. Puis, quelques centièmes de seconde plus tard, elle les planta, arrachant une partie de la peau de cette dernière, et lui volant le liquide rouge qui servait à faire vivre son corps d’humaine.

Le temps se mit de nouveau à ralentir, à croire que ce dernier voulait faire comprendre au monde l’horreur de l’acte qui venait d’être commis, à croire que ce dernier voulait marquer cet instant dans l’esprit de la nouvelle née. Le temps se mit de nouveau à ralentir, un peu à l’image d’un résumé fait à la télévision. Résumé qui permettait au spectateur de mieux comprendre l’action qui venait de se produire.

La vampire lâcha alors le corps sans vie de sa mère biologique en le lançant sans s’en rendre compte dans les bras de Tanya … Marie courut alors dans la maison à la recherche de son père qu’elle trouva comme à son habitude devant la cheminée en train de lire son habituel journal.

Le parricide allait arriver à son apogée. Le meurtre de ses parents allait conduire Marie-Emmanuelle encore plus profondément dans la déprime qui habitait son corps. Personne ne savait vraiment en cet instant si la petite allait pouvoir sortir de cela. La destinée, les dieux, mettez qui voulez à cette endroit, voulait que Marie-Emmanuelle devienne un rebut de la société du monde … Cette enfant, fruit maudit d’un arbre damné, ne savait plus vraiment discerner le bien du mal, le bon du mauvais … Elle laissait simplement aller sa haine et sa tristesse dans son cœur. Deux sentiments la conduisant à la destruction totale de son âme.

Marie-Emmanuelle regarda longuement son père, lui sauta au cou et lui arracha les bras. Le cri de douleur que l’homme émit ramena Marie à la réalité. Cette dernière, avant de comprendre, finit son travail en arrachant la tête de son géniteur. Puis sa conscience s’éveilla ...

Le cœur, l’âme de l’enfant était déchiré, Marie ne savait plus à quoi s’en tenir. Le temps, les dieux, la destiné venait de se jouer de son âme. Le temps, les dieux, la destiné venait de broyer le cœur de cette enfant maudit des dieux, maudit des hommes, maudit de sa famille, maudit simplement.

Marie-Em: "- Qu'ai-je fait ?!"

Marie prit alors la fuite, ne sachant plus trop où elle était. Si cette enfant avait encore put émettre du liquide lacrymale, ses yeux en serrait plein. Si l’enfant avait pu encore se tuer, elle l’aurait fait sur le champ. Sa vie n’avait plus de goût à ses yeux, elle ne voulait plus s’accrocher à rien.

Le temps, les dieux, la destiné, le monde, ses parents venaient de broyer, mutiler, détruire, incendier, damner ce fruit pourri d’un arbre maudit.