Une façon de tout recommencer

Edward était complètement sonné, et il se doutait que Alice devait être dans le même état. Tout cela, elle l'avait vu, inexorablement, elle l'avait vu arriver. Et lui avait tout suivit dans ses pensées, il savait que tout allait arriver ! Mais ils n'avaient rien dit, par crainte de bouleverser quelque chose d'important, ou parce que tout pouvait être modifié au dernier moment. Mais non, cela s'était réellement passé... Tout s'était passé. Et lorsque son père était revenu pour tout expliquer, Edward avait simplement baissé la tête en lisant ses pensées. Il avait beau savoir ce que Carlisle allait dire, les images qui allaient avec n'en étaient pas moins choquante. La douleur de cette nouvelle transformation avait l'air aussi terrible que la douleur qui vous faisait devenir un vampire.

Cependant... Un remède au vampirisme... Il y réfléchissait depuis un moment, quand les autres étaient occupés, n'osant y croire avant que tout se concrétise, que tout ne se passe. Pouvoir redevenir humain, grandir, vieillir, avoir une vie normale ? Il l'avait tant souhaité, si fort, avec tellement de passion ! Et pourtant, aujourd'hui, il était terrorisé. Voilà plus d'un siècle qu'il était vampire. Il avait tout ou presque oublié de sa vie humaine. Il ne savait plus comment dormir ou manger, gérer des sentiments, être fatigué, ni rien. Il était blotti dans le canapé de la chambre qu'il partageait avec Bella, pensif. Humain. Et Bella, humaine... Il l'entendit monter, mais ne put bouger lorsqu'elle entra dans la chambre à son tour. Il se contenta de lui jeter un regard un peu perdu puis de tendre la main lorsqu'elle s'approcha, essayant d'ignorer la maladie qui le poussait à se coucher par terre, une main sur les yeux, et à ne plus bouger. Il se contint cependant, retenant un soupir. Elle vint s'installer à côté de lui pour se blottir dans ses bras.

Bella – Je sais que tu as peur, toi aussi... Mais on y arrivera. Je t'aiderai comme tu m'as aidée pour évoluer dans ce monde.

Elle souriait, mais il réussit plutôt à faire une grimace en guise de réponse. Oui, il avait peur, mais pas seulement peur de ce changement. Peur de tout ce que ça allait engendrer ! Il ignorait si Bella l'avait déjà réalisé, mais ce n'était pas simplement redevenir humains. Tout ce qui en découlait avait de quoi terrorisé. Et qu'allait choisir Carlisle ?

– Ce n'est pas être humain qui m'effraie le plus, mais... De perdre tous nos repères. On ne sera plus un clan, Bella... On ne vivra plus ensemble, sous le même toit. Au début, oui, mais ensuite, chacun de nous partira à la fac, s'installera en couple, nous...

Ils allaient être séparés, fatalement, et même si leurs liens resteront plus serrés que ceux d'une famille ordinaire, ils ne vivront plus ensemble, jamais. Ils ne seront plus un clan soudé et allié pour l'éternité. Ils seront une large famille humaine, et là, le temps pourra enfin faire son œuvre, agir. Le temps pourra les éloigner et les rapprocher les uns des autres selon les circonstances. Ils se retrouveront après le travail, lors des fêtes ou anniversaires, mais ce ne sera plus jamais comme avant. Il y aura des naissances, aussi... Rose allait pouvoir réaliser son rêve le plus cher.

Bella – Parce que tu crois que plus de cent ans de vie commune vont s'oublier comme ça ? Oui... Oui, on ne sera plus tous aussi... proches. Mais on ne s'oubliera pas pour autant, et on restera dans le même état. Je pense, du moins...

Lui espérait. Il espérait très fortement. Il s'affaissa un peu plus dans le canapé, puis eut un sourire bizarre. Une image très étrange venait de lui arriver en tête, à la fois tendre et un peu effrayante. Peut-être réagissait-il comme un parfait gamin immature, sur ce coup-ci. Mais la situation était si étrange et assommante qu'il n'arrivait pas à faire autrement. Sa langue fonctionnait avant que les informations parviennent au cerveau, ce qui le fit balancer sa question sans réfléchir avant, suivant simplement son cœur.

– Tu imagines Carlisle et Esmée avoir un bébé ?

Sa femme resta silencieuse, très longtemps, imaginant aussi la scène, sans aucun doute. Elle avait l'air un peu choqué, ce qui le fit sourire. Il avait du mal à imaginer son père avec un bébé dans les bras, même s'il y parvenait sans peine avec Esmée. Elle était si maternelle qu'on ne pouvait la voir autrement qu'avec un enfant ou un bébé près d'elle. Tout comme Rosalie, d'ailleurs.

Bella – Je crois que ce sera le bébé le plus heureux du Monde... Ils seront très... Pires que nous.

Surprotecteurs ? Oh ça oui, et pas qu'un peu. Il ferma les yeux pour supporter un nouvel élan de son mal de tête, grimaçant. Il y avait autre chose... Encore autre chose. Il se remit correctement, tout en gardant Bella contre lui. il se sentait très engourdi, la maladie commençait à avoir raison de ses membres. Il soupira, lui caressant le nuque en petits cercles. Il voulait la détendre, lui donner le sourire, faire en sorte qu'elle prenne la vie du bon côté. Il voulait qu'elle se sente du mieux possible, qu'elle soit soulagée.

– J'ai vu les jumeaux dans l'esprit de papa... Ils ont les yeux bleus. Bleus clairs.

Bella se redressa d'un seul coup, le faisant brusquement sursauter. Elle le fixa, alors qu'il se demandait ce qu'il avait bien pu dire pour la choquer comme ça. Il avait sorti quelque chose de mal ? Elle avait eu mal ? Il la regarda sous toutes les coutures, pour vérifier, très inquiet à présent.

Bella – Bleus ?! Ils sont... Ils sont humains ?

– Et bien, oui... Ils ont servis de cobayes, si tu veux, et c'est en faisant avaler le produit à Alec que Aro a vu avec Carlisle qu'il était de nouveau humain. Lui, ça l'a un peu... Choqué.

Un peu, le mot était faible ! Il en avait frôlé le traumatisme, lui, d'après ce que Edward avait vu dans les pensées de Carlisle. Lui et sa sœur devaient être en train de se reposer, à cette terre. Il les imagina dormir, et bien malgré lui, l'image le fit fondre. Bella se reposa de nouveau contre lui, et il referma les bras sur elle.

Bella – Ce n'est pas étonnant... Les jumeaux... humains...

– On va les revoir très vite. Aro a demandé à papa s'il pouvait les garder, le temps qu'ils grandissent, car ils mourraient à Volterra...

Avec Caïus, le danger était très grand, en effet. Et puis, deux enfants humains dans un château rempli de vampires, c'était tout sauf sérieux. Un accident pouvait trop vite arriver, et vu le caractère des jumeaux, ils risquaient de ne pas survivre longtemps. Surtout Alec. Plus fragiles, maintenant, ils ne survivraient pas deux jours en Italie !

– On va tous pouvoir vieillir... J'ai vu que Nessie voulait être humaine aussi. Vu sa croissance, elle aura treize, quatorze ans. On va tous pouvoir prendre de l'âge, continuer... Tout ce qu'on a pu perdre...

Sa voix s'éteignit doucement sur la fin, puis il reprit, un peu plus fermement.

– Reprendre des études universitaires, aussi. que veux-tu faire, toi ?

Bella n’en croyait toujours pas ses oreilles, les paroles de Carlisle résonnant encore dans son esprit. Était-ce possible ? Les mots parvenaient difficilement à son cerveau, sa capacité à réfléchir étant franchement ralentie par la maladie. Elle avait commencé à paniquer en réalisant son incapacité à se nourrir seule, ayant refusé l’aide de Marcus dans un premier temps, puis accepté pour « montrer le bon exemple » à sa fille. Et puis, elle n’avait pas le choix, autant le dire platement… Il fallait juste tenir encore quelques jours. Encore un peu pour avoir le remède, elle avait confiance en Carlisle. Et Bella avait eu raison.

Revoyant la scène inlassablement dans son esprit, la jeune mère se repassait les explications de Carlisle en boucle, essayant de distinguer une nuance de plaisanterie, de farce, de « Je vous ai bien eu ! » mais non. En plus, avec Rosalie dans le coin, ce n’était pas une bonne idée… Et l’expression de son beau-père avait suffi à la convaincre. Mais les conditions… Les choses à faire pour pouvoir redevenir humain… Bella, elle, n’avait pas spécialement plus envie que cela de redevenir humaine, ayant choisi d’être vampire. Mais si Edward le voulait, elle suivrait. Et Edward le voulait. Avant même qu’ils n’aient à parler, elle le savait. Cependant, une discussion s’imposait, comme pour les autres Cullen. Si Bella n’avait pas perdu l’habitude, tout comme Ashley d’ailleurs, les autres étaient vampires depuis un siècle plus ou moins. S’il lui fallait un temps de réadaptation, à elle qui n’avait vécu qu’un an en tant que vampire, que serait-ce pour eux ?

Edward était déjà monté, ayant accusé le choc plus facilement que les autres – sans doute Alice avait-elle tout vu, donc lui aussi. Ce ne fut qu’après un long moment que Bella réalisa qu’elle était presque seule dans le salon, les autres étant partis en couple pour parler et mesurer les conséquences de ce remède. Un vague sentiment d’appréhension et de peur s’insinua en elle, sentiment qu’elle tenta de réprimer en montant les marches lentement. Très lentement. Il fallait qu’Edward et elle discutent, leur choix était évident mais… Si Edward était capable de faire tout cela, elle-même doutait. Tuer un humain… Perdre son don lui importait peu, même si cela risquait de changer pas mal ses habitudes. Mais, avec le temps, Edward avait appris à lire dans ses pensées d’une autre manière. Le seul détail est qu’elle serait plus fragile face à d’autres dons. Mais tuer un humain… Alors que Bella avait choisi de devenir vampire ?

Lorsqu’elle entra dans la chambre, Edward était blotti dans le canapé et n’avait pas esquissé le moindre geste en la voyant entrer. Il lui lança un regard que Bella avait rarement vu dans ses yeux : perdu, où l’on sentait percer la peur malgré son calme apparent. Elle-même essayait de rester calme, de garder un air convaincu et d’évacuer toute peur. Même si la pensée de l’humain à vider de son sang ne cessait de hanter son esprit… Contente qu’Edward ne puisse lire ses pensées, Bella s’approcha de lui, attrapant la main qu’il lui tendait, pour se blottir dans ses bras et pouvoir éviter de le regarder dans les yeux.

Bella – Je sais que tu as peur, toi aussi... Mais on y arrivera. Je t'aiderai comme tu m'as aidée pour évoluer dans ce monde.

Relevant la tête vers la fin de sa phrase, Bella sourit à Edward pour appuyer ses paroles, montrer qu’elle était sincère. Il l’avait aidée, et elle ne comptait pas le laisser tomber. S’il doutait de son choix de redevenir humaine avec lui, il était fixé par cette phrase et ne pourrait se défiler avec le seul prétexte du « Je ne veux pas t’abandonner » ou « Je ne veux pas que tu souffres à nouveau » ou dieu sait quoi d’autre. Et Nessie… Leur fille aurait une vie normale. Des parents un peu trop jeunes, certes, mais ils vieilliraient. Bien sûr, ils ignoraient son choix, mais il ne faisait aucun doute qu’elle veuille devenir humaine à part entière pour ne plus être « une moitié de » comme elle l’avait souvent répété.

Edward – Ce n'est pas être humain qui m'effraie le plus, mais... De perdre tous nos repères. On ne sera plus un clan, Bella... On ne vivra plus ensemble, sous le même toit. Au début, oui, mais ensuite, chacun de nous partira à la fac, s'installera en couple, nous...

Ferons ce que toute personne normale fait, une fois atteint un certain âge. D’ailleurs, n’était-ce pas lui qui avait remarqué leur grand nombre ? Trop grand pour vivre tous sous le même toit ? Même si ce remède n’avait pas été trouvé, ils auraient fini par se séparer. Par obligation.  Alors que, grâce à ce remède, ce serait en grosse partie par choix… Chacun avait besoin d’intimité après autant d’années de vie commune. Rosalie, Emmett et Ashley allaient sans doute partir très vite. Les seuls qui resteraient dans cette maison seraient, sans doute, Carlisle et Esmée… Mais cela ne changerait rien. Ils avaient vécu plus d’un siècle tous ensemble. Edward avait été élevé par Carlisle, jamais il ne romprait les liens qui les unissent.

Bella – Parce que tu crois que plus de cent ans de vie commune vont s'oublier comme ça ? Oui... Oui, on ne sera plus tous aussi... proches. Mais on ne s'oubliera pas pour autant, et on restera dans le même état. Je pense, du moins...

Son hésitation concernait surtout Jasper et Alice. Eux n’avaient pas été transformés par Carlisle, ils ne l’avaient rejoint qu’après si Bella avait bien retenu leur histoire. Alice elle-même ne se souvenait pas de sa vie humaine, ou très peu. Trop peu… En somme, tout serait décidé par le biais de Jasper. Et lui-même était-il capable de tuer un humain ? Le connaissant très peu, Bella était incapable de dire si lui voulait redevenir humain ou pas. Alice était bien du genre à s’en foutre complètement, mais Jasper ? Son mal de tête lui rappelant sa présence, la jeune vampire grimaça et cessa de penser à Alice et Jasper. Elle n’était pas dans son état normal, mieux valait éviter les situations qui pouvaient engendrer une migraine.

Edward – Tu imagines Carlisle et Esmée avoir un bébé ?

Bella ne répondit rien, lançant un regard légèrement inquiet à Edward très discrètement, comme pour vérifier que c’était bien lui qui avait parlé – et pour vérifier qu’il ne divaguait pas totalement. Mais non, il avait dit cela d’une voix normale… Ne voulant pas le vexer, Bella resta silencieuse un moment, imaginant la scène malgré elle. Carlisle, Esmée et un bébé s’agitant dans leurs bras. C’était bizarre. D’accord, ils étaient les parents adoptifs de tous les Cullen, mais… Un bébé ? Malgré leur statut de père et de mère, jamais Bella n’avait imaginé cela. Et l’imaginer à présent semblait irréel, comme tiré du temps, dans une autre dimension que la leur. Mais elle ne s’inquiétait pas pour autant. Après les avoir côtoyés durant deux ans, elle savait qu’ils seraient de bons parents. Peut-être un peu trop, d’ailleurs…

Bella – Je crois que ce sera le bébé le plus heureux du Monde... Ils seront très... Pires que nous.

Sachant qu’ils pouvaient les entendre, même s’ils ne les écoutaient pas, Bella s’était ravisée au dernier moment pour changer de mot. Dire qu’ils étaient trop surprotecteurs, ou incroyablement « mère et père-poule » n’était peut-être pas une bonne idée. Eux-mêmes étaient déjà des parents protecteurs, et Bella le reconnaissait, alors Carlisle et Esmée… Posant sa tête contre le torse d’Edward pendant qu’il bougeait légèrement, la jeune mère ferma les yeux pour se reposer. Juste un peu.

La maladie n’aidait pas à réfléchir et elle savait qu’elle était dans un meilleur état qu’Edward, alors elle préférait ne pas le faire s’inquiéter davantage et prenait chaque petite seconde qu’elle pouvait pour serrer les dents lorsqu’il ne la voyait pas. Cependant, les gestes d’Edward et ses caresses sur sa nuque l’apaisaient. Elle fermait les yeux, sentant sa peau, ses bras, comme une bulle protectrice que même la maladie ne pouvait atteindre à cent pourcent. Blottie dans ses bras, elle sentait son odeur, oubliait le reste, oubliant l’espace de quelques secondes ce vaccin contre le vampirisme.

Edward – J'ai vu les jumeaux dans l'esprit de papa... Ils ont les yeux bleus. Bleus clairs.

QUOI ?! Bella se releva d’un seul coup, oubliant momentanément qu’elle était prise de migraines à cause de la maladie. Et elle le regretta instantanément, prise d’un lancement immédiatement alors qu’elle fixait Edward d’un air choqué. Elle le distinguait très mal, se retenant de porter une main à sa tête ou de grimacer pour ne pas l’inquiéter. Elle voulait savoir, il fallait qu’elle pose la question. Et puis, il la détaillait déjà, plus inquiet que jamais… Alors, inutile d’en rajouter une couche. Juste le temps de poser sa question. Les yeux bleus… Les jumeaux… Des yeux bleus, quoi ! Et il lui balance ça comme ça, lui ? D’une manière tout à fait naturelle ! Indifférente à ses regards inquiets, sans lui dire que tout allait bien – il avait bien le droit de s’inquiéter un peu, finalement –, Bella demanda :

Bella – Bleus ?! Ils sont... Ils sont humains ?

Edward – Et bien, oui... Ils ont servis de cobayes, si tu veux, et c'est en faisant avaler le produit à Alec que Aro a vu avec Carlisle qu'il était de nouveau humain. Lui, ça l'a un peu... Choqué.

Sans blague… Les jumeaux, humains. Carlisle lui-même les avaient vus enfants, il y avait de quoi choquer quelqu’un ! Et Edward lui disait cela comme s’il lui annonçait qu’Alice avait encore dévalisé tous les rayons d’un magasin de grand couturier… Non mais franchement ! N’y tenant plus, ressentant comme des pointes de douleur au niveau de ses tempes et voyant Edward légèrement flou, Bella se cala à nouveau contre Edward en fermant les yeux, ajoutant :

Bella – Ce n'est pas étonnant... Les jumeaux... humains...

Edward – On va les revoir très vite. Aro a demandé à papa s'il pouvait les garder, le temps qu'ils grandissent, car ils mourraient à Volterra...

Bella ne répondit rien, l’information n’ayant pas encore fait entièrement le chemin jusqu’à son cerveau. Les jumeaux étaient humains. Leur peau pâle, leurs yeux rouges, tout avait disparu au profit de leur visage et corps humain. Deux enfants… Eux qui avaient toujours voulu vieillir pour ne pas être aussi dépendants de quelqu’un, voilà que leur vœu était exaucé malgré Aro. Bella essaya de les imaginer sans cette apparence effrayante. Des enfants. D’après ce que Carlisle leur avait dit, les conditions et tout ça, ils avaient conservé leur don…

Mais ils réussiraient à les maîtriser, s’ils venaient ici ? La puissance de leur don était décuplée, par rapport à leur enfance, lorsqu’ils étaient humains. Ils avaient vécu des choses auxquels un humain n’aurait sans doute pas survécu. Alors, leur don ? Bien que la vision des jumeaux humains était attendrissante, Bella ne pouvait réprimer un certain sentiment d’inquiétude en pensant à tout cela. Ils étaient humains… Vraiment vulnérables… D’ailleurs, Aro en avait pris conscience s’il les envoyait chez eux. Il est vrai que… entourés de vampires habitués à se nourrir de sang humain… Repensant au propre accident qui avait eu lieu avec Jasper, dans cette maison, Bella retint un frisson en imaginant le même accident avec les jumeaux.

Edward – On va tous pouvoir vieillir... J'ai vu que Nessie voulait être humaine aussi. Vu sa croissance, elle aura treize, quatorze ans. On va tous pouvoir prendre de l'âge, continuer... Tout ce qu'on a pu perdre...

Ce qu’ils avaient pu perdre… Bella avait choisi. Elle n’avait rien perdu, au final, tout avait tellement changé… En redevenant humaine aussi vite, cette année n’aura été qu’une année sabbatique, au final. Une année loin de toutes les personnes qu’elle avait quittées, mais même avec Charlie, maintenant… De tous, Bella était la seule à ne pas avoir été transformée sans l’avoir souhaité. Pour elle, depuis sa rencontre avec les Volturi, tout était clair dans son esprit. Elle allait devenir vampire, vivre avec Edward, évoluer auprès de lui, même si ce n’était qu’intérieurement. Jamais Bella n’avait ressenti un quelconque manque, jamais elle n’avait eu l’impression qu’on lui avait pris quelque chose même si le moral de Renesmée l’avait inquiétée et l’avait fait se sentir incroyablement impuissante.

Edward – Reprendre des études universitaires, aussi. Que veux-tu faire, toi ?

Bella – Je…

Bella avait cru pouvoir improviser quelque chose, mais Edward la connaissait mieux que personne. Si elle sortait quelque chose comme ça, alors qu’elle n’y avait jamais réfléchi… De plus en plus, elle sentit un malaise prendre racines en elle, se répandre sans lui laisser la moindre idée de réponse. Jamais Bella n’avait réfléchi à un « après ». Jamais elle n’avait envisagé de reprendre des études universitaires, tout s’étant enchaîné très vite : la naissance de Renesmée, les déménagements, les guerres, le mariage de Renée… Etant toujours occupée, la jeune vampire avait mis les rares périodes de creux à profiter du calme, sans imaginer une vie « humaine ». Enfin, si. Elle l’avait déjà imaginé, mais lorsqu’elle ignorait qu’Edward était vampire… Les choses avaient légèrement changées depuis.

Bien sûr, ils avaient vécu un an au Népal, avec les études qui vont avec, mais… Jamais Bella n’avait réfléchi à des études universitaires. Jamais elle ne s’était imaginée travailler dans un quelconque métier, ayant tout ce qu’elle voulait. Elle ne savait pas. Edward et Rosalie savaient, évidemment, puisqu’on leur avait pris quelque chose. Emmett, c’était difficile à dire… Carlisle travaillait déjà, et Esmée, eh bien… C’était Esmée, quoi ! Bella le voyait difficilement dans un autre rôle que celui de mère. Se mordant les lèvres, elle resta silencieuse, cherchant les mots. Elle ignorait comment dire cela à Edward… Ce ne fut qu’au bout d’un moment qu’elle reprit d’une voix plus hésitante et honteuse, poussant un soupir. Bella refusait de le regarder dans les yeux, laissant sa tête reposer contre son torse et trouvant un intérêt soudain à un pli de la chemise d’Edward qu’elle s’affairait à lisser encore et encore.

Bella – Je n’en sais rien… Je n’ai jamais… Enfin, si, quand j’ignorais que tu étais un vampire. Mais ça me semble si loin, maintenant… Mais je…

Bella s’interrompit à nouveau. Elle s’était attaquée à un autre pli de la chemise d’Edward, contente qu’elle en possède autant grâce à leur position dans le canapé. Elle hésitait à lui dire ce qu’elle pensait, ce qu’elle avait sur le cœur, de peur de l’inquiéter ou de le faire douter. Mais d’un autre côté, si elle ne disait rien maintenant, il finirait par le découvrir par après. Alors, à quoi bon le cacher ? D’une voix plus rauque, Bella reprit :

Bella – J’ai choisi de devenir vampire… On ne m’a rien pris. Je ne dis pas que je ne veux pas redevenir humaine, je vous suivrai, Renesmée et toi et je n’ai pas peur de la douleur qui résultera de la « transformation », mais je… Je ne sais pas, Edward. Je n’ai aucune idée de ce que je veux faire, je n’y avais jamais pensé, ni envisagé. Pour moi, avoir une fille était déjà un miracle comme tu pensais que tu me retirais ce droit si je te rejoignais…

Une question lui brûlait encore les lèvres, mais elle n’osait la poser. Consciente qu’Edward avait déjà ressenti tout ça, qu’il l’avait vécu et qu’il le regrettait, Bella avait l’impression que lui poser la question était de la torture. Mais, d’un autre côté, à qui pourrait-elle le demander ? Et puis, en redevenant humaine, il entendrait toutes ses pensées… Il finirait par le savoir, tôt ou tard. Lissant une autre parcelle de la chemise d’Edward, elle reprit d’une voix encore plus basse et hésitante qu’avant, toujours sans le regarder :

Bella – Edward… Je veux redevenir humaine… Vivre à vos côtés, vieillir, voir notre fille grandir, avoir des petits-enfants, te voir dans un autre décor sans être sur le point de m’évanouir à chaque fois que tu me prends dans tes bras. Mais je… Que ressentais-tu quand tu… Est-ce qu’on a le droit ? Pour le sang… Enfin, vous, oui, vu qu'on vous a privé de votre vie. Mais moi... ?

Bella – Je…

Elle ne rajouta rien de suite, et il ne la brusqua pas non plus. Il se doutait bien qu'elle n'avait jamais bien dû réfléchir à la question. Qu'est-ce qui aurait pu la pousser à le faire ? Elle avait eu assez de choses à faire depuis sa transformation, et elle était encore très jeune. La première année se passait en découvertes et changements, les suivantes à se faire à leur condition, trouver son rythme, réussir leurs premiers projets avant de se laisser guider par la monotonie du quotidien. Donc, non, il savait qu'elle n'y avait jamais réfléchit. Humaine, peut-être, mais plus depuis qu'il était établit qu'elle rejoindra leur famille, transformée, vampire, immortelle et inamovible. De toute manière, pourquoi y réfléchir, quand on y pensait bien ? Bella, Alice et lui-même faisaient "trop jeunes" pour entreprendre de bonnes études supérieures, et ne parlons pas d'exercer un métier... Seuls Emmett, Rose, Esmée et Carlisle faisaient illusion, faisaient assez adultes pour travailler, s'insérer dans le monde professionnel.

Et que faire ? Que réaliser maintenant qu'ils le pouvaient, qu'ils allaient reprendre le cours normal de leurs existences ? Carlisle connaissait déjà sa branche. Rose l'avait trouvé également. Esmée était... Mère au foyer, difficile de l'imaginer dans un autre rôle. Peut-être architecte, cela lui conviendrait. Jasper aussi pouvait trouver facilement ce qui lui plaisait, il pouvait prétendre être adulte. Mais Alice était "trop jeune". Bella, même chose, elle avait une tête d'adolescente en pleine croissance. Même chose pour lui. Il n'avait jamais imaginé un métier, quelque chose, jamais. Il resta silencieux, pensif, réfléchissant à tout cela. Il envisageait des métiers, puis encore autre chose, sans arrêter un choix. Il ignorait quoi dire, faire, envisager, penser. Il ignorait vers quoi se tourner. L'idée seule de pouvoir redevenir humain était déjà trop énorme et terrifiante. Il avait si peur qu'il en tremblait, très pâle. Bella semblait perturbée aussi, elle jouait avec un pli de sa chemise. Il ferma un instant les yeux, luttant contre le mal de tête.

Bella – Je n’en sais rien… Je n’ai jamais… Enfin, si, quand j’ignorais que tu étais un vampire. Mais ça me semble si loin, maintenant… Mais je…

Trop loin, c'était vrai. Il n'avait jamais imaginé pouvoir redevenir humain un jour ! Qui pourrait lui reproché d'être aussi perturbé ? Même alors qu'il avait les capacités cérébrales d'un vampire, il ne parvenait pas encore à tout prendre en compte. Redevenir humain... Une partie de la population vampirique allaient redevenir humains. Tous ceux qui avaient moins de quatre cents ans. Tous ceux qui étaient assez jeunes. Carlisle et les jumeaux étaient vraiment passés de justesse, ce coup-ci, quelques années de plus et ça aurait été fini. Bella jouait toujours avec les plis qu'elle trouvait, comme si elle allait parvenir à les lisser comme il faut. Lui pensait aux autres vampires, ceux qui n'auront eu d'autres choix que de le rester. Félix, qui avait plus de sept cents ans. Kate et Irina, âgées d'un millénaire. De même que les frères Volturi, quoi que, eux, ils ne seraient sûrement pas redevenus humains. Et puis, avec ça, si la réadaptation était déjà très dure pour une personne de quatre cents ans, qu'en serait-il pour une personne de plus de trois millénaires ? Marcus n'avait même pas réagi, lui... Il s'était contenté de rester dans son coin, fredonnant une chanson datant du fond des âges. Pas plus perturbé que cela. De toute façon, après si longtemps, pouvait-on redevenir humain et vivre ? La nature de vampire devait être trop enracinée. Il ne savait pas comment pouvait penser un vampire aussi vieux, comment il était possible de vivre avec le poids de tant de siècles.

Bella – J’ai choisi de devenir vampire… On ne m’a rien pris. Je ne dis pas que je ne veux pas redevenir humaine, je vous suivrai, Renesmée et toi et je n’ai pas peur de la douleur qui résultera de la « transformation », mais je… Je ne sais pas, Edward. Je n’ai aucune idée de ce que je veux faire, je n’y avais jamais pensé, ni envisagé. Pour moi, avoir une fille était déjà un miracle comme tu pensais que tu me retirais ce droit si je te rejoignais…

Il se crispa légèrement. Oui, il l'avait crut, bien sûr qu'il l'avait cru ! Aucun d'entre eux ne connaissait l'existence des hybrides, même s'il en existait des bien plus âgés que Nessie. Et que les Volturi n'aient même pas réagis en la voyant pour la première fois l'avait aussi choqué, autant l'admettre. Enfin, ce n'était plus un soucis aujourd'hui. Il continuait de caresser doucement la nuque de sa femme, sans rien dire. Oui, elle avait choisit, mais c'était à cause de lui. Pour le suivre lui. Elle avait ce choix car elle ne voulait pas le perdre... Bon, ils avaient été un peu poussés en avant, aussi, mais c'était un détail. Aujourd'hui, les choix s'inversaient, les rôles s'inversaient. Une nouvelle transformation, dans le sens inverse, ce qui avait été irréalisable jusqu'à aujourd'hui. Une seconde chance, une nouvelle vie, une façon de repartir à zéro ! Il osait à peine l'imaginer. La pur paralysait une grande partie de sa réflexion.

Bella – Edward… Je veux redevenir humaine… Vivre à vos côtés, vieillir, voir notre fille grandir, avoir des petits-enfants, te voir dans un autre décor sans être sur le point de m’évanouir à chaque fois que tu me prends dans tes bras. Mais je… Que ressentais-tu quand tu… Est-ce qu’on a le droit ? Pour le sang… Enfin, vous, oui, vu qu'on vous a privé de votre vie. Mais moi... ?

Il ne répondit pas tout de suite. Il comprenait sa question, ses doutes, oui, mais l'affaire était tellement grande. Il se mordit les lèvres en la serrant un peu plus fort contre. Il ne savait encore quoi dire, toutes ses idées se bousculaient et se mélangeaient. Trop de pensées, d'un seul coup, trop d'émotions. Pauvre Jasper, qui devait se sentir si mal. Il soupira très longuement, embrassant Bella dans les cheveux, les yeux fermés. Que dire, que faire, que penser...

– Je t'ai aussi privé de la vie que tu aurais dû avoir... Tu as choisi de devenir vampire pour moi. Si je m'étais empêché de t'approcher, tu aurais eu une toute autre vie. Loin de ces guerres et de tout.

Ses propres désirs commençaient à pointer tout doucement le bout de leur nez. Il fallait imaginer. Imaginer une vie sans transformation, sans avoir besoin de sang et de tueries, sans chasses, sans déménagements fréquents, sans ennui, sans guerres, sans lois. Une vie normale, une vie où ils pouvaient manger et dormir. Une vie où ils pourraient sortir au soleil devant tout le monde. Une vie de chaleur. Une vie avec des capacités ordinaires. L'humanité avait soudain tant à offrir. Elle brillait tant pour ceux qui en étaient privés ! A présent accessible, jamais elle ne lui avait paru si attirante, si envoûtante. Bella se redressa tout à coup pour le frapper, le tirant de ses pensées.

Bella – Je t'interdis de t'en vouloir ou de regretter ! Tu m'as demandé de m'éloigner, et je ne l'ai pas fait. D'accord, tu aurais pu mais... Enfin, on a tous les deux essayé de passer à autre chose, et ça ne s'est pas très bien terminé, si tu te souviens bien.

Non, mais il était déjà vampire. Depuis un siècle, depuis qu'il avait faillit mourir. Il referma les yeux, perdu, et en même temps, voulant redevenir humain. Il berçait Bella, la gorge un peu nouée tout à coup. Il le voulait, il s'en rendait compte maintenant. Il voulait poursuivre la vie, comme s'il n'y avait jamais eu mort et maladie, vampire, comme si le temps pouvait le reprendre, comme ça, en occultant les années où il s'était "échappé". Il baissa la tête vers Bella, voulant presque pleurer.

– C'est... Étrange de se dire que le temps pourrait vouloir à nouveau de nous... Même si on a été figés durant des dizaines d'années. Toi, Rose, Emmett, Esmée, et moi... Nous sommes encore si jeunes, par rapport aux critères des vampires. Ce serait plus dur pour Carlisle, il est beaucoup plus âgé...

Trop âgé pour s'en remettre en juste une semaine. Les jumeaux sont un bon exemple de ce qu'un ancien vampire trop âgé peut subir lors de cette seconde transformation. Encore plus de fatigue et de douleur, comme une nouvelle maladie, qui vide les forces avant d'en donner de nouvelles. Il serrait toujours Bella contre lui, tremblant, fourrant son visage dans ses cheveux un instant. Elle était pour lui comme une bouée de sauvetage, en cet instant. Comme s'il allait disparaître dans un abîme s'il osait la lâcher.

– Je veux redevenir humain, souffla-t-il. Je veux pouvoir sortir au soleil devant tout le monde. Je veux respirer, ne plus devoir boire du sang. Je veux grandir. Ma mère... Elle voulait me sauver, mais pas comme ça. Je veux pouvoir "continuer", comme si rien ne s'était passé. Je veux avoir dix-huit ans, vieillir. Pouvoir poursuivre...

Grandir, être adulte. Faire des études supérieures. Être père à nouveau. Avoir un chez-lui, près de Carlisle, oui, mais une maison où lui et Bella pourront vivre, élever leur fille. Lui donner des frères et sœurs, même, ils le pourront, et elle l'avait tant réclamé. Une vie à l'air libre, où ils sentiront le froid et la chaleur. Ils pourront pleurer, rire, s'endormir dans les bras l'un de l'autre. Et avoir le temps. Le temps qui passera de nouveau pour eux. Le jour et la nuit enfin séparés, des heures qui signifieront quelque chose, des journées où ils pourront changer. Évoluer. C'était... Penser ça était déjà irréel, s'imaginer le vivre encore plus, et il craignait de le faire. Par peur d'un coup du destin, qui briserait tous ces rêves avant de les voir réalisés. Bella ne disait rien, mais elle finit par se redresser, l'embrassant.

Bella – Alors, redevenons humains. Nous ne partirons pas d'ici avant un an... Nous devons terminer le lycée, avoir le diplôme. Et nous sommes trop jeunes pour vivre seuls.

Oui, il y avait ça aussi. Il sourit doucement, se sentant malgré lui très soulagé d'avoir encore quelques mois à vivre près de Carlisle et Esmée. C'était peut-être enfantin, ridicule, et tout ce que l'on veut, mais là, en cet instant, il était comme un tout jeune enfant qui avait peur de lâcher la main de ses parents pour prendre son envol. Leur jeunesse était effectivement trop évidente. Eux deux ne pouvaient pas encore vivre seuls, ainsi, comme Rose et Emmett. Ils pourront rester avec leurs parents. Et avec les jumeaux, aussi, tiens. Là, ça allait être bizarre.

– Honnêtement, je suis bien content de rester plus longtemps chez Carlisle, j'ai un peu peur de... Mais bon. Et il va y avoir les jumeaux. Je voudrais bien le voir en personne, même si voir leurs yeux va être choquant.

Mais les yeux bleuuus, quoi ! Il les avait toujours vu avec les yeux rouges ou noirs, alors bleus... Il faudra si faire, mais cette idée était trop bizarre pour lui. Quand il les aura devant lui, cela ira sans doute mieux. Vivre sous le même toit allait être très bizarre et spécial, au début.

Bella – Mais toi, tu as eu un aperçu avec ton don. Si, pour toi, ça va être choquant...

Oui, bon, d'accord, pour elle aussi. Pour tout le monde, en fait. Dommage, il n'avait pu voir la tronche qu'avait dû tirer Aro. Idée qui faillit le faire sourire, même s'il n'avait pas envie de penser au chef des Volturi. Bella fronçait légèrement les sourcils, alors qu'il retenait un nouveau soupir.

Bella – De quoi as-tu peur ? Tu as dit, juste avant de parler des jumeaux, avoir un peu peur de quelque chose.

Il sourit, quoi de façon très gênée. C'était... si ridicule ! Plus il y songeait, et plus il se trouvait idiot et puéril de penser comme ça, d'avoir peur de quitter le nid. Il considérait Carlisle comme son véritable père a plus d'un titre, et avait peur de ne plus vivre sous le même toit que lui. Il marmonna quelque chose d'intelligible, puis reprit son souffle, conscient qu'elle n'avait pas dû comprendre. Il lui fallut une bonne dose de courage pour enfin se lancer, tellement il se trouvait stupide d'avouer ça.

– Peur de quitter Carlisle, souffla-t-il. C'est... C'est peut-être ridicule, mais j'ai peur de ne plus vivre avec lui, sous son toit. C'est mon père, alors partir, trop vite, je en pourrais pas. Rose et Emmett, peut-être... Alice et Jaz, sûrement. Mais moi non.

Il lui faudrait au moins quelques mois pour accepter l'idée, idiotie ou pas. Même si leur clan n'était plus, ils étaient une famille, et il ne voulait pas tout quitter comme ça. Bella souriait, d'une façon très tendre, comme touchée.

Bella – Ce n'est pas ridicule... Je trouve ça adorable, au contraire. Tu as tout connu avec lui, et puis... J'avoue que ce serait bizarre de tout quitter du jour au lendemain. Je me suis... habituée. Donc même moi, j'en serais incapable...

Il ne répondit rien, se contentant de s'allonger plus confortablement dans le canapé, Bella sur lui. Il l'embrassa sur le front, puis sur la joue, silencieux, avant de chatouiller son cou. Il souriait, à présent, bien que gêné et un peu à l'ouest.

– Je veux mon papa, avoua-t-il finalement en souriant. Et ma maman... Je veux rester encore un peu près d'eux.

Il aurait pu en rougir, mais il ne pouvait pas encore. Il voudrait se blottir dans les bras de ses parents, comme un enfant.

Edward ne répondit pas tout de suite à la question de Bella, mais elle ne s’alarma pas pour autant. Elle savait que ses questions étaient difficiles, qu’il devait choisir les bons mots ou chercher tout simplement ce qu’il pouvait lui dire. Y’avait-il quelque chose à dire, d’ailleurs ? Elle avait peur. Peur de ce qu’il fallait faire pour redevenir humaine, peur de ce que ce changement allait engendrer, peur de la douleur qu’il lui faudrait à nouveau subir. Était-ce pire que la transformation ? Le frisson qu’elle ressentit fut brimé par les bras d’Edward qui la serrait fort contre lui avant de soupirer. Elle voulut lui dire qu’elle était désolée, ravaler sa question, la lui faire oublier… Mais il la devança en l’embrassant dans les cheveux, doux contact qui apaisait sa culpabilité.

Edward – Je t'ai aussi privé de la vie que tu aurais dû avoir... Tu as choisi de devenir vampire pour moi. Si je m'étais empêché de t'approcher, tu aurais eu une toute autre vie. Loin de ces guerres et de tout.

Hein ? Mais elle était aussi fautive que lui ! Bella le frappa après s’être redressée d’un coup. Elle avait voulu le rejoindre, elle avait effectué ses recherches sur les vampires, elle avait littéralement enquêté sur Edward. N’importe quelle autre fille, après un tel accident, aurait laissé couler et se serait contentée de baver devant Edward en l’admirant en secret sans chercher à savoir comment mais pourquoi. Lui qui était si inaccessible, lui qui semblait ne s’intéresser à aucune fille… Les filles du coin se seraient simplement senties flattées, auraient sans doute cherché un peu le comment mais se seraient ravisées après la discussion qu’Edward lui-même avait tenue dans la chambre d’hôpital. Alors non, ce n’était pas sa faute. Qu’il s’en veuille alors qu’elle était heureuse d’être à ses côtés… Non mais c’est incroyable !

Bella – Je t'interdis de t'en vouloir ou de regretter ! Tu m'as demandé de m'éloigner, et je ne l'ai pas fait. D'accord, tu aurais pu mais... Enfin, on a tous les deux essayé de passer à autre chose, et ça ne s'est pas très bien terminé, si tu te souviens bien.

Douloureux épisode que celui de la rencontre avec les Volturi… Episode qu’elle aurait préféré ne jamais vivre. Edward ne répondit rien à cela, sans doute trop perdu dans ses pensées pour dire quoi que ce soit. Il la berçait, doucement, sans que Bella n’ose le tirer de ses pensées. Il était loin. Très loin. A cet instant, elle aussi aurait voulu pouvoir lire dans ses pensées, deviner ce qui le préoccupait, ce qui lui donnait cet air mélancolique, triste, comme s’il lui manquait quelque chose. Cependant, lorsqu’il baissa la tête vers elle, la jeune mère comprit ce qui lui passait par la tête. Il voulait redevenir humain. Vivre. Il ne le disait pas, mais c’était évident. Cette peine, tout ce qu’il avait perdu…

Edward – C'est... Étrange de se dire que le temps pourrait vouloir à nouveau de nous... Même si on a été figés durant des dizaines d'années. Toi, Rose, Emmett, Esmée, et moi... Nous sommes encore si jeunes, par rapport aux critères des vampires. Ce serait plus dur pour Carlisle, il est beaucoup plus âgé...

Bella ne répondit rien, sachant qu’elle le perdrait si elle parlait. Elle voulait que, lui aussi, parle, dise ce qu’il pensait, ce qu’il avait sur le cœur. Oui, un tel changement était étrange. Edward humain… Quelle était la couleur de ses yeux ? Elle n’avait pas vu de vraie photo de lui, en tant qu’humain, et n’en avait jamais demandé d’ailleurs. Absence de curiosité ? Non. Respect. Elle savait qu’il regrettait sa vie humaine, qu’il regrettait d’avoir été emporté par cette maladie même s’il avait beaucoup d’estime envers Carlisle. Il était si jeune… Si jeune quand tout cela lui était arrivé.

Edward – Je veux redevenir humain, souffla-t-il. Je veux pouvoir sortir au soleil devant tout le monde. Je veux respirer, ne plus devoir boire du sang. Je veux grandir. Ma mère... Elle voulait me sauver, mais pas comme ça. Je veux pouvoir "continuer", comme si rien ne s'était passé. Je veux avoir dix-huit ans, vieillir. Pouvoir poursuivre...

Alors, leur choix était fait. Il était inutile d’en discuter plus longtemps, de réfléchir ou de se poser mille questions, tout était décidé. Oui, ils avaient peur… Mais ils seraient ensemble. Et Bella voulait voir cet air triste disparaître du visage d’Edward, elle voulait voir la joie illuminer ses traits comme lui avait permis qu’elle illumine les siens. Jusqu’à présent, la jeune femme ignorait comment lui rendre la pareille… Mais ici, elle avait une occasion en or pour le faire. Elle avait peur, oui, mais si c’était pour leur fille et pour Edward, la peur pouvait aller se rhabiller. Après un moment de réflexion, Bella se redressa en l’embrassant, souhaitant lui montrer qu’elle était sûre de ce qu’elle allait dire, sûre de son choix.

Bella – Alors, redevenons humains. Nous ne partirons pas d'ici avant un an... Nous devons terminer le lycée, avoir le diplôme. Et nous sommes trop jeunes pour vivre seuls.

Edward sourit doucement, comme s’il était soulagé. Par le fait de rester ici encore un an, ou par l’acception de Bella pour redevenir humains, elle l’ignorait. Mais il était visiblement soulagé, comme si un poids avait été retiré de ses épaules, et cela suffisait pour l’instant. Elle savait que la conséquence de ce choix était le meurtre d’un humain… Qu’elle allait perdre son don, ce qui allait potentiellement poser problème avec un mari télépathe. Mais cela lui était égal. Nessie voulait devenir humaine. Alors, ils la suivraient. Elle les suivrait. Et savoir qu’ils ne seraient pas seuls dans cette réadaptation avait quelque chose de rassurant… Bella s’était attachée aux Cullen et ne pouvait se résoudre à les quitter. Pas après tout ce qu’elle avait vécu avec eux.

Edward – Honnêtement, je suis bien content de rester plus longtemps chez Carlisle, j'ai un peu peur de... Mais bon. Et il va y avoir les jumeaux. Je voudrais bien le voir en personne, même si voir leurs yeux va être choquant.

Bella – Mais toi, tu as eu un aperçu avec ton don. Si, pour toi, ça va être choquant...

Elle n’osait imaginer leur propre choc. Lui et Carlisle avaient eu un aperçu, ils savaient au moins à quoi ressemblaient les jumeaux en tant qu’humains. Alors qu’eux n’en savaient rien… Bella ne cessait de revoir les jumeaux aux yeux rouges, d’un rouge profond, sombre. Sombre comme le sang humain qu’ils buvaient. Une peau pâle et dure, et un air terrifiant témoignant des atrocités qu’ils avaient vécues à douze ans extérieurement. Seulement, Bella n’avait pas oublié ce qu’Edward avait dit avant. Il avait peur. Mais peur de quoi ? De partir ? Fronçant les sourcils, elle rajouta :

Bella – De quoi as-tu peur ? Tu as dit, juste avant de parler des jumeaux, avoir un peu peur de quelque chose.

Il hésitait, souriant de façon gênée. Eh bien ? Allez, dis, tant qu’on est aux révélations ! Mais ne pas le brusquer. Bella se fit violence et patienta. Il allait parler, il lui expliquerait. Comme lui n’arrivait pas à lire dans ses pensées, ils s’étaient fait la promesse de tout se dire, même si c’était plus ou moins inutile vu qu’ils le voyaient dès qu’il y avait anguille sous roche. C’était à la fois un avantage et un inconvénient… Bella, calme, renfermée, qui se retrouvait percée à jour dès que quelque chose n’allait pas. Mais, d’un autre côté, Edward devait ressentir la même chose en face d’elle étant donné qu’elle était la seule personne à lui résister…

Edward – Peur de quitter Carlisle, souffla-t-il. C'est... C'est peut-être ridicule, mais j'ai peur de ne plus vivre avec lui, sous son toit. C'est mon père, alors partir, trop vite, je ne pourrais pas. Rose et Emmett, peut-être... Alice et Jaz, sûrement. Mais moi non.

Ridicule ? Mais… Un sourire tendre étira les lèvres de Bella. Elle était touchée par cette phrase, par ce côté « petit garçon » qu’Edward montrait si rarement. C’était adorable. S’il n’avait pas été son mari mais un petit garçon de huit ans, elle l’aurait sûrement pris dans ses bras en l’embrassant sur les deux joues. Mais cette pensée était sans doute due à la maladie en grande partie.

Bella – Ce n'est pas ridicule... Je trouve ça adorable, au contraire. Tu as tout connu avec lui, et puis... J'avoue que ce serait bizarre de tout quitter du jour au lendemain. Je me suis... habituée. Donc même moi, j'en serais incapable...

Suivant son mouvement, Bella s’allongea contre Edward, se demandant ce qu’elle ressentait. Elle était soulagée. Oui, soulagée d’avoir pris une décision, soulagée de savoir qu’ils resteraient ici encore un an au moins. Mais elle avait peur, également. La peur était, certes, lointaine, mais bien présente. Seul Edward parvenait à la tenir à distance respectable grâce à ses baisers sur le front, la joue… Tout l’apaisait, la calmait, même si ce n’était que temporaire.

Edward – Je veux mon papa, avoua-t-il finalement en souriant. Et ma maman... Je veux rester encore un peu près d'eux.

Il. Voulait. La. Faire. Fondre. Bella l’embrassa longuement, incapable de dire quoi que ce soit et préférant ne pas gâcher tout cela par des mots inutiles. Voilà pourquoi elle l’aimait. Edward était surprenant, doux, un enfant derrière des traits d’adulte qui pouvait surgir à tout moment. Il était vieux-jeu, oui. Personne ne pouvait le nier. Mais elle s’en fichait… Elle l’aimait. Pour des réactions comme celle-ci, pour des paroles aussi censées qu’irréelles. Et il pourrait rougir, vieillir, elle avait l’impression que leurs deux mondes différents auparavant se rejoignaient. Ils le pouvaient. Ce moment rien qu’à deux aurait pu continuer encore un moment… Si un gros « boum » ne s’était pas fait entendre.

Inquiète à l’idée qu’un autre problème ne survienne alors qu’ils avaient plus important à penser, Edward et Bella se précipitèrent à l’étage du dessous, origine du gros BOUM qui avait fait trembler toute la maison. Ils tombèrent face à face avec un Emmett, par terre, qui les regardait comme s’ils venaient de la planète Mars tandis qu’ils lui demandaient ce qui s’était passé. Il avait les yeux d’un bleu ciel, une peau plus rose et un cœur qui battait. C’était lui qui était tombé… Pas d’inquiétude. Respire, du calme, tout allait bien.

Emmett – Eh, faut frapper avant d'entrer ! lança-t-il avec un grand sourire. Et si j'étais en train de faire l'amour à Rose, hein ?

… Quelle délicatesse. Vraiment. Merci pour cette image dont elle se serait volontiers passée, elle n’avait pas envie de tomber sur… cette scène. Enfin, quoi, il y avait une différence entre entendre et voir ! En plus, ils avaient appris à ne pas s’écouter lors de ces moments un peu particuliers, par respect et surtout pour éviter d’être choqués à vie. Emmett, lui, devant cette absence de réponse, avait éclaté d’un grand rire en se tenant au mur, toujours dévisagé par Bella qui avait peur qu’il ne tombe, se blesse, ou un truc du genre. Il était humain. Humain ! Entre ses yeux, sa peau, son cœur qui battait… Et il était toujours aussi impressionnant. Il avait déjà pris le remède, était redevenu humain, et était remis sur pieds. Enfin, en apparence, mais il titubait toujours dangereusement.

Emmett – Pourquoi tu tires une telle tronche ?

Bella – Oh, je ne sais pas moi, peut-être parce que tu es HUMAIN ! On parlait, nous, on ignorait que vous... Enfin, t'es humain, Emmett !

Emmett ne semblait pas plus choqué que cela. En fin de compte, pourquoi Bella était-elle étonnée ? Elle était habituée au géant, elle savait qu’il ne serait sans doute pas plus déstabilisé que si on lui avait appris une chose on ne peut plus banale. Seulement, si la nouvelle semblait ne pas affecter son esprit, elle rendait ses gestes moins sûrs et Bella avait peur qu’il ne s’effondre là, devant eux, comme si on lui avait donné un gros coup difficile à encaisser. Son cœur battait vite, trop vite, à en donner presque la migraine étant donné leur propre état.

Emmett – Parler de quoi ? Pas besoin de parler, ça sert à rien ! On a été voir Aro... Il nous a donné des criminels, comme il sait qu'on a été végétariens. Et Marcus nous a ramenés ici pendant qu'on dormait. Et ouais, ça a marché ! Bon, ça fait très mal, mais on est vivants !

Bella – Epargne-nous les détails, s'il te plaît... Et puis, tu devrais te recoucher, tu ne tiens même pas sur tes jambes.

Bella avait regardé son mari, puis à nouveau Emmett, cherchant à voir si elle était véritablement la seule choquée par ces nouvelles, par ce changement si brutal. Ce n’était pas uniquement le choc, mais aussi le fait que le clan comptait déjà deux Cullen en moins… Oui, d’accord, Emmett et Rosalie, c’était compréhensible. Mais entre le penser et le voir… Il était même plus fragile qu’elle, à présent. D’accord, juste pour quelques temps, mais il était plus fragile. Maigre consolation, en fin de compte… Le clan commençait à se désintégrer.

Mais elle n’eut le temps de ne rien ajouter, Emmett se levant pour aller chercher sa femme, la portant dans ses bras, murmurant des paroles romantiques, douces, qui montraient clairement qu’ils devaient remonter et laisser le couple seul à seule. Encore sous le choc, quoi qu’un peu attendrie par les « retrouvailles » d’Emmett et Rosalie dans leur nouvelle vie, Bella remonta avec Edward et se laissa retomber dans le canapé de leur chambre, avec Edward, sans rien dire. Il fallait encore digérer le choc, juste un peu. Humains… Ils étaient humains ! Mais ce n’était rien à côté d’Edward qui lui dit simplement qu’il trouvait ça normal et logique, d’un ton calme. Bella lui fit de gros yeux en répondant :

Bella – Normal ? Logique ? Mais, Edward, ils sont humains ! Humains ! Emmett et Rosalie ! Ca ne te choque pas plus que ça ? D'accord, on s'y attendait, mais quand même... On est encore en train de parler, nous...

Edward – Oui, mais je m'y attendais. On le savait pour eux deux. Je m'inquiète bien plus pour Alice et Jasper.

Alice et Jasper… Oui… Pour être sincère, Bella ne les voyait pas redevenir humains. Mais peut-être disait-elle cela parce qu’elle les avait toujours connus en tant que vampires, qu’elle avait toujours imaginé sa meilleure amie comme telle, qu’elle avait toujours vu Jasper distant et effacé, comme s’il ne se sentait pas à l’aise. Pendant un moment, Bella l’avait compris… et le comprenait toujours, même si cette impression s’était considérablement atténuée. Mais eux, qu’allaient-ils faire, s’ils restaient vampires ? Rester avec eux était impossible, elle le savait… Même si une part d’elle-même espérait le contraire. Reprenant avec une voix étranglée, Bella répondit :

Bella – Je m’inquiète aussi… Même si je ne les vois pas… Enfin… Mais s’ils partent, ils vont me manquer. Je ne sais pas, une maison sans eux, ce serait…

Edward – Tu ne les vois pas redevenir humains ?

Bella – Alice et Jaz’ ? Avec ce que j’ai appris d’eux… Et le don de Jasper ? Comment veux-tu qu’il fasse ? Et Alice le suivra… Mais je ne sais pas s’ils… Ils ne sont pas aussi attachés à nous, à Carlisle, que nous…

Edward – Ils vont partir.

Bella lança un regard interrogateur à Edward, surprise par le ton sûr qu’il venait d’employer. Pourquoi ? Fronçant les sourcils, elle remarqua qu’il y avait du mouvement, en bas. Des pas. Alice et Jasper étaient revenus, leur discussion étant apparemment terminée. D’accord… Edward avait sans doute entendu ses pensées… Son cœur se serra. Elle n’avait pas envie d’entendre la suite, pas envie de les voir s’en aller, de les voir partir pour ne revenir que lorsqu’ils y penseraient. Le temps passait différemment, pour eux. Après avoir vécu plus d’un an dans la peau d’un vampire, elle le savait. Ce n’était pas le même rythme, les mêmes préoccupations, le même monde… Et elle avait peur. Peur de les perdre.

Jasper – J'ai beaucoup aimé cet endroit, confia-t-il à Alice. Partir est un peu étrange, maintenant qu'on y est rendu.

Bella resta immobile, n’osant rien dire, prêtant une oreille attentive à ce qui se passait en bas. Elle n’osait pas bouger, rien dire, rien faire. Il fallait qu’elle digère la nouvelle, maintenant que c’était plus « officiel »… Ecoutant les paroles qu’ils échangeaient, chacune confirmant ce qu’elle avait entendu, ce qu’Edward avait annoncé juste avant, Bella pinça ses lèvres avec l’envie de pleurer. Il fallait qu’elle se contrôle, au moins pour Jasper, qu’elle essaie de se maîtriser pour qu’il n’ait pas à subir tout cela.

Au bout d’un moment, cependant, certaine que le couple avait terminé de discuter dans le salon, la jeune mère descendit après avoir serré la main d’Edward. Elle devait les voir, leur dire quelque chose, faire… elle ne savait quoi. Descendant péniblement, doucement, lentement, Bella entra dans la pièce pendant qu’ils s’embrassaient et resta silencieuse jusqu’à ce qu’ils la remarquent.

Bella – On a entendu... Je... Vous comptez vraiment partir ? Mais... et si on veut vous parler ou... vous voir ?

Alice – Oui, on va partir. Redevenir humains ne vaut pas la peine, pour nous. Mais on se reverra ! On reviendra vous voir, de temps en temps. On va d'abord partir un moment pour que Jasper maîtrise mieux son don, et on reviendra vous faire coucou après.

Alice lui avait souri et avait hoché la tête, l’air confiant, cet air rassurant qui ne la quittait jamais. Elle était heureuse, confiante, comme si c’était la meilleure nouvelle du siècle, comme si elle n’avait peur de rien. Comment pouvait-elle l’être ? Avait-elle vu qu’ils se reverraient, avait-elle vu quelque chose qui lui permettait d’assurer que tout se passerait bien et qu’ils ne se quitteraient pas de vue ? « de temps en temps »… Elle avait peur de cette phrase, de cette notion du temps si différente pour eux. Jamais Bella n’aurait imaginé qu’ils pourraient partir, un jour. La jeune mère reporta son regard sur Jasper, consciente que c’était sans doute la meilleure solution. Il ne pourrait sûrement pas supporter des adieux en bonne et due forme avec son don… Déjà pour eux, cela serait difficile. Alors pour lui ? Mais « de temps en temps »…

Bella – Mais on sait toutes les deux que le temps est différent, lorsqu'on est vampire... Vous reviendrez souvent ? Tu sais que vous pourrez venir dès que vous en aurez envie, hein ? Tous les deux ?

Et Bella tenait absolument à ce que ce dernier point soit clair. Oui, elle aimait bien Jasper, non, elle n’avait plus peur de lui, oui, elle lui faisait confiance. Peut-être était-il le plus jeune par rapport au régime végétarien, mais il supporterait tout cela, elle en était sûre. Elle ne voulait pas qu’il se sente isolé, comme s’il n’était pas à sa place… Mais avant d’avoir pu dire quoi que ce soit d’autre, Alice se leva en se jetant dans les bras de Bella pour la serrer contre elle. Son odeur, son caractère aussi pétillant et lutin… Tout lui manquerait. Elle était sa meilleure amie, meilleure amie avant d’être sa belle-sœur. Déjà lorsqu’elle était humaine, c’était comme cela, alors qu’Alice reste vampire et que Bella redevienne humaine n’allait rien changer. Jasper les avait rejointes, ce qui poussa la jeune vampire à se maîtriser. Elle ne voulait pas lui être pénible à supporter.

Alice – Ta petite bouille d'humaine me manquerait trop, sourit-elle.

Alice la relâcha ensuite, attrapant la main de Jasper en souriant. Bella, de son côté, souriait tristement malgré les paroles rassurantes de sa meilleure amie. Sans doute ne serait-elle jamais convaincue à cent pourcent, sans doute y’aurait-il toujours une part d’elle-même qui lui murmurerait qu’Alice et Jasper finiraient par ne plus venir, que le temps ferait son œuvre. Qu’ils s’oublieraient… Qu’ils les oublieraient, ou qu’ils n’oseraient pas revenir de peur d’être isolés ou « de trop ».

Alice – On va aller un moment à Volterra, pour que Jasper puisse s'entraîner, annonça-t-elle. Il faudrait qu'on prenne le remède normal, puis qu'on parte.

Hein ? Là, tout de suite ? Ils n’attendaient même pas un peu, ne disaient même pas au revoir au reste de la famille ? Ils ne disaient rien, partaient comme des fantômes ? D’accord, les autres avaient sûrement entendu… Mais… Mais…

Bella – Quoi ? Mais vous allez partir tout de suite, alors ? Vous n'allez même pas attendre un peu ?

Alice – On reviendra un moment avec vous après, évidement ! Mais pour Jasper, c'est trop difficile si ça reste en l'état, il faut régler ça, d'abord. On va aller parler à Aro.

Et elle l’embrassa en quittant la pièce puis la villa avec Jasper, de son éternel entrain. Bella resta là un moment, sans bouger, le regard fixé sur la porte par laquelle Alice venait de passer. Partis… Elle ne bougea pas avant de les avoir entendus démarrer la voiture pour aller retrouver Aro. Y arriveraient-ils, d’ailleurs ? Aro accepterait-il de faire une telle chose ? Et pourquoi le ferait-il ? Qu’allait-il imposer, comme échange ? Pas qu’elle n’avait pas confiance en Aro, mais presque. Bella en avait assez vu et entendu pour savoir qu’il fallait se méfier des Volturi comme de la Peste.

Au bout d’un moment, Bella remonta dans la chambre qu’elle partageait avec Edward, l’air abattu. Elle ignorait combien de temps s’était écoulé depuis le départ d’Alice et Jasper, la peine se mêlant au reste. Le clan se démantelait petit à petit. D’abord Rosalie et Emmett, ensuite Alice et Jasper. En remontant, elle tomba sur Edward qui était, semble-t-il, resté là à les regarder par la fenêtre. Avec une mine incroyablement triste… Elle était sûre que, s’il avait pu, il aurait pleuré. Elle se rapprocha, se glissa dans ses bras en l’embrassant et finit par murmurer :

Bella – Tu crois qu'ils reviendront vraiment ?

Bella avait eu peur de poser cette question. Peur de la prononcer à voix haute, l’ayant franchement évitée devant Alice et Jasper pour ne pas rendre les choses plus difficiles qu’elles ne l’étaient déjà. Ils reviendraient, leur ferait leurs adieux. Non ? Ils diraient au moins au revoir à Carlisle, ils ne pouvaient pas effacer toutes ces années en un instant, à cause d’un changement physique. Certes, changement conséquent, mais… Ils ne pouvaient pas. Et elle avait peur qu’ils prennent, néanmoins, la décision de ne pas revenir.

Bella – J'ai peur...

Ses mots lui échappèrent presque malgré elle, même si cela n’attendait aucune réponse précise. Ils partaient. C’était un fait, et, quoi qu’ils fassent ou disent, Alice et Jasper étaient libres de vivre leur vie, de choisir ce qu’ils allaient faire. Comment ils voulaient vivre. Comment continuer.

Edward – Je ne sais pas s'ils reviendront... Peut-être.

Bella se blottit dans ses bras sans rien dire, espérant intérieurement qu’ils reviendraient. Ils devaient revenir. La bonne nouvelle du remède, ayant apporté un espoir et de la joie quelques temps auparavant, avait été éclipsée par ce départ prématuré, si soudain. Chacun devait continuer… Elle n’avait pas réalisé toutes les conséquences que cela engendrerait. Tout ce que cela changerait. Rosalie et Emmett allaient rester combien de temps, encore, avant de partir ? Alice et Jasper ayant déjà quitté la maison, le mouvement était lancé, ce n’était plus qu’une question de temps. Ils prendraient le remède. Ils allaient redevenir humains. Il ne restait plus qu’à prendre ce remède et… subir la transformation puis boire du sang.