[Défi, Idée tordue de Bella]

Jane piquait régulièrement du nez dans son assiette, picorant plus qu'elle ne mangeait. Elle n'avait pas faim du tout, ayant plutôt envie de dormir. Ils étaient enfin aux vacances de Noël, mais le trimestre avait été très long, et elle n'en pouvait plus. Assise sur une chaise rehaussée d'un coussin, elle bâillait régulièrement. Elle n'avait vraiment pas faim... Elle jeta un regard morne sur son assiette en soupirant. En face d'elle, Orlin, son grand frère, buvait tranquillement un jus de fruit.

- J'ai pas faim, maman...

Sulpicia - Tu dois manger, ma puce.

Elle lui prit la fourchette et l'encouragea doucement, s'asseyant à côté d'elle. Jane fit la moue, mais se força à finir ce qu'il y avait dans son assiette, buvant un peu d'eau. Fatiguée, elle se blottit ensuite dans les bras de sa mère, nichant son nez dans son cou et fermant les yeux. Sa mère l'accompagna jusqu'à sa chambre, puis lui fit enfiler un pyjama. Jane se glissa dans son lit, et sa mère la borda, l'embrassant sur le front avant de quitter la pièce.

Jane se blottit sous ses couvertures, ne tardant guère à sombrer dans le sommeil. Elle était contente d'être enfin en vacances, surtout à Noël ! C'était une période tout à fait magique, même s'il n'y avait jamais de neige. Dans la chambre, tout était calme, et on n'entendait que son souffle régulier, on ne voyait que ses cheveux blonds éparpillés sur l'oreiller blanc, et sa main crispée sur une peluche. Puis elle commença à s'agiter et se retourner dans son lit. De plus en plus, jusqu'au moment où elle se réveilla en sursaut avec un petit cri.

- Maman ?

Elle sauta de son lit, son doudou serré contre sa cœur. Elle trottina jusqu'à la porte et l'ouvrit doucement. Il était sûrement très tard... Le noir environnant l'effrayait, surtout après son cauchemar. Elle s'appuya contre le mur un bref instant, puis fila jusqu'à la chambre de son grand frère. Elle toqua doucement à la porte puis la poussa. Son frère dormait, et la chambre était toute noire. Elle renifla, le cœur battant la chamade. Allant jusqu'au lit, elle tira doucement sur la manche de son frère, puis se mit à pleurer véritablement. Il remua, visiblement mal réveillé, et se tourna vers elle.

Orlin - Qu'est-ce que tu fais là ?

- J'ai fait un cauchemar, pleura-t-elle. Il y avait plus personne, j'étais perdue, toute seule...

Il la prit dans ses bras et elle s'accrocha en lui en tremblant, fermant les yeux.

Orlin - Doucement, c'est fini.

Elle se laissa bercer quelques minutes, se sentant en sécurité dans ses bras. Tout était très calme, et elle était plus rassurée d'être avec Orlin que toute seule dans sa chambre. Un petit frisson la ramena à la réalité. Elle avait froid... Mais ça ne venait pas d'elle, c'était son frère qui était gelé. Elle releva la tête, essuyant ses yeux.

- T'es tout gelé ! T'es malade ?

Se tortillant, elle attrapa la couverture puis se fit un devoir d'en couvrir les épaules de son grand frère. Elle ne voulait pas qu'il soit malade, elle... Et puis, maman serait inquiète. Une fois qu'il fut bien couvert, elle retourna dans ses bras, s'accrochant à lui de ses petits bras. Elle était déjà un plus calme, et son cœur avait repris un rythme plus normal.

- Tu veux une autre couverture ? J'ai celle de mon lit, si tu veux.

Orlin avala en vitesse son verre de sang, euh de jus de fruit puis demanda l'autorisation de quitter la table. Il fit un bisou à sa petite sœur et monta dans sa chambre préparer ses affaires pour le lendemain. Il fallait donner le change, ils étaient obligés, avec Aro et son épouse, de rester ici avec Jane, une humaine. Il alla ensuite s'installer devant son ordinateur et démarra une partie de son jeu préféré. Il avait maintenant toute la nuit à tuer et la tentation de s'attaquer à la jeune humaine était grande. Il fallait donc qu'il s'occupe absolument, faute de quoi il risquait d'y avoir un massacre.

Jane
Maman ?

L'appel de Jane le sorti de sa partie de jeu vidéo. Il était trois heures et quelque du matin et Orlin se demanda ce qu'elle fichait debout à cette heure-ci. Elle l'entendit se diriger vers sa chambre. En un éclair, il coupa son ordinateur, éteignit la lumière et se glissa dans son lit, le tout sans faire un bruit. Il l'entendit frapper à la porte : il ne répondit pas, faisant semblant de dormir. Elle entra et il put entendre que son cœur battait très vite : elle était effrayée. Elle se faufila dans son lit et tira sur sa manche. Orlin fit mine de se réveiller et d'avoir la tête dans le pâté.

Orlin
Qu'est-ce que tu fais là ?

Jane
J'ai fait un cauchemar, pleura-t-elle. Il y avait plus personne, j'étais perdue, toute seule...

Orlin la prit alors dans ses bras, comme le ferait n'importe quel grand frère et la berça doucement.

Orlin
Doucement, c'est fini.

Il la berça ainsi pendant plusieurs minutes et sentit qu'elle se calmait. La tentation de la mordre tout de suite, de s'offrir un vrai repas digne de ce nom était grande. Elle ne se doutait de rien du tout et Orlin en avait plus qu'assez de boire du sang bon pour la transfusion, du sang en conserve comme il l'appel. C'est un sang qui n'a plus aucune saveur : ça nourrit mais il faut se forcer pour en boire.

Jane
T'es tout gelé ! T'es malade ?

Ah oui, il n'avait pas réfléchi à ce petit détail en la prenant dans ses bras. Bof, il allait improviser. Jane le recouvra d'une couverture. Comme c'était gentil de sa part.

Jane
Tu veux une autre couverture ? J'ai celle de mon lit, si tu veux.

Orlin, décida d'en profiter pour s'amuser un peu. Mettre du piment dans cette mission qui était un peu monotone. Il se coucha sur le flanc et se mit à sa hauteur pour la regarder dans les yeux.

Orlin
Non, je ne suis pas malade. Il y a un juste un truc qui me tracasse.

Il se tut un petit instant pour la laisser baliser un peu.

Orlin
Tu sais, petite sœur, je crois que je suis amoureux.

[Ecrit avec Orlin]

Son frère s'était rallongé, et était à sa hauteur à présent. Maintenant qu'elle y pensait bien, c'est vrai qu'il était tout pâle. Il avait peut-être un varus... Un vorus... Le truc, là, qu'on attrapait et qui vous rendait malade... ah, oui, un virus ! C'était une espèce de petite bête, et qui rentrait dans votre corps. Orlin en avait un, alors ? Elle le regardait attentivement, pour vérifier.

Orlin - Non, je ne suis pas malade. Il y a un juste un truc qui me tracasse.

Son cœur se serra. S'il était pas malade, il était triste ? Elle n'aimait pas voir son frère triste... Il avait des ennuis au lycée ? Quelqu'un l'embêtait ? Elle aussi, des gens l'avait embêté, à l'école, mais elle n'avait rien dit. Elle aimerait bien aider son frère, mais comment ? Il faudrait qu'il lui parle de ce qui allait pas, pour qu'elle puisse l'aider, au moins un petit peu.

Orlin - Tu sais, petite sœur, je crois que je suis amoureux.

Elle ouvrit de grands yeux. Amoureux ? Mais amoureux de qui ? Et depuis combien de temps ? Elle était jolie ? Comment elle s'appelait ? Comment il l'avait connue ? Pourquoi on l'avait jamais vu ici, à la maison ? Et puis, s'il était amoureux, pourquoi il était triste ? Au contraire, il devrait être heureux, content, ou... Enfin, faire comme les grandes personnes, se montrer avec sa copine et l'embrasser. Elle voyait sa maman le faire avec son papa. Des fois, elle entendait d'autres trucs, la nuit, mais elle se bouchait les oreilles.

- Pourquoi t'es triste, alors ? Et c'est qui ?

Orlin - Bah, c'est quelqu'un de ma classe et je pense pas qu'il m'aime.

- Je peux t'aider ?

Orlin - Euh, je sais pas trop, dit-il en fuyant son regard, tu pourrais faire quoi ?

- Bah, l'appeler pour lui dire que tu l'aimes ? Puis, faut pas cacher ça, en plus, après les autres ils se moquent parce que t'es triste ou que t'es tout seul... Donc faut que tu le dises.

Orlin - C'est plus compliqué que ça, petite sœur.

Jane fronça le nez, elle ne voyait pas en quoi c'était compliqué. Quand on aimait quelqu'un, on le lui disait et voilà ! Pourquoi ce serait compliqué ? Maman leur disait facilement qu'elle les aimait, et elle le disait aussi à son mari. Donc son frère pouvait le faire aussi ! Convaincue de cette théorie implacable, elle l'exposa à son grand frère. Il soupira puis se pencha à son oreille.

Orlin - Tu sais garder un secret ?

- Bah oui.

Orlin - C'est un garçon.

Elle ouvrit de grands yeux, puis releva la tête, on lui demandant si on avait le droit. C'était bizarre, elle n'avait jamais vu de garçons avec d'autres garçons ! On avait vraiment le droit ? Son frère baissa la tête.

Orlin - Tu le dis à personne hein ?

Elle lui dit de ne pas s'inquiéter et se recoucha près de lui. C'était quand même bizarre, mais si son frère était mieux comme ça, tant mieux pour lui. Elle ferma les yeux, blottit dans ses bras, prête à se rendormir. Le silence la berçait, tout comme le souffle régulier de son frère. Orlin s'assit tout à coup sur son lit.

Orlin - Je crois que papa va se coucher.

Elle rouvrit les yeux, à moitié endormie. Il était quelle heure, en fait ? Elle n'avait pas le courage de se redresser, bâillant doucement.

Jane, humaine. Jane a neuf ans. Et elle ne se souvenait de rien. Aro trouvait la situation à la fois drôle et embarrassante. Embarrassante car ils ne devaient rien montrer devant elle et faire en sorte qu'elle ne comprenne pas, drôle car il était très, très mignon de la voir les considérer comme sa famille. Cela changeait beaucoup, et c'était très étrange. En attendant, il avait tout de même pris quelques mesures, et averti tout le monde se conduire à carreaux. Les nuits, surtout, étaient reposantes, car vu que la gamine dormait, ils n'avaient pas besoin de faire semblant.

Sulpicia semblait plus que satisfaite de la situation actuelle, prenant un grand plaisir à câliner et materner une fillette qui venait se blottir dans ses bras en l'appelant "maman", alors que cette même fillette la rejetait autrefois de toutes ses forces. Orlin aussi jouait le jeu, quoi qu'avec plus de difficultés. Aro surveillait le tout comme le lait sur le feu, histoire de prévenir toutes gaffes ou bourdes. Mais tout se passait bien pour le moment. Pour le moment. Il était assis à préparer un ordre de mission, observant une carte du monde, lorsque la voix hésitante de Jane se fit entendre à l'étage du dessus. Que faisait-elle debout à cette heure-ci ? Elle n'était pas censé dormir ? Il entendit Orlin se coucher à la vitesse de l'éclair, puis Jane entrer dans sa chambre.

Il roula la carte et la rangea soigneusement, pliant aussi documents et papiers. Autant aller retrouver Sulpicia, maintenant. Il fallait que leur fille croit en tout ce qu'ils lui montraient, en cette façade humaine grotesque, le temps que tout redevienne dans l'ordre. Il ignorait combien de temps cela allait prendre mais peu importe.

Orlin - Bah, c'est quelqu'un de ma classe et je pense pas qu'il m'aime.

Aro fronça les sourcils en se levant pour aller ranger tous ses documents dans les armoires et bibliothèques. Orlin avait-il VRAIMENT besoin d'aborder ce sujet avec une fillette de neuf ans ? Un peu de tenue, enfin ! Sulpicia allait sûrement hurler en entendant cela, d'ailleurs. Il n'écouta pas la suite, occupée à distribuer des ordres secs à quelques gardes, puis revint dans ses appartements. Orlin signala au passage qu'il croyait que "papa allait se coucher". Aro faillit éclater de rire et entra dans la chambre, où seule la lampe de chevet était allumée. Il s'assit sur le lit près d'eux, échangeant un regard avec Orlin. C'était vraiment étrange, en tout cas, mais le jeu était distrayant.

- Vous devriez déjà dormir, tous les deux. Vous avez vu l'heure ?

Il repoussa doucement Orlin au creux de son lit, puis prit Jane sur ses genoux. Elle était déjà à moitié endormie. Il la serra dans ses bras, comme pour la garder dans un petit cocon, et l'embrassa sur la joue. Elle paraissait tellement fragile et innocente que s'en était effrayant. Son sang avait une odeur de sous-bois, de grand air, de nature. Et l'odeur du feu, également. Une très forte odeur de feu qui dominait tout le reste. Il la câlina en souriant, la berçant contre lui.

Il se leva en la gardant dans ses bras, dit bonne nuit à Orlin, puis ramena la petite dans sa chambre. Il la recoucha dans son lit et ramena les couvertures sur elle, la bordant. Afin de la rassurer complètement, il lui lut une histoire que sa mère avait commencé la veille. Une fois qu'il eut terminé, il l'embrassa sur la joue.

- Bonne nuit, ma puce.

Il y a tout un grand bruit, comme un coup de feu, mais qui était sûrement le bruit causé par un garde qui s'entraînait. Bruit qui effraya néanmoins fortement Jane dans le cœur fit un bond dans sa poitrine. Il la reprit fermement dans ses bras avant qu'elle ne crie ou pleure, retenant un soupir. Qui était le crétin qui avait fait ça ?! Elle n'était plus du tout rassurée, maintenant... Bon, tant pis. Il la prit contre lui et l'emmena à leur chambre, au bout du couloir. Sulpicia faisait semblant de dormir, blottie dans leur lit. Elle fit semblant de se réveiller et d'avoir l'air fatiguée, allumant la lumière et demandant ce qui se passait. Il lui expliqua en quelques mots et posa Jane sur le lit. Sulpicia leva la couverture pour lui faire signe de la rejoindre. Il se coucha lui aussi. Il fallait bien faire semblant.

Aro - Vous devriez déjà dormir, tous les deux. Vous avez vu l'heure ?

Elle entrouvrit les yeux, alors qu'il la prenait sur ses genoux et refermait ses bras sur elle. Elle referma les yeux, bâillant longuement, la main serrée sur sa peluche, épuisée. Il l'embrassa sur la joue et elle sourit légèrement. Son papa était toujours comme ça, protecteur et attentionné. Il la berça, et elle replongeait dans le monde des rêves à la vitesse de l'éclair. Elle sentit à peine lorsqu'il se leva, s'accrochant à son cou.

Elle espérait secrètement qu'Orlin trouve le courage de dire à l'autre garçon qu'il l'aimait. L'amour, ça devait toujours finir comme les contes de fées que lui lisaient sa maman. Avec des gens heureux, des princesses sauvés par de preux chevaliers, et pleins d'enfants à la fin. Une fin heureuse, quoi. Son père la borda, et elle se frotta les yeux. Curieuse nuit, pour un début de vacances. Il lui lut le reste de l'histoire que maman avait commencé, puis l'embrassa sur la joue. Elle garda une seconde sa main dans la sienne.

Aro - Bonne nuit, ma puce.

Elle allait se rendormir, lorsqu'il y eut un très grand bruit, comme un coup de feu tout près d'ici. Elle voulut crier de terreur mais se retrouva sans crier gare dans les bras de son père. Elle s'accrocha à lui, terrifiée. C'était quoi ? qu'est-ce qui s'était passé ? Il y avait un cambrioleur dans le château ? Quelqu'un qui s'était introduit dans les étages ? Et s'ils étaient en danger ? Elle s'accrochait fermement à son papa, effrayée, et eut un gémissement lorsqu'il se leva. Il allait où ? Voir le bruit ? Avec elle ? Heureusement, il se dirigea plutôt vers sa propre chambre et la déposa sur le lit. Sa maman se réveilla du même coup et alluma la lumière.

- Il y a un intrus dans le château, murmura Jane tout bas.

Ses parents avaient fini de parler, et sa mère souleva la couverture. Jane alla à quatre pattes jusqu'à elle et se glissa dessous, se blottissant aussitôt contre sa maman, se serrant contre son cœur en reniflant. Elle la serra dans ses bras et l'embrassa sur le sommet de la tête.

Maman - Ne t'inquiètes pas, il y a beaucoup de gens dans le château qui sont là pour te protéger. Tu ne risques absolument rien.

Elle finit par se rendormir contre sa maman, et près de son père. Le lendemain matin, ses craintes nocturnes étaient dissipées. Elle passa une matinée normale, puis l'après-midi, éprouva le besoin de prendre l'air. Pendant que sa maman était occupée ailleurs, elle en profita pour se glisser hors des appartements communs et s'aventurer dans l'escalier. Elle se baladait fort peu souvent dans le château, mais savait qu'il y avait plein de monde qui y travaillait. Elle se dirigeait vers la plus grande salle lorsqu'elle entendit des hurlements.

Elle courut jusqu'à la source du bruit, entrouvrit légèrement la porte, et se figea d'horreur. Son père et ses amis étaient en train d'assassiner pleins de gens ! Horrifiée, elle recula d'un pas, tremblant de tous ses membres, puis se sauva, courant aussi vite qu'elle le pouvait, le visage inondé de larmes et secouée par la terreur. Elle fila se cacher dans un coin, blottie dans le noir, pleurant toutes les larmes de son corps.

Enfin une petite pause, ce n'était pas top tôt. Ca faisait des jours qu'Orlin était obligé de jouer la comédie pour faire croire à la petite Jane que tout le monde était humain. Même s'il avait trouvé l'idée amusante au début, ça commençait à lui peser de faire semblant vingt quatre heures sur vingt quatre. Il avait prétexté qu'il devait aller à l'école pour pouvoir s’éclipser un petit peu de "la maison" et se ressourcer. Se tenir en compagnie d'un humain n'était pas une chose aisée. De plus, rester près d'elle si longtemps, se retenir de ne pas la dévorer, combattre la soif incessante l'épuisait littéralement.

Aujourd'hui, c'était le jour du repas. Enfin ! Comme à chaque fois, Orlin l'attendait comme une délivrance. C'était toujours un moment agréable. De plus, les jumeaux n'étaient plus là, ce qui rendait le moment encore plus agréable. Comme à chaque fois "les invités" entrèrent dans la salle. Aro leur fit un simulacre de discours de bienvenue et en quelques minutes, l'affaire était pliée et tout le monde retourna vaquer à ses occupations.

Cependant, cette fois-ci tout ne se passa pas comme prévu. Jane avait décidé de vagabonder dans le château en sachant pertinemment que c'était interdit. Elle avait assisté à toute la scène et c'était enfuie en courant et en pleurant. Orlin n'en fut même pas étonné. Il commençait à connaitre les jumeaux et il savait qu'ils allaient faire ce genre de connerie un moment ou un autre. Il soupira, exaspéré, puis se lança à la poursuite de sa "petite sœur". Elle n'était pas très difficile à suivre car elle était aussi bruyante qu'une fanfare le 1er mai. Rien qu'en écoutant les battements de son cœur, on avait l'impression d'entendre un moteur de voiture de sport rugir.

Il fit mine de la chercher un peu, se demandant ce qu'il allait bien pouvoir lui raconter...Il ne savait que dire, et il n'avait pas spécialement envie de perdre son précieux temps libre avec elle. Il se décida à s'approcher et la découvrit en larmes comme ses cris le suggérèrent. Il s'agenouilla pour se mettre à sa hauteur puis lui prit sa main et utilisa son don pour la calmer. Une fois que son esprit était devenu aussi malléable que de la pâte à modeler, Orlin commença à lui sortir quelques phrases bateaux pour la rassurer tout en inventant une explication à la volée.

Orlin
Ça va, c'est fini, petite sœur. Tu as juste fait un cauchemar couplé d'une crise de somnambulisme.

Puis il a serra contre lui pour la réconforter, en prenant bien garde, cette fois, à ne pas lui faire sentir sa froideur.

Orlin
Allez, vient, on rentre.

Orlin la pris dans ses bras et la transporta jusqu'à la maison. En chemin ils croisèrent plusieurs gardes et il leur fit signe de ne rien dire et de poursuivre leur route comme si de rien n'était. Une fois rentrer, il la déposa sur un fauteuil, près de sa mère.

Orlin
Elle a fait un cauchemar, maman. Je viens de la retrouver dans les couloirs du château. Son somnambulisme ne semble pas être guérit finalement...

Sulpicia demanda quel cauchemar.

Orlin
Apparemment, elle nous aurait vu entrain de tuer des dizaines de personnes.

Son père était un assassin... Les personnes qui travaillaient avec lui aussi... Elle tremblait violemment, terrifiée. Est-ce qu'ils allaient la tuer elle aussi s'ils la trouvaient ? Son père... Son propre père ! Il avait tué ! Elle restait blottie dans son coin, terrorisée, et ne sachant plus quoi faire. Elle devait appeler sa mère ? Ou appeler la police ? Mais elle ne pouvait pas... Pas pour son père... Et si elle s'enfuyait ? Où pourrait-elle aller ? Tout à coup, quelqu'un s'agenouilla près d'elle et elle sursauta violemment, avant de reconnaître son grand frère. Il lui prit la main et elle se calma peu à peu, comme par magie, comme si toutes ses craintes jusqu'ici étaient infondées. Elle renifla, moins effrayée.

Orlin - Ça va, c'est fini, petite sœur. Tu as juste fait un cauchemar couplé d'une crise de somnambulisme.

Il l'attira dans ses bras et la serra contre lui. Elle tremblait moins, apaisée avec lui, même si la scène d'horreur courait toujours devant ses yeux. Elle sentit à peine qu'Orlin la souleva, ne l'entendit pas lui dire qu'il rentrait. Elle s'accrocha à son cou, ses jambes pendant dans le vide. Elle était choquée, même si elle ne pleurait plus. Son père avait tué... Tous ces gens, dans la salle, ils étaient tous morts ! Elle les avait vu mordre ces gens, ils étaient morts ! Ils remontèrent à l'étage, et une douce chaleur l'enveloppa. Mais elle ne se sentit pas plus à l'aise pour autant, même dans cet environnement familier. Son frère la déposa dans un fauteuil.

Orlin - Elle a fait un cauchemar, maman. Je viens de la retrouver dans les couloirs du château. Son somnambulisme ne semble pas être guérit finalement...

Son... Quoi ? Mais elle n'était pas somnambule ! Et elle était parfaitement réveillée lorsqu'elle avait vu tout ça ! Elle avait entendu les cris, elle avait vu le sang ! Elle frissonna, glacée.

Orlin - Apparemment, elle nous aurait vu entrain de tuer des dizaines de personnes.

- Ce n'était pas un cauchemar ! s'écria-t-elle.

Elle se tourna vers sa mère et lui attrapa la manche, la panique et la peur la reprenant.

- Je dormais pas ! Et j'ai vu papa, il... Il était en bas avec plein de personnes, et il y a des gens qui sont arrivés. Ces gens-là sont morts...

Tout à coup, alors que la peur la taraudait, sa mère poussa un bref cri de douleur avec un petit spasme. Jane sursauta et se releva d'un bond, reculant jusqu'au mur. Qu'est-ce qui s'était passé... Elle n'avait pas touché sa mère, elle n'avait pas pu lui faire mal ! Elle se cogna contre le mur, glacée jusqu'aux os, n'osant plus faire le moindre mouvement.

Orlin – Elle a fait un cauchemar, maman. Je viens de la retrouver dans les couloirs du château. Son somnambulisme ne semble pas être guéri finalement...

Sulpicia, qui lisait pour s’occuper en pensant à ce qui arrivait à Jane, fut tirée de sa lecture en entendant cela. Elle était installée sur un fauteuil et Orlin vint la rejoindre, déposant Jane juste à côté d’elle. Heu… Qu’avait-elle vu, au juste ? Vu l’heure, la jeune femme craignait sincèrement le pire. Elle ignorait comment elle devait se comporter, sachant tout de son caractère, se souvenant de la Jane « vampire » et non l’enfant qu’elle avait devant elle. Bon, agir méthodiquement, sans la choquer, surtout… Ce n’était pas compliqué, si ? Feignant un air naturel et inquiet, comme si elle croyait Orlin, Sulpicia demanda :

Sulpicia – Quel cauchemar ?

Orlin – Apparemment, elle nous aurait vu entrain de tuer des dizaines de personnes.

Aïe. Aïe. Triple « aïe ». Et maintenant ? Sulpicia eut à peine le temps de « digérer » la nouvelle que Jane s’écria, en lui attrapant la manche et en se tournant vers sa « mère » :

Jane – Ce n'était pas un cauchemar ! Je dormais pas ! Et j'ai vu papa, il... Il était en bas avec plein de personnes, et il y a des gens qui sont arrivés. Ces gens-là sont morts...

Sulpicia cherchait comment justifier une telle chose, comment lui expliquer et lui faire croire que c’était un cauchemar alors que ces images étaient gravées dans la tête de Jane. C’était impossible… Franchement impossible. Elle ne pouvait pas non plus lui dire la vérité, ou la petite risquait de s’enfuir à toutes jambes sans même leur laisser l’occasion de s’expliquer ou de la rattraper. Bon, ils y arriveraient, mais là n’est pas la question. Comment ne pas l’effrayer ?

La jeune femme n’eut pas le loisir de chercher davantage de réponse à cette question qu’une douleur incommensurable la transperça. Elle eut le souffle coupé, comme si quelqu’un s’amusait à lui broyer les os et à les guérir immédiatement pour recommencer, comme si quelqu’un la transperçait de mille aiguilles qui touchaient, chacune, un point plus sensible que le précédent. Par chance, cela ne dura qu’une brève seconde. Mais cette seconde fut suffisante pour déstabiliser momentanément Sulpicia qui se « reprit » lorsque Jane se fut réfugiée dans un coin, collée contre le mur, l’air apeuré. Elle n’avait pas été choquée, mais la jeune fillette qu’était Jane ne connaissait visiblement pas l’existence de son don. Ou alors, pas comme cela.

Bon. Et maintenant ? Que ferait une mère normale ? Réfléchissant à toute vitesse, essayant de se glisser dans la peau d’une mère dont la fille venait de dévoiler un don, Sulpicia se rapprocha doucement de Jane, un sourire prudent sur le visage. Ne faire aucun geste brusque et essayer de rassurer sa fille. Faire semblant d’être perdue était impossible, et bien trop tard par ailleurs. Dernière stratégie : dire que ce don vient de ses grands-parents, ce qui n’était pas faux en somme. D’une voix douce et maternelle, Sulpicia lui dit :

Sulpicia – Ma puce, calme-toi. Ce n’est rien, absolument rien. Nous… Ton père et moi nous y attendions, donc ne t’inquiètes pas. Ecoute… Viens, je pense que seul ton père pourra répondre à ce que tu as cru voir, et t’expliquer.

A vrai dire, Sulpicia improvisait de A à Z. Elle ignorait comment justifier une telle chose, comment cautionner une telle scène pour une enfant telle que Jane. Il fallait trouver une explication logique, comme une pièce, un film, un… N’importe quoi ! Mais, par peur de dire des bêtises, Sulpicia préférait aller trouver Aro. Surtout qu’il y avait la découverte du don de Jane… Une mère normale irait le dire à son époux, non ? Prenant sa « fille » dans ses bras pour palier la réserve émise par la peur de Jane, Sulpicia sortit des appartements et se dirigea vers la pièce située derrière la Salle du Trône, ne voulant pas prendre d’autre risque au cas où. Une fois dans la pièce, elle garda Jane dans ses bras pour la rassurer, toujours et encore, et attendit Aro. Lorsqu’il arriva, elle lui annonça :

Sulpicia – Elle a fait un cauchemar où elle te voyait… avec des gens qui sont morts. C’est bien cela, ma chérie ? Je me suis dit que tu étais le plus apte à lui donner une raison à ce qu’elle a vu. Et… Il y a encore autre chose. Ce que ses grands-parents avaient... Elle l’a. Cela s’est « activé » par accident tout à l’heure.