[Hors-Chrono] Les parents ne comprennent rien

Le ciel était très bas, blanc, gris et menaçant. Quelques flocons de neige tombaient parfois, recouvrant peu à peu le sol d'un manteau blanc et duveteux. Le vent soufflait fort, faisant claquer les dents. Il régnait un froid magistral, et pourtant, Renesmée avait chaud, et même très chaux. comment avoir froid avec cette main douce qui se glissait habilement sous ses vêtements ? Elle était assise sur les genoux de son petit ami, face à lui, les bras accrochés autour de son cou, et se laissait faire en gémissant alors qu'il dérivait vers des endroits très intimes. Elle lâcha un léger soupir, un large sourire aux lèvres, puis l'embrassa passionnément. Asim récupéra ses deux mains pour la serrer contre lui et lui rendre son baiser.

Asim avait vingt-et-un ans, alors qu'elle n'en avait que seize, mais cela ne les empêchait pas de s'aimer à la folie. Elle l'avait rencontré lors d'une de ses sorties en boîte avec ses copines de lycée. Il avait abandonné assez tôt ses études et avait trouvé un boulot. En-dehors, il était aussi dealer de drogue et participait à d'autres activités pas très nettes. Ils avaient flirtés, étaient sortis ensemble, pour finalement se laisser embarquer dans une histoire folle. C'était avec lui qu'elle avait eu sa "première fois". Et ne le regrettait en rien. Elle sortait avec lui depuis quelques mois. Seul hic, ses parents le haïssaient et lui avaient lourdement fait comprendre qu'ils feraient mieux de se séparer. Autant dire que les relations de la jeune hybride avec sa famille s'étaient un tantinet refroidies. Elle lui caressa la joue, un petit sourire aux lèvres.

- Honnêtement, murmura-t-elle, j'étais persuadée que tu allais me jeter, après avoir appris ça.

Asim - Te jeter ?! Non ! Au contraire ! C'est aussi mon gosse, et j'ai assez de fric pour m'occuper de toi et de lui, ma belle. Je règne déjà sur toute la banlieue, et tu es ma reine.

Elle eut un petit rire en entendant ces mots et l'embrassa à nouveau. Oui, elle l'aimait comme une folle.

Asim - Alors, quand est-ce que tu viens t'installer dans ma piaule ? J'ai un nouvel appart, plus grand et très confortable. On sera supers là-dedans !

- Ouais, mais je me suis trop pris la tête avec mes parents, t'imagine même pas ! On aurait dit que je venais de leur annoncer que j'allais mettre le feu à la maison et me jeter dedans.

Asim - Et ils ont refusés, bien sûr.

- Oui ! Ils sont vraiment lourds quand ils s'y mettent. C'est ma vie ! J'ai bien le droit d'en faire ce que je veux ! Enfin, là, c'est différent. D'ailleurs, je vais y aller.

Elle lui vola un dernier baiser, rajusta ses vêtements, et sortit d'un pas vif, ses longs cheveux volant allègrement derrière elle. Elle allait sûrement ENCORE se disputer avec ses parents, à coup sûr ! Ils ne voulaient rien comprendre, c'était désespérant. Elle ne mit que peu de temps à rentrer et fila directement au cottage. Sa mère s'y trouvait, occupée à cuisiner elle ne savait quoi. Renesmée s'appuya contre le meuble.

- Maman, tu vas sûrement crier mais tant pis. C'est à propos de mon départ chez Asim. Un nouvel élément me pousse à emménager avec lui. Je suis enceinte.

Depuis quelques mois, Bella ne comprenait plus sa fille. Les choses s’étaient enchaînées si vite… D’abord, ce n’était que la première fois, puis des sorties de plus en plus régulières. Après tout, elle comprenait parfaitement que sa fille commence à sortir et à rencontrer des gens, à flirter. Elle aurait tout accepté, n’importe qui. Mais Asim… Ce Asim, elle ne lui faisait pas du tout confiance. Il était dealer de drogues, traînait dans des endroits suspects et faisait des affaires plus louches les unes que les autres. Bien sûr, leur fille ne le leur avait pas dit mais le don d’Edward avait permis de le savoir et puis… L’odeur. Cette odeur insupportable, une vraie puanteur qui ne quittait plus leur fille à présent. Ils ne cessaient de s’engueuler, dès qu’ils se croisaient, et cela minait vraiment Bella. Elle n’avait pas envie de la perdre, pas après tout ce qu’il s’était passé, pas après tout ce qu’ils avaient vécu. La famille était sacrée pour eux et… Même si leur fille grandissait, imaginer que quelque chose de grave lui arrive, qu’elle perde tout sur un simple coup de tête, c’était impossible.

Mais, d’un autre côté, ils devaient être là pour la soutenir, ne pas l’enfoncer, essayer de la raisonner. Bella savait qu’ils n’avaient pas à critiquer le couple que voulait former Renesmée avec cet Asim, mais c’était risqué. Elle ne vieillirait plus, pas avant une bonne centaine d’années… Comment comptait-elle l’expliquer, cela ? Et si elle n’y avait pas pensé, peut-être qu’elle n’envisageait donc pas de pousser quelque chose aussi loin. Mais autrement, elle mettait toute la famille en danger car elle risquait de révéler leur secret, que ce soit le sien ou celui de sa famille, et les Volturi ne le pardonnerait pas. Bella voulait le faire comprendre à sa fille, elle voulait l’aider plutôt que de l’engueuler comme elle le faisait à chaque fois. Mais elle était plus perdue qu’autre chose et l’évitait donc, comme en cet instant précis.

Renesmée était dans sa chambre, à faire elle ne savait trop quoi, pendant qu’elle-même était assise dans le canapé du salon, au Cottage, regardant une vieille photo de leur fille. De la neige dans les cheveux, le regard brillant, un sourire illuminant son visage. Et Jacob. Bella entendit alors un pas léger et souple se rapprocher. Edward venait d’entrer dans le salon et la rejoignit sur le canapé. Elle posa sa tête contre son torse en soupirant, caressant du bout des doigts la photographie vieillie. Sans détacher son regard de la photo, elle lui dit :

Bella – Je ne sais plus quoi faire, Edward. J'ai peur qu'elle fasse une énorme connerie et qu'on ne réussisse pas à la protéger, ou qu'elle soit blessée, ou pire… Et je n'ai pas envie de m'engueuler avec elle, ça me fait assez mal comme ça.

A cette réponse, Edward la serra dans ses bras et l’embrassa sur le front pour finir par la bercer un peu. Bella ferma les yeux, tentant de chercher un peu d’apaisement grâce à ce contact, mais… Autant dire que cela n’aidait que très peu.

Edward – Elle n’est plus notre petite fille, c’est normal qu’elle veuille faire ses propres choix, même si j’avoue que je n’aime guère son petit ami... Enfin, il faut être patient. On ne peut la protéger de tout, et je sais qu’elle ne fera pas de bêtises.

Bella – Mais s'il lui arrive quelque chose ? Si ce Asim lui fait du mal, s'il... Si jamais il lui arrive quelque chose de grave, qu'elle meurt vu qu'il traine avec des gens louches ou qu'elle devient comme lui ?

Edward – Nessie, devenir comme lui ! Allons ! Tu la connais aussi bien que moi, tu sais qu’elle ne fera jamais ça. Et elle n’a pas de risques de mourir. Asim a beau être ce qu’il est, il ne lui fera pas de mal, pas à elle. Après, j’admets que cette situation me porte sur les nerfs, mais je ne vois pas ce qu’on peut faire de plus.

Bella fit une légère grimace, mi-inquiète, mi-vaincue. Elle savait qu’ils ne pouvaient rien faire de plus et, après tout, Edward avait raison : Asim ne ferait rien à Renesmée. Mais les gens qui trainaient avec Asim ? Les gens qu’il côtoyait ? En étaient-ils certains ? Ce n’était pas vraiment d’Asim que Bella avait peur, mais de son « entourage », de ses « connaissances ». Pire encore, indirectement, elle craignait que Renesmée aille trop vite et que cela tourne mal. Elle avait parlé d’emménager avec lui mais… Si les Volturi s’en mêlaient ? Bella soupira à nouveau, posa la photo sur la table-basse sans la quitter des yeux et se remit dans les bras d’Edward, plaçant une main dans la sienne par simple réflexe.

Bella – Ce n’est pas d’Asim que j’ai peur… Mais de ses… « connaissances ». Elle veut emménager avec lui, Edward… Au début, nous pensions que ce n’était qu’une amourette, que ça allait lui passer. Mais ici, si elle emménage et qu’elle fait comme… nous ? J’ai peur. Il ne connait rien de nous, de notre secret, et les Volturi ne nous accorderont jamais une autre chance.

Edward – Ecoute, on a du temps avant de nous soucier des Volturi... Mais si elle se met à parler de mariage, il faudra se résoudre à le mo... Enfin, à faire en sorte que les Italiens ne nous posent pas de problèmes.

Bella réprima un frisson, ne voulant pas penser à cette éventualité. Bon, d’accord, sa fille mariée, c’était un véritable rêve. Mais qu’elle se marie avec lui… Elle ne voulait pas, à moins d’être rassurée, à moins de savoir qu’il n’allait pas l’entraîner dans ses problèmes. Edward dut sentir qu’elle était tendue vu qu’il tenta de la rassurer, l’encourageant. Courage. Il avait raison, ils n’avaient rien à craindre… Ils devaient la soutenir, lui montrer qu’ils étaient là, qu’ils n’allaient pas la renier si elle s’installait avec Asim.  Bella se pelotonna dans les bras d’Edward, cherchant du réconfort, du calme, un soutien. Il était le seul à pouvoir la calmer sans tricher comme d’autres, le seul avec qui elle osait se montrer « normalement ».

Le lendemain, Bella ayant réfléchi toute la nuit, elle s’était décidée à passer outre sa répulsion pour le copain de sa fille et se mit à cuisiner. Oui, c’était inutile vu que Renesmée ne mangeait qu’à peine chez eux pour l’instant, mais on lui avait toujours répété que discuter autour d’un repas ou d’un verre était mieux. Au moins, elle faisait un effort. Edward, lui, avait fait profil bas et avait lâchement abandonné la partie, décidant de chasser pour ne pas être dans les parages lorsque sa femme discuterait avec sa fille. Lâcheur ! Pire lâcheur que lui, il n’y avait pas ! Après quelques heures, Bella entendit Renesmée rentrer, ses pas sur le chemin, sa main sur la porte, et enfin elle dans la pièce, appuyée contre un meuble.

Renesmée – Maman, tu vas sûrement crier mais tant pis. C'est à propos de mon départ chez Asim. Un nouvel élément me pousse à emménager avec lui. Je suis enceinte.

…

…

ENCEINTE ?! Un enfant de… Mais enceinte ?! Enceinte de lui ?! C’était impossible ! Non, non, non ! Bella avait lâché ce qu’elle tenait, littéralement choquée. Elle s’était figée, s’empêchant de hurler. Ne pas hurler. Ne pas hurler. La soutenir. Soutenir. Du soutien, pas d’engueulade. Ils en avaient parlé la veille, la sermonner une énième fois était inutile et cela ne ferait que la miner. Du calme. Respirer. Bella bouillait littéralement intérieurement, elle avait envie de hurler, de briser des rochers, de creuser un immense trou dans une grotte, de tuer quelques animaux… N’importe quoi, mais quelque chose pour se calmer. Et surtout, il ne fallait pas que Renesmée le voie, il ne fallait pas qu’elle le sache. Surtout pas. Il ne fallait pas… Mais enceinte ! ENCEINTE ! Et Bella était censée réagir comment, à cela, au juste ? Serrant ses poings, fermant les yeux, elle tenta de garder son calme et regarda sa fille dans les yeux, cherchant le moindre indice dévoilant une mauvaise blague. Mais non, ce n’en était pas une. Elle resta un long moment sans rien dire, n’osant parler sous peine de hurler, de gueuler. Il ne fallait pas. Enfin, elle se sentit capable de parler mais sa voix avait un timbre étrange, où se mêlaient peur, tristesse et colère.

Bella – Tu comptes le garder ?

Oups. Bella avait été un peu brusque, voire beaucoup trop. Une mère normale aurait dit « félicitations » ou « je vais être grand-mère ! », mais ici, non. Seulement, il fallait l’excuser, mais apprendre cela de but en blanc, sans même pouvoir gueuler, c’était insurmontable ! Surtout lorsque l’on est seule pour faire face à une telle nouvelle… Essayant, en vain, de se détendre, de ne pas prendre une voix tendue, d’être maternelle, Bella reprit sans bouger pour autant :

Bella – Désolée. Je n’ai pas envie de m’engueuler avec toi, Renesmée. Mais tu es sûre que… Enfin…

Bella s’interrompit, cherchant ses mots après avoir poussé un soupir. Elle n’avait pas envie de blesser sa fille, elle voulait être là pour elle, qu’elle sente que sa famille la soutenait au cas où cela se passait mal. Mais ici, la future grand-mère – apparemment… - ne savait pas comment réagir, ne savait pas comment ne pas choquer sa fille ou lui donner l’impression d’être abandonnée. Soupirant une nouvelle fois, Bella s’approcha doucement, très doucement, d’elle, et lui dit :

Bella – Je ne veux pas que tu fasses les mauvais choix. On en a parlé hier et… Si tu veux faire ta vie, c’est ton choix. Si tu veux garder cet enfant… Ca ne m’enchante pas, je te le dis franchement, mais il faut sûrement que tu apprennes de toi-même. Je ne veux pas te perdre, pas toi.

Visage stupéfait. Le plat qui s'écrasa lourdement contre le buffet. Renesmée ne dit strictement rien, attendant patiemment que sa mère encaisse et surmonte le choc. Car oui, elle était choquée, même un aveugle s'en apercevrait ! Et Renesmée s'en fichait. Après toutes leurs engueulades, les sermons qu'ils lui avaient imposé, leurs tentatives pour la convaincre de quitter Asim, leur surveillance comme si elle était toujours une gamine de cinq ans... Ils ne l'avait jamais accepté, et c'est cela qui la rendait furieuse. Après ce que sa propre mère avait fait, tomber amoureuse du seul homme du lycée qui voulait ardemment la tuer, Nessie estimait que ni elle ni son père n'avaient quoi que ce soit à dire contre Asim. Et Nessie lisait les émotions de sa mère sur son visage, dans ses yeux. De la peur. De la colère. Du désespoir ? Elle retint un long soupir.

Bella – Tu comptes le garder ?

Nessie ne répondit pas, mais son regard se voila un peu plus. Si elle comptait le garder ? En voilà une question hypocrite ! Elle connaissait parfaitement l'histoire de sa propre naissance, alors que sa mère lui demande si elle voulait garder son bébé, c'était vraiment le comble de l'ironie ! Qui avait dit, déjà, que beaucoup d'enfants répétaient les erreurs de leurs parents ? Si s'en était une, du moins. Renesmée ne pensait pas que cet enfant était une "erreur". Il était le fruit d'un amour partagé et réciproque. Son enfant. Et Bella, plus que n'importe qui d'autres, aurait dû comprendre ce que sa fille ressentait en cet instant précis... Bien sûr, Renesmée n'avait pas prévu de tomber enceinte aussi vite, mais après tout, pourquoi pas ? Elle allait très bientôt cesser de vieillir et devenir adulte. Libre de faire ses propres choix, de vivre comme elle en avait envie. Mi-humaine, mi-vampire, et surtout libre.

Bella – Désolée. Je n’ai pas envie de m’engueuler avec toi, Renesmée. Mais tu es sûre que… Enfin…

Sa mère finit par s'approcher doucement. Curieusement, Nessie avait plutôt envie de s'enfuir. Elle aurait cru que sa mère comprendrait, mais elle s'était visiblement trompée. Donc, dans ce cas, que lui restait-il à faire ici ? Elle devait partir, s'éloigner, vivre sa vie. Emménager avec Asim, se plonger pleinement dans une vie humaine et normale, avec ses joies, ses peines, ses douleurs, ses rires. Elle voulait cette vie, elle la désirait ! Une vie où il ne fallait pas se cacher sans cesse, où les seuls loisirs ne se résumaient pas à des parties de chasses et aux éternels mêmes jeux. Une vie où on rencontrait des personnes, avec qui on restait suffisamment longtemps pour s'en faire des amis. Une vie où on pouvait évoluer ! Sentir, ressentir, vivre en un mot.

Bella – Je ne veux pas que tu fasses les mauvais choix. On en a parlé hier et… Si tu veux faire ta vie, c’est ton choix. Si tu veux garder cet enfant… Ça ne m’enchante pas, je te le dis franchement, mais il faut sûrement que tu apprennes de toi-même. Je ne veux pas te perdre, pas toi.

Renesmée eut un sourire qui ressemblait plutôt à une grimace. Elle ne se sentait pas bien du tout, des dizaines d'émotions tournaient furieusement en elle, en même temps que des souvenirs. Elle prit une grande et brusque inspiration, et se redressa, les deux mains appuyées contre le buffet, face à sa mère.

- Ça n'enchantait pas non plus grand-monde que tu me gardes, maman ! Tant pis si tu détestes déjà cet enfant, et son père. Je trouve juste ça un peu gonflé après que toi, tu te sois attachée au seul homme qui voulait te tuer, mais passons.

Sans rajouter quoi que ce soit, elle fila dans sa chambre, puis sortit ses sacs avant de les remplir de vêtements, livres, photos, CDs, jeux et souvenirs. Elle prit aussi ses propres affaires de bébé, afin de pouvoir s'en servir pour son propre enfant. Elle pouvait le sentir en elle, blotti au chaud dans son ventre. Son bébé, son tout-petit. Ce sera un garçon ou une fille ? Elle avait hâte de le savoir, et réfléchissait déjà rêveusement au prénom qu'elle pourra lui donner. Elle avait hâte de commencer sa vie, de commencer à vivre, enfin. Elle ressortit de sa chambre avec ses valises.

Renesmée posa ses sacs dans l'entrée et vérifia qu'elle n'avait rien oublié. Sa mère était toujours dans la cuisine et la regardait. La jeune femme prit ses clés de voitures, ses affaires, puis se releva, jetant un coup d'œil à sa mère. Elle aurait aimé qu'elle comprenne, oui... La jeune hybride ne supportait cette vie cloîtrée, où ils étaient tous enfermés dans leur monde, avec des contacts artificiels avec celui des humains. Elle soupira, reposa ses sacs, puis serra sa mère dans ses bras.

- Au revoir.

Sa mère l'embrassa, puis lui affirma que la porte sera toujours ouverte pour elle. Renesmée sortit alors, quittant le cottage, s'engouffra dans sa voiture, puis démarra pour entamer sa nouvelle vie.